![Sainte Radegonde Reine de France](https://francais-et-chretiens.home.blog/wp-content/uploads/2020/05/sainte-radegonde-reine-france.jpg?w=455)
Sainte Radegonde Reine de France.
III.
« Radegonde, l’honneur des Francs, a méprisé la gloire du monde, et changé la pourpre royale pour le voile sacré ».
C’est notre chant des premières vêpres.
Oui, cette pauvre petite captive de Thuringe, venue dans le pays des Francs, en a été l’une des gloires les plus pures. Elle était douée des plus riches dons de la nature, dons extérieurs et dons de l’esprit. Les maîtres, les éducateurs de cette jeune fille crurent avoir fait merveille lorsque le roi de France, charmé de toutes les qualités de leur élève, l’appela à partager son trône et à présider avec lui aux destinées d’un grand royaume. Radegonde ne fut point éblouie. Elle avait donné son cœur à la sagesse divine ; elle préféra la sagesse aux royaumes et aux trônes ; elle considéra que les richesses n’étaient rien en comparaison d’elle ; elle n’eut pas même la pensée d’établir un rapport entre la sagesse et les pierres précieuses. L’or n’était à ses yeux qu’un peu de sable, l’argent n’était que de la boue. Pour ennoblir ce sable, pour purifier cette boue, elle les appliquait à des usages sacrés de piété et de charité. Elle aima la sagesse plus que la santé, plus que la beauté. Elle oubliait le soin de sa propre conservation ; nuit et jour elle se consumait, elle immolait sa vie au service de Dieu. Citée comme la plus belle des femmes du royaume, elle n’avait de souci que pour la beauté de son âme, elle ne voulait que la parure de la grâce et de la vertu. Si Clotaire lui faisait préparer des vêtements chargés d’or et de pierreries, elle trouvait le moyen de tromper les regards du royal époux ; et, sans les avoir portées même une seule fois, elle envoyait ces robes magnifiques aux églises voisines pour devenir la parure des autels, les ornements de la sagesse éternelle incarnée en Jésus-Christ et résidant dans l’Eucharistie.
Ainsi faisait Radegonde pendant qu’elle était sur le trône. Et ce n’était point assez à ses yeux. Ce trône, elle aspirait à en descendre. Trop de spectacles honteux ou douloureux y frappaient ses regards. Sitôt que la liberté lui en fut donnée, elle échangea la pourpre royale pour le voile sacré.
Mais, précisément parce qu’elle a méprisé la gloire mondaine, elle a mérité d’être davantage glorifiée. Parce qu’elle a quitté le royaume terrestre, elle a été mise en possession d’une royauté immortelle. La grandeur humaine meurt bientôt ; la grandeur de la sainteté va toujours s’élevant. Qui se souvient aujourd’hui de tant d’autres reines de France qui ont vécu dans les délices, dans les richesses, dans les honneurs, et qui sont mortes sur le trône ? Le temps n’a pas même respecté leur tombe, et personne ne songe à elles. Et voici qu’après treize cents ans, Radegonde est plus que jamais présente au souvenir de la nation.
Ce qu’un poète a dit d’un de nos monarques : « seul roi de qui le peuple ait gardé la mémoire », je le dirai avec bien plus de vérité de Radegonde. Certes, je n’entends pas diminuer la gloire de Clotilde, ni de Bathilde, ni de Jeanne de France, ni même la gloire de Blanche qui, si elle n’a pas eu les honneurs de la canonisation, porte sa tête toute rayonnante de l’auréole de son fils saint Louis. Mais pourtant Radegonde est demeurée plus populaire que toutes les autres. Seule de qui le peuple ait gardé la mémoire, seule à qui le peuple ait conservé son culte, sa confiance, son amour : autour de sa royale dépouille, chaque année la foule est plus compacte, les clients plus nombreux ; nos rues sont remplies, nos places sont couvertes ; le matin, avant le lever de l’aurore, les abords de l’église sont assiégés. Voilà ce que c’est d’avoir su échanger la pourpre contre la bure, le bandeau royal contre le voile sacré.
![Sainte Radegonde de Poitiers souvenir du tombeau](https://francais-et-chretiens.home.blog/wp-content/uploads/2020/05/sainte-radegonde-poitiers-souvenir-tombeau.jpg?w=593)
Sainte Radegonde de Poitiers, Reine de France, Illustre et douce Mère, nous avons confiance en vous. Priez Pour Nous..
Souvenir de son tombeau. Carte postale début XXe siècle.
IV.
L’antienne des Laudes est celle-ci :
« La bienheureuse Radegonde, imitant la piété d’Hélène, soupira après la croix du Seigneur, et elle enrichit nos plages occidentales de ce gage de notre salut ».
Elle avait quitté son époux humain, le roi couronné d’un diadème terrestre ; en épousant un autre roi, le Roi couronné d’épines, elle avait épousé sa croix sans réserve. Or, elle avait conçu un dessein, elle nourrissait un désir qui allait s’enflammant toujours davantage. Elle qui portait la croix incessamment dans son cœur, et qui accomplissait dans son corps ce qui manque à la passion de Jésus, elle n’avait point de repos qu’elle n’eût obtenu un fragment de l’arbre du salut, un morceau du vrai bois de la croix, de ce bois détrempé et imprégné du sang rédempteur. L’empereur Justin se rendit à ses vœux.
Me demandez-vous ce qu’est devenu ce morceau de la vraie croix, cette portion, non pas la plus considérable, mais certainement la plus historique et la plus célèbre qui ait été apportée en Occident ? Mes Frères, nous la possédons toujours. Elle est toujours dans ce monastère de Radegonde auquel elle a donné son nom, dans l’antique et vénérable monastère de Sainte-Croix.
Des trésors de Clovis, de Clotaire, et du mobilier de toute la première race de nos souverains, que reste-t-il aujourd’hui ? A peine deux ou trois objets curieux, que les musées profanes conservent avec soin. Le trésor de Radegonde a eu un meilleur sort ; le musée sacré de ses filles nous montre le pupitre de bois pieusement sculpté, sur lequel elle posait son livre pour étudier et pour prier ; la croix de métal avec laquelle elle imprimait les stigmates de Jésus-Christ sur sa chair ; et, non loin de là, la coupe ou le calice en corne dans lequel elle s’abreuvait d’eau pure ou de la boisson vulgaire des pauvres ; enfin l’émail byzantin qui forme l’encadrement immédiat de la relique telle qu’elle a été envoyée d’Orient.
La dynastie mérovingienne a disparu depuis plus de mille ans. La postérité de sainte Radegonde vit encore, et nous avons la confiance que la royale abbaye, n’ayant pas survécu en vain à tant de causes de ruine, verra toujours se grouper autour du bois sacré une élite de vierges et de veuves jalouses d’être comptées parmi les filles spirituelles de la sainte Reine. Il est vrai, après avoir été pendant douze siècles le plus riche et le plus glorieux entre les monastères, il est compté parmi les plus humbles. Qu’importe, s’il a conservé la richesse de ses traditions et les sentiments qu’elles inspirent ?
Enfin, les chants guerriers ou patriotiques de nos origines nationales, on les a perdus, ou l’on n’en possède que des débris. Les hymnes de Fortunat, les chants de Radegonde, composés pour l’arrivée et la réception de la vraie croix dans nos murs, l’Église universelle les chante encore, les chantera jusqu’à la fin des siècles. Dans toute l’étendue de la Catholicité, toutes les fois qu’il s’agit de célébrer l’étendard du Roi, et le grand combat de la vie contre la mort, ce sont nos hymnes poitevines qui sont sur toutes les lèvres. Monuments impérissables, qui rattachent à l’histoire générale de l’Église et de sa liturgie le fait célébré dans notre antienne : « La bienheureuse Radegonde, rivalisant avec la piété d’Hélène, soupira après la croix du Sauveur, et enrichit notre Occident de gage du salut. »