Pensées sur le Sacré-Cœur de Jésus Pour Tous les Jours de l’Année : 3 Janvier

Sainte Geneviève et le Sacré-Cœur de Jésus
Sainte Geneviève, Mère de la Patrie, priait et veillait sur Paris. Sacré-Cœur de Jésus – In Hoc Signo Vinces.

3 Janvier – SAINTE GENEVIÈVE, vierge.

Le Christ aime toujours les France, son Cœur Sacré s’attendrit sur leur sort comme sur son ami Lazare, dont il pleure la mort et il est assez puissant pour nous ressusciter si nous l’invoquons avec un cœur contrit et humilié. En nous consacrant au Sacré-Cœur de Jésus, nous ne devons pas oublier que la voie la plus sûre pour y arriver est le très pur et le très saint Cœur de Marie (Mgr Delalle.)

PRIÈRE. – Mon Dieu, mon unique bien, vous êtes tout pour moi, que je sois tout pour vous.

RÉSOLUTION. – Demander au Sacré-Cœur le salut de la France.

Extrait de : Pensées sur le Sacré-Cœur de Jésus Pour Tous les Jours de l’Année, auteur inconnu, 1901.

Sainte Geneviève veillait sur Paris vignette Sacré-Cœur
Sainte Geneviève. Elle veillait encore ! Vignette du Drapeau National du Sacré-Cœur, Honneur et Patrie. Époque première guerre mondiale.

Prières pour la France, par Raoul Follereau

Priere por la France Raoul Follereau

Prière au Christ « qui aime les Francs »

Seigneur, qui avez fait de ce pays comme un reflet de votre Ciel
Prenez en pitié la terre de France
Seigneur qui avez donné à ses fils, durant tant de siècles,
des trésors d’héroïsme, de sagesse et de sainteté
Prenez en pitié l’âme de la France.
Lorsque Paris fut menacé, Vous avez voulu Sainte Geneviève ;
Quand la Patrie fut envahie, Vous avez voulu Sainte Jeanne d’Arc.
Et parce que ce pays est le Vôtre,
Vous l’avez fait défendre et sauver par des Saints.

***

Avant même qu’elle fut la France, Vous l’aviez déjà désignée comme un refuge,
quand aux rivages de Provence débarquèrent, cherchant asile,
ceux dont les hommes maudissaient l’amour saint qu’ils avaient pour Vous
Seigneur, Souvenez-Vous de la terre qui reçut Madeleine, Marthe et Lazare.
Souvenez-vous du pacte de Tolbiac, et du vœu de Louis XIII,
et de la consécration de la France à Montmartre.
Pour Saint Louis aux Croisades, pour Saint Vincent aux Galères,
pour tous ceux qui sont morts, Seigneur, pour votre cause,
dans la douceur de votre foi,
prenez en pitié la terre et l’âme de la France.

***

Vous nous avez envoyé de grandes épreuves ;
la Patrie souffre et saigne et pleure à vos genoux.
Seigneur, nous avons mérité les maux qui nous accablent.
Si nous implorons votre miséricorde, ce n’est point pour nous,
pour nos personnes chétives, ou nos biens illusoires,
mais pour la France en qui Vous avez mis les signes de votre immortalité.
La France que Vous avez voulue renait sous votre providence ;
daignez en accueillir les promesses et les fleurs.
Et donnez-nous le courage quotidien pour la besogne obscure qu’elle demandera.
Faites que nous soyons grands pour être dignes d’elle, et pour,
à travers sa vie et sa gloire, Vous mieux comprendre et Vous mieux aimer.
Ainsi soit-il.

Raoul Follereau.

Sainte-Radegonde Mère De La Patrie, Par Le Cardinal Pie (3 et fin)

Le début de ce texte se trouve ICI

Gravure Sainte Radegonde fondatrice de l'abbaye Sainte-Croix

Sainte Radegonde. Reine de France, fondatrice de l’abbaye Sainte-Croix de Poitiers, 6ème siècle.
Gravure, seconde moitié XIXe siècle.

Mais notre invocation la plus familière à la fois et la plus solennelle à sainte Radegonde est celle-ci : « O mère de la patrie, illustre Radegonde, soyez le salut de votre peuple ; conservez la foi, affermissez les mœurs, procurez la paix par votre intercession. »

Une nation ne s’enfante pas toute seule elle a ses pères, ses fondateurs, ses auteurs. Loin de moi que je conteste ce titre à nos chefs de race, à Clovis, à Charlemagne, et à quelques autres. Toutefois les véritables et les premiers pères de la patrie française, ce furent ses grands évêques, et, par-dessus tous les autres, les saints Hilaire et Martin. Ils avaient fait une Gaule Chrétienne, une France Catholique toute prête pour le roi Franc qui allait se convertir, et que Remi allait évangéliser et baptiser. Mais ce n’était pas assez. Pour la formation et l’éducation des peuples, comme pour celle des particuliers, il n’est pas bon que l’homme soit seul. La France devait avoir des mères. Radegonde en est une. Les mères, c’est leur destinée de souffrir ; elles enfantent dans la douleur. Et qui de nous, en étudiant les origines de la nation, n’a été frappé du douloureux enfantement de la France par Clotilde et par Radegonde ? Radegonde, en particulier, a immensément souffert pour la France, elle a beaucoup travaillé pour elle, elle l’a beaucoup aimée. Jamais elle n’a plus efficacement rempli les fonctions de reine qu’après qu’elle eut cessé de l’être. Entendons le vénérable Hildebert, résumant les récits des biographes primitifs. Faisant l’office pieux du bourreau et du sacrificateur par rapport à sa propre chair : par ses jeûnes, ses cilices, ses macérations, elle intercédait auprès de Dieu pour tous les ordres de l’Église : pour l’Église d’abord, car elle savait déjà que la prospérité de la France est inséparable des destinées de l’Église. Puis, non-seulement par ses très-saintes prières, mais par ses lettres et ses correspondances, adressées à toutes les têtes couronnées, aux rois et à leurs ministres, elle travaillait à éteindre les guerres, à rétablir la concorde entre les princes divisés ; et ainsi le repos fut obtenu aux églises, la paix rendue à la patrie. C’est donc à bon droit que nous la saluons de ce titre de « mère de la patrie », et que nous appelons le peuple français « son peuple».

Oui, ô Radegonde, ce peuple est toujours le vôtre. Il se souvient que vous avez bercé son enfance sur vos genoux, que vous avez instruit et formé sa jeunesse, et il vous aime d’un amour fidèle. Quelle reine sur le trône est autant aimée, autant servie, autant priée, autant invoquée que vous ? En échange, donnez à ce peuple les gages de votre protection.

« Conservez la foi». Cette nation très-Chrétienne de France, qui est la fille aînée de l’Église, parmi ses malheurs et ses désastres, elle a eu la fortune de ne jamais se ranger sous l’étendard de l’hérésie ; elle a toujours marché en tête des puissances Catholiques. Aussi ne vous demandons-nous pas, ô sainte Reine, de nous rendre la Foi. Par la miséricorde de Dieu, c’est un trésor que nous n’avons point perdu. Dans l’opinion de tous les peuples, la France est en son fonds le pays orthodoxe par excellence. Mais, que d’adversaires acharnés, que d’ennemis conjurés contre cette orthodoxie ! Et parmi ceux qui la professent, que d’indifférence chez les uns, que d’alliages mauvais, que de défaillances doctrinales chez les autres !

Sainte Radegonde et Saint Médard scènes de vie monastique

Sainte Radegonde et Saint Médard. Scènes de la vie monastique.
Image à collectionner, début XXe siècle.

« Fortifiez, affermissez les mœurs ». La mollesse est partout : mollesse des convictions, mollesse des principes, mollesse des sentiments, et, par une suite nécessaire, mollesse des volontés ; mollesse des mœurs privées et des mœurs domestiques, mollesse des mœurs publiques et sociales ; mollesse des esprits, mollesse des corps. On nous le dit tous les jours : nous sommes une race d’amollis. O vous la femme forte, vous qui avez dominé votre siècle au lieu de vous traîner à sa remorque, relevez, soutenez nos mœurs qui s’affaissent. Rappelez à la France que Dieu lui a dit, comme à l’ancien Israël : « Je t’ai faite pour être à la tête, et non à la queue, pour être en avant et non en arrière ; ton rôle est d’être toujours en dessus, jamais en dessous ». Mais rappelez-lui aussi qu’elle ne peut garder ou reconquérir son rang qu’à la condition d’élever et de maintenir ses mœurs privées et ses mœurs publiques à la hauteur de sa vocation.

Enfin, ô grande Reine, « procurez-nous la paix par votre sainte intercession ». La paix, c’est toute notre ambition à cette heure. Peuple vaincu, nous ne demandons pas la gloire, nous ne demandons pas les conquêtes et les revanches ; nous demandons la paix, mais la paix honorable et digne, la paix qui ne soit pas l’humiliation d’un joug chaque jour plus appesanti, le servilisme muet, l’assujettissement honteux et coupable à tous les caprices de la force ; nous demandons une paix durant laquelle nous puissions nous relever d’abord aux yeux de Dieu et à nos propres yeux, pour nous relever ensuite aux yeux des peuples.

Tel est le vœu, telle est la prière que perpétuera, devant la tombe et devant l’autel de Radegonde, le lampadaire que les habitants de la capitale ont aujourd’hui suspendu dans ce sanctuaire. Autrefois Anne d’Autriche fonda ici une lampe perpétuelle en action de grâces de la naissance de son fils, de celui qui fut Louis XIV, et qui reçut à bon droit le nom de Louis le Grand. La lampe éteinte et détruite par les révolutions, ennemies de toute durée et de toute perpétuité, vous l’avez rétablie, vous l’avez rallumée, pieux pèlerins de Paris ; elle nous restera comme un souvenir et un gage de votre visite ; elle sera pour vous et votre grande cité un titre permanent à la protection de notre puissante Reine. J’aime à me le persuader : vous laisserez ici quelque chose de la liqueur de piété qui est dans vos âmes ; et, ce quelque chose s’unissant à l’huile qui alimentera cette lampe, sa flamme redira incessamment en votre nom les invocations que nous venons de commenter, celle-ci en particulier : « O Mère de la Patrie, illustre Radegonde, soyez le salut de votre peuple. Conservez la foi, affermissez les mœurs, procurez-nous la paix par votre sainte intercession. »

Ainsi soit-il.

Sainte Radegonde priez pour nous

Sainte Radegonde priez pour nous.

Extrait de : Discours Adressé dans l’Église de Sainte-Radegonde de Poitiers aux Pèlerins de Paris, le 17 Août 1874, par le Cardinal Louis-Édouard Pie.

Sainte-Radegonde Mère De La Patrie, Par Le Cardinal Pie (2)

Sainte Radegonde Reine de France

Sainte Radegonde Reine de France.

III.

« Radegonde, l’honneur des Francs, a méprisé la gloire du monde, et changé la pourpre royale pour le voile sacré ».
C’est notre chant des premières vêpres.

Oui, cette pauvre petite captive de Thuringe, venue dans le pays des Francs, en a été l’une des gloires les plus pures. Elle était douée des plus riches dons de la nature, dons extérieurs et dons de l’esprit. Les maîtres, les éducateurs de cette jeune fille crurent avoir fait merveille lorsque le roi de France, charmé de toutes les qualités de leur élève, l’appela à partager son trône et à présider avec lui aux destinées d’un grand royaume. Radegonde ne fut point éblouie. Elle avait donné son cœur à la sagesse divine ; elle préféra la sagesse aux royaumes et aux trônes ; elle considéra que les richesses n’étaient rien en comparaison d’elle ; elle n’eut pas même la pensée d’établir un rapport entre la sagesse et les pierres précieuses. L’or n’était à ses yeux qu’un peu de sable, l’argent n’était que de la boue. Pour ennoblir ce sable, pour purifier cette boue, elle les appliquait à des usages sacrés de piété et de charité. Elle aima la sagesse plus que la santé, plus que la beauté. Elle oubliait le soin de sa propre conservation ; nuit et jour elle se consumait, elle immolait sa vie au service de Dieu. Citée comme la plus belle des femmes du royaume, elle n’avait de souci que pour la beauté de son âme, elle ne voulait que la parure de la grâce et de la vertu. Si Clotaire lui faisait préparer des vêtements chargés d’or et de pierreries, elle trouvait le moyen de tromper les regards du royal époux ; et, sans les avoir portées même une seule fois, elle envoyait ces robes magnifiques aux églises voisines pour devenir la parure des autels, les ornements de la sagesse éternelle incarnée en Jésus-Christ et résidant dans l’Eucharistie.

Ainsi faisait Radegonde pendant qu’elle était sur le trône. Et ce n’était point assez à ses yeux. Ce trône, elle aspirait à en descendre. Trop de spectacles honteux ou douloureux y frappaient ses regards. Sitôt que la liberté lui en fut donnée, elle échangea la pourpre royale pour le voile sacré.

Mais, précisément parce qu’elle a méprisé la gloire mondaine, elle a mérité d’être davantage glorifiée. Parce qu’elle a quitté le royaume terrestre, elle a été mise en possession d’une royauté immortelle. La grandeur humaine meurt bientôt ; la grandeur de la sainteté va toujours s’élevant. Qui se souvient aujourd’hui de tant d’autres reines de France qui ont vécu dans les délices, dans les richesses, dans les honneurs, et qui sont mortes sur le trône ? Le temps n’a pas même respecté leur tombe, et personne ne songe à elles. Et voici qu’après treize cents ans, Radegonde est plus que jamais présente au souvenir de la nation.

Ce qu’un poète a dit d’un de nos monarques : « seul roi de qui le peuple ait gardé la mémoire », je le dirai avec bien plus de vérité de Radegonde. Certes, je n’entends pas diminuer la gloire de Clotilde, ni de Bathilde, ni de Jeanne de France, ni même la gloire de Blanche qui, si elle n’a pas eu les honneurs de la canonisation, porte sa tête toute rayonnante de l’auréole de son fils saint Louis. Mais pourtant Radegonde est demeurée plus populaire que toutes les autres. Seule de qui le peuple ait gardé la mémoire, seule à qui le peuple ait conservé son culte, sa confiance, son amour : autour de sa royale dépouille, chaque année la foule est plus compacte, les clients plus nombreux ; nos rues sont remplies, nos places sont couvertes ; le matin, avant le lever de l’aurore, les abords de l’église sont assiégés. Voilà ce que c’est d’avoir su échanger la pourpre contre la bure, le bandeau royal contre le voile sacré.

Sainte Radegonde de Poitiers souvenir du tombeau

Sainte Radegonde de Poitiers, Reine de France, Illustre et douce Mère, nous avons confiance en vous. Priez Pour Nous..

Souvenir de son tombeau. Carte postale début XXe siècle.

IV.

L’antienne des Laudes est celle-ci :
« La bienheureuse Radegonde, imitant la piété d’Hélène, soupira après la croix du Seigneur, et elle enrichit nos plages occidentales de ce gage de notre salut ».

Elle avait quitté son époux humain, le roi couronné d’un diadème terrestre ; en épousant un autre roi, le Roi couronné d’épines, elle avait épousé sa croix sans réserve. Or, elle avait conçu un dessein, elle nourrissait un désir qui allait s’enflammant toujours davantage. Elle qui portait la croix incessamment dans son cœur, et qui accomplissait dans son corps ce qui manque à la passion de Jésus, elle n’avait point de repos qu’elle n’eût obtenu un fragment de l’arbre du salut, un morceau du vrai bois de la croix, de ce bois détrempé et imprégné du sang rédempteur. L’empereur Justin se rendit à ses vœux.

Me demandez-vous ce qu’est devenu ce morceau de la vraie croix, cette portion, non pas la plus considérable, mais certainement la plus historique et la plus célèbre qui ait été apportée en Occident ? Mes Frères, nous la possédons toujours. Elle est toujours dans ce monastère de Radegonde auquel elle a donné son nom, dans l’antique et vénérable monastère de Sainte-Croix.

Des trésors de Clovis, de Clotaire, et du mobilier de toute la première race de nos souverains, que reste-t-il aujourd’hui ? A peine deux ou trois objets curieux, que les musées profanes conservent avec soin. Le trésor de Radegonde a eu un meilleur sort ; le musée sacré de ses filles nous montre le pupitre de bois pieusement sculpté, sur lequel elle posait son livre pour étudier et pour prier ; la croix de métal avec laquelle elle imprimait les stigmates de Jésus-Christ sur sa chair ; et, non loin de là, la coupe ou le calice en corne dans lequel elle s’abreuvait d’eau pure ou de la boisson vulgaire des pauvres ; enfin l’émail byzantin qui forme l’encadrement immédiat de la relique telle qu’elle a été envoyée d’Orient.

La dynastie mérovingienne a disparu depuis plus de mille ans. La postérité de sainte Radegonde vit encore, et nous avons la confiance que la royale abbaye, n’ayant pas survécu en vain à tant de causes de ruine, verra toujours se grouper autour du bois sacré une élite de vierges et de veuves jalouses d’être comptées parmi les filles spirituelles de la sainte Reine. Il est vrai, après avoir été pendant douze siècles le plus riche et le plus glorieux entre les monastères, il est compté parmi les plus humbles. Qu’importe, s’il a conservé la richesse de ses traditions et les sentiments qu’elles inspirent ?

Enfin, les chants guerriers ou patriotiques de nos origines nationales, on les a perdus, ou l’on n’en possède que des débris. Les hymnes de Fortunat, les chants de Radegonde, composés pour l’arrivée et la réception de la vraie croix dans nos murs, l’Église universelle les chante encore, les chantera jusqu’à la fin des siècles. Dans toute l’étendue de la Catholicité, toutes les fois qu’il s’agit de célébrer l’étendard du Roi, et le grand combat de la vie contre la mort, ce sont nos hymnes poitevines qui sont sur toutes les lèvres. Monuments impérissables, qui rattachent à l’histoire générale de l’Église et de sa liturgie le fait célébré dans notre antienne : « La bienheureuse Radegonde, rivalisant avec la piété d’Hélène, soupira après la croix du Sauveur, et enrichit notre Occident de gage du salut. »

Extrait de : Discours Adressé dans l’Église de Sainte-Radegonde de Poitiers aux Pèlerins de Paris, le 17 Août 1874, par le Cardinal Louis-Édouard Pie.

Sainte-Radegonde Mère De La Patrie, Par Le Cardinal Pie (1)

Sainte Radegonde orgueil de la race des Francs

« Sainte Radegonde, orgueil de la race des Francs, qui avez pris la Croix pour Sceptre, soyez notre secours dans les dangers qui nous menacent. »

I

Il est des temps où, pour punir l’orgueil des hommes, pour châtier l’incorrigible confiance qu’ils ont en eux-mêmes, Dieu se cache, Dieu se retire, et alors les ténèbres se font sur toute la face de la terre, des ténèbres profondes, des ténèbres horribles. Il en fut ainsi pour le pays des Pharaons à la voix de Moïse, il en fut de même pour la terre entière à l’heure où allait se consommer le déicide. Ainsi en est-il présentement, je ne dis pas en ce qui est de la lumière matérielle, mais de la lumière des esprits. Jamais le globe terrestre n’a été enveloppé d’un nuage plus épais, jamais l’humanité n’a marché dans des voies plus assombries et plus obscures. On se croirait revenu au premier début de la création, alors que tout était chaos et que les ténèbres couvraient la surface de l’abîme, Dieu n’ayant pas encore séparé les ténèbres de la lumière. En plein midi, nous hésitons, nous palpons, nous tâtonnons comme dans la nuit, et non dans la lumière ; et les conducteurs des peuples, plus aveugles encore que ceux qu’ils conduisent, ne réussissent qu’à nous précipiter avec eux dans une même fosse.

Vous êtes juste, Seigneur, et vos jugements sont la justice même. Les hommes vous ont dit : « Retirez-vous de nous, nous ne voulons pas de la science de vos voies. » Vous avez détourné votre face, et le trouble s’est emparé d’eux, et ils ont perdu l’esprit, et ils tombent en défaillance, et ils sont retournés à l’état de poussière.

Et néanmoins, dans ce désarroi absolu, nous les entendons encore qui nous crient : — Où allez-vous ? Que faites-vous ? Quel délire vous emporte ? Le monde est gouverné par les sages, et non par les thaumaturges. Dieu ne veut pas qu’on le tente. Qu’on l’invoque, à la bonne heure ; mais, en définitive, c’est à l’activité humaine, c’est à l’habileté politique qu’il faut en revenir pour faire les affaires de ce monde. — Et nous de leur répondre : Mais précisément cette activité humaine, nous en cherchons les effets, et ils nous fuient ; cette science politique, nous en implorons les fruits, et ils nous échappent. Apologistes par trop désintéressés, partisans en vérité trop platoniques des combinaisons de la sagesse et de la prudence naturelle, c’est parce que vous ne nous offrez en vous aucune de ces ressources, c’est parce que tous les moyens ordinaires ont été paralysés, parce que toutes les voies humaines ont été coupées et fermées, que nous nous rejetons exclusivement vers le Ciel, ayant besoin désormais d’espérer contre toute espérance.

Allons, les habiles de ce monde, quelque peu de modestie vous conviendrait, et aussi quelque indulgence envers ces humbles serviteurs de Dieu que vous appelez dédaigneusement « les miraculeux ». Avant de rire des miracles que nous cherchons, montrez-nous les vôtres. Sauvez-nous, et nous remercierons volontiers le Ciel de nous avoir sauvés par vous. Mais si, au lieu du salut, vous ne nous apportez que l’aggravation de la honte et de la ruine, trouvez bon que nous demandions à Dieu seul, et à sa mère, et à ses saints, ce que l’énervement des hommes est impuissant à nous donner.

« Cherchez, nous dit le royal prophète, cherchez le Seigneur, et cherchez votre force en lui ; cherchez son visage sans cesse ». Ainsi faites-vous, mes très-chers Frères ; ainsi font les vrais Chrétiens sur tous les points du globe à l’heure présente. Le désordre et la confusion étant partout, l’abomination de la désolation menaçant de s’installer sur la terre, vous vous souvenez de la parole de Jésus-Christ, et vous vous réfugiez vers les montagnes. Vous avez appris que les signes surnaturels avaient apparu sur ces hauteurs, que des effets manifestes de la puissance divine s’y renouvelaient de jour en jour, que des guérisons merveilleuses s’y succédaient, et vous vous acheminez vers ces sources miraculeuses, espérant que la même vertu qui guérit les infirmités des particuliers, guérira aussi les maux de la société, rendra la vie et le mouvement à cette nation paralytique, remettra sur pied ce peuple impotent, objet de la pitié et quelquefois des insultes des passants et des étrangers. Allez donc où vous porte, où vous pousse l’esprit du Seigneur. Il a dit : « Cherchez, et vous trouverez ! ». Il ne manquera point à sa parole. Pèlerins qui cherchez le Seigneur, et sa force, et son visage, vous rencontrerez le Seigneur, vous sentirez sa vertu en vous ; sous les traits aimables de sa mère, il se montrera à vos regards, et fera rentrer l’espérance dans vos cœurs.

II

Cette vertu, ce visage du Seigneur, notre religieuse cité, dans laquelle vous avez eu la bonne inspiration de faire une halte pieuse, ne vous en offre-t-elle pas déjà de premiers gages et de premiers rayons ? La grâce divine s’est enracinée sur ce sol, elle y est entrée plus avant, elle s’y est épanouie plus largement que sur aucun point de la Gaule. Ici, d’après nos traditions, ici l’apôtre de l’Aquitaine, saint Martial, eut la vision du martyre du prince des apôtres, et, avec le bâton même qu’il avait reçu de son maître, il traça les fondations du premier temple bâti en son honneur : telle est la glorieuse origine qui relie la mère église de Poitiers à la personne de saint Pierre ; et, comme l’a dit l’éloquent évêque de Tulle dans le langage qui lui appartient, « c’est la raison des énergies sacerdotales qui n’ont cessé de partir de ce lieu ». Ici, d’après l’histoire et d’après les monuments, ici, dans l’étroit espace qui sépare l’église cathédrale de son étroit baptistère, se sont rencontrés et ont cohabité quelques années les deux principaux initiateurs de notre nation Chrétienne, saint Hilaire et saint Martin : deux figures géantes, toujours dressées sur la cité pour protéger de leur regard la foi annoncée par leur parole et confirmée par leurs prodiges. Attirée par la renommée de leur sainteté et de leur puissance, Radegonde est venue chercher son refuge et placer son monastère à l’ombre de ces deux grandes mémoires : ainsi s’explique la contiguïté de tous ces sanctuaires, jaloux de se serrer les uns auprès des autres.

Radegonde, vous avez pu vous en apercevoir déjà, mes bien chers Frères, elle est toujours vivante parmi nous ; elle est la reine de cette cité, la souveraine de cette contrée : elle y tient sa cour plénière et permanente, elle y dispense nuit et jour ses faveurs. Auprès de son tombeau se mêlent, se confondent chaque jour tous les rangs, toutes les conditions les plus diverses. Quels qu’ils soient, grands ou petits, riches ou pauvres, indigènes ou étrangers, Radegonde donne audience à tous, et tous remportent d’auprès d’elle les grâces les plus précieuses et les plus signalées.

Pèlerins de Paris, la sainte reine vous appartint avant de se donner à nous. Saint Germain de Paris fut son protecteur, son conseiller, son guide, aux jours les plus difficiles de sa vie, et il n’hésita point à venir jusqu’ici pour la couvrir encore de sa protection quand elle fut menacée dans la paix de sa retraite. Je voudrais donc vous parler d’elle comme il convient. Mais à des voyageurs fatigués on ne fait pas subir les longueurs d’un panégyrique. J’en rassemblerai quelques traits dans l’explication rapide des trois antiennes que notre Église chante, et que vous allez chanter avec nous, en l’honneur de notre royale patronne.

Extrait de : Discours Adressé dans l’Église de Sainte-Radegonde de Poitiers aux Pèlerins de Paris, le 17 Août 1874, par le Cardinal Louis-Édouard Pie.

Litanies de Sainte Radegonde souvenir pèlerinage au tombeau

Litanies de Sainte Radegonde.
Souvenir du Pèlerinage au Tombeau de Sainte Radegonde.

A suivre… 2ème partie.