Du Patriotisme chez les Femmes

Sainte Geneviève, Jeanne d'Arc, Radegonde, Clotilde, Saintes de la Patrie
Sainte Geneviève – Sainte Jeanne d’Arc – Sainte Radegonde – Sainte Clotilde
Saintes de la Patrie, Priez Pour La France.

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« Les Grecs n’avaient vu dans la femme que sa beauté ; elle était à leurs yeux un instrument de plaisir, rien de plus. Aussi, dans la liste pourtant si courte de leurs célébrités féminines, ont-ils placé en tête Aspasie et Phryné, deux courtisanes !
Pour les Romains, la femme ne fut guère qu’un instrument de propagation. Sa fécondité lui tint lieu de vertu et fit toute sa grandeur. Sénèque va jusqu’à l’appeler «un animal sans pudeur».
C’était de la part de ces deux peuples, ne saluer qu’un corps là où il y avait une âme, et une âme si belle !
Les Barbares firent mieux : ils honorèrent dans la femme quelque chose de faible, et ils eurent pour cette faiblesse des ménagements et de la délicatesse, ce respect des forts. Ils honorèrent aussi en elle quelque chose de divin : leurs guerrières, leurs vierges, leurs prophétesses les accompagnaient dans leur vie d’aventures et de périls ; il est vrai, une fois le danger passé, la femme tombait vite de son piédestal.
Seul le Christianisme comprit bien la femme et la mit à sa vraie place. Il la considéra comme l’ange gardien de l’autel et du foyer : non seulement de ce foyer intime qu’on nomme la famille, mais aussi de ce foyer agrandi qu’on nomme la Patrie. Et il mit dans son cœur cette belle devise : pro aris et focis. Pour nos autels et nos foyers.

Or, l’ange gardien a deux rôles : 1° il inspire, il gouverne invisiblement ; 2° à l’heure du danger, il se montre et il agit. Ainsi fit Raphaël pour Tobie. Ainsi fait la femme pour l’homme. Elle est en tout temps la grande inspiratrice de l’homme, qu’elle gouverne avec une main cachée dans le cœur ; mais aux heures de souveraine détresse, elle ceint l’épée, s’il le faut, et devient sa vaillante coopératrice.

D’abord la femme est la grande inspiratrice de l’homme. Dans l’ordre du vrai, c’est Elle qui inspire le penseur, même le penseur chrétien. Saint Augustin est doublement le fils de sainte Monique : le fils de ses entrailles et le fils de son cœur. Que de fois, après la mort de sa mère, ce génie tendre et sublime, au ressouvenir du dernier entretien qu’il avait eu avec elle un soir à Ostie, aimera à s’élancer dans les profondeurs de Dieu et à reprendre seul ce chemin de l’éternité qu’ils avaient monté ensemble, ce soir-là, avec tant de charme, la main dans la main !
Du fond de la solitude de Bethléem, saint Jérôme, ce génie fougueux et indiscipliné, correspond avec les plus illustres matrones de Rome : et c’est pour elles qu’il traduit l’Écriture sainte.
Dans le palais de Charlemagne, Alcuin écrit pour les filles et les nièces de ce grand roi des Commentaires sur saint Jean.
Et au milieu même de cet incomparable XVIIe siècle, entre tant de noms célèbres, Jacqueline Pascal apparaît non sans gloire aux côtés de son illustre frère ; et derrière Nicole, se cache la duchesse de Longueville.
Dans l’ordre du beau, c’est encore la femme qui inspire l’artiste, même l’artiste chrétien. Si je descends dans les Catacombes, je rencontre à chaque pas, parmi les sujets de peinture, quoi donc ? Une femme en prière : l’Orante. Et cette première image de Marie sera comme la sœur aînée de cette longue famille de Vierges byzantines qui inspireront les peintres et les sculpteurs du Moyen Age : les-Michel-Ange, les Raphaël, les Léonard de Vinci. — A leur tour les vierges et les martyres seront les inspiratrices de l’éloquence et de la poésie chrétienne, comme les Sapho et les Erinne de l’antiquité le furent des poètes païens. Saint Ambroise, le pape saint Damase, le poète Prudence, dans leurs discours ou dans leurs poèmes, chantent à l’envi sainte Agnès. Fortunat n’écrit qu’en vers à sainte Radegonde de Poitiers. En Angleterre, saint Boniface se repose de ses travaux apostoliques en rimant de petits poèmes pour une abbesse, la belle Lioba. C’est à cette même inspiration féminine que les troubadours du Moyen Age, les Minnesinger, les poètes italiens devront tout leur génie. Dante hésite au moment de commencer son pèlerinage en Enfer, en Purgatoire et en Paradis : mais là-haut une femme veille sur lui, et il se met résolument à l’œuvre sous l’égide de Béatrix. A la première page de son Virgile, Pétrarque écrit un nom et une date : c’est le nom de sa Laure tant aimée et la date de sa mort.

Dans l’ordre du bien, je retrouve toujours la même influence. C’est la femme qui fait les saints. Elle les enfante dans la prière, dans les larmes, dans les exemples de vertu. — Clotilde prie, et Clovis se convertit à la foi chrétienne.— Monique pleure toutes ses larmes, et Augustin devient un grand saint en même temps qu’un grand penseur. — Blanche de Castille dit à son fils : « J’aimerais mieux vous voir mort que souillé d’un péché mortel», et Louis IX devient un grand saint en même temps qu’un grand roi.
Ainsi, dans les lettres, dans les arts, dans la vie morale, la femme, amoureuse elle-même du vrai, du beau, du bien, sait inspirer à l’homme ce triple amour. Mais Elle porte dans son cœur un autre amour encore l’amour de la Patrie. Et cette belle flamme, elle sent également le besoin de la communiquer : c’est elle qui fera les braves et les patriotes. […]

Sur notre terre de France, c’est bien plus merveilleux encore. Ce ne sont pas deux noms qu’il faudrait citer, mais toute une splendide lignée de saintes filles et de saintes femmes : de Geneviève à Jeanne d’Arc et à Jeanne Hachette, de la femme de Clovis à la femme de Louis XVI. — Et entre ces confins de notre histoire, en pleine société féodale, la femme est plus que jamais l’Ange de la Patrie. C’est elle qui, dans la solitude du manoir, met au cœur de ce rude soldat du Moyen Age, ces sentiments nouveaux de loyauté et d’honneur d’où sortira la Chevalerie. C’est Elle aussi qui sera l’âme des Croisades : ce grand mouvement religieux et patriotique qui, pendant près de deux siècles, entraîna des millions d’hommes à la conquête d’un tombeau, et fit retrouver sur le chemin de Jérusalem cette fraternité nationale perdue depuis si longtemps.

Hélas ! je n’ai garde de l’oublier, la femme méconnaît parfois son rôle. Alors elle devient le mauvais génie de l’homme : corruptio optimi pessima. Et au lieu de laisser derrière elle une trace de lumière et de gloire, elle laisse une trace de malédiction et de honte. En regard des Geneviève, des Clotilde, des Radegonde, des Bathilde, il y a les Brunehaut, et les Frédégonde de sanglante mémoire. En regard de Blanche de Castille et de Marguerite de Provence, c’est, plus d’un siècle avant, la reine Constance, faisant le tourment du bon roi Robert et soufflant dans l’âme de ses deux fils l’esprit de révolte. En regard de Jeanne d’Arc, c’est Isabeau de Bavière; et en regard de Marie Antoinette, Théroigne de Méricourt. Tant il est vrai que la neutralité est impossible à la femme. Au sein de la société comme au foyer de la famille, il faut qu’elle soit ange de lumière ou ange de ténèbres, pour le salut ou pour la perte des nations comme des individus.

Mais l’ange de la Patrie devient parfois visible. Ce n’est que rarement sans doute : car le bras d’une femme est trop faible pour porter longtemps, pour porter toujours le gantelet de fer et l’épée. Cependant, à de certains moments marqués par la divine Providence, son rôle d’Inspiratrice ne suffit plus à la femme. Alors, descendant tout armée dans l’arène, elle se fait la coopératrice de l’homme, et, de concert avec lui, sauve les sociétés mourantes. Les Juifs ont leur Judith, leur Esther, leur Déborah. Nous, à côté de tant d’illustres femmes : filles, épouses, mères et sœurs de rois, à côté d’illustres vierges comme Geneviève ou Jeanne Hachette, nous avons, bien au-dessus de toutes, Jeanne d’Arc.

Extrait de : Du Patriotisme Chez les Femmes, Étude Couronnée au Grand Concours Littéraire Ouvert en l’Honneur de Jeanne d’Arc par l’Académie Champenoise, par l’Abbé Théophile Besnard, 1887.

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