l’Athéisme Mène au Désastre

France sans Dieu athéisme laïcité

Carte postale, début XXe siècle.

« Rompant, non pas seulement avec le christianisme, avec le catholicisme, avec le protestantisme, mais avec la foi de tous les peuples, et avec l’humanité tout entière, vous reculez par-delà le paganisme même jusqu’à l’athéisme ; vous déclarez que Dieu et l’immortalité de l’âme ne sont que des hypothèses et des chimères, et vous ne voulez d’aucun culte, d’aucune religion, quelle qu’elle soit.

Eh bien ! permettez-moi de vous le prophétiser : il arrivera probablement de grands malheurs avant que ma prophétie ne s’accomplisse, mais elle s’accomplira : vous deviendrez une secte que l’humanité prendra en horreur, et les noms des athées modernes, comme ceux des Chaumette, des Hébert, des Marat, des Robespierre, — qui, pourtant, lui, proclama un jour l’Être Suprême, — ne recueilleront que les malédictions de l’avenir !

Car, qu’êtes-vous, enfin, pour la plupart, sinon des athées, et que nous préparez-vous, sinon des désastres ? »

Extrait de : L’Athéisme et le Péril Social, par Mgr Félix Dupanloup. 1866.

Prendre de l’Altitude

« Il n’y a que le tout qui soit intelligible, et le tout est trop vaste pour être vu de près. Chaque événement est comme un caractère particulier, qui est trop grand pour la petitesse de nos organes, et qui ne signifie rien, s’il est séparé des autres. Quand nous verrons en Dieu, à la fin des siècles, dans son vrai point de vue, le total des événements du genre humain, depuis le premier jusqu’au dernier jour de l’univers, et leurs proportions par rapport aux desseins de Dieu, nous nous écrierons : Seigneur, il n’y a que vous de juste et sage. »

Exposition des principales vérités de la foi catholique, tirée des ouvrages de Fénelon, par Mgr Dupanloup.

Athéisme et Péril Social – Mgr Dupanloup (4)

Portrait dessin de Mgr Dupanloup

Mgr Dupanloup (1802-1878), Évêque d’Orléans.

La Vrai Doctrine Chrétienne Relativement à la Providence.

« De toutes les perfections infinies de Dieu, dit Bossuet, celle qui a été exposée à des contradictions plus opiniâtres, c’est sans doute cette Providence éternelle qui gouverne les choses humaines. Rien n’a paru plus insupportable à l’arrogance des libertins, que de se voir continuellement observés par cet œil toujours veillant de la Providence divine. Il leur a paru, à ces libertins, que c’était une contrainte importune de reconnaître qu’il y eût au ciel une force supérieure qui gouvernât tous nos mouvements, et châtiât nos actions déréglées avec une autorité souveraine. Ils ont voulu secouer le joug de cette Providence qui veille sur nous, afin d’entretenir dans l’indépendance une liberté indocile, qui les porte à vivre à leur fantaisie, sans crainte, sans retenue et sans discipline. Telle était la doctrine des Épicuriens, laquelle, toute brutale qu’elle est, tâchait de s’appuyer sur des arguments tirés de la distribution des biens et des maux. […] c’est l’effet des lois naturelles ! »

Mais cette réponse n’explique rien.

La question reste tout entière : Pourquoi le Dieu bon, auteur du monde et des lois de la nature, a-t-il établi un monde et des lois dont l’humanité devait tant souffrir ? Cette question est pour vous absolument insoluble. Il faut dire comme nous, ou vous jeter dans le fatalisme comme vous le faites, et vous plonger en cet abîme de l’athéisme, dont Bossuet disait que c’est mettre son repos dans une fureur qui ne trouve presque point de place dans les esprits : et alors les absurdités où vous tombez deviennent insoutenables, vous suivez l’une après l’autre d’incompréhensibles erreurs, et descendez au-dessous du paganisme lui-même.

Sans doute, je l’ai dit, l’antiquité païenne, en conservant une certaine tradition de ces grands dogmes de la Providence et de la justice divine, était loin de les entendre et d’en pénétrer les saintes obscurités aussi bien que nous pouvons le faire aujourd’hui, dans la pleine lumière du Christianisme.

Toutefois le haut bon sens des anciens leur faisait voir que Dieu, Créateur et Souverain Maître, peut sans injustice, dans cet ordre du monde, mélangé pour tous de biens et de maux, envoyer des maux sur un peuple ou sur une famille, à la suite de quelque grand forfait commis par leur chef ; que ces grands coups, dont frappe quelquefois la justice divine, ont ce but très haut et cet effet très-digne de Dieu, d’imprimer aux hommes une plus grande horreur des grands crimes, quand ils voient le mal vengeur se précipiter à la suite, et s’étendre quelquefois sur tout un peuple, ou sur plusieurs générations dans la famille du coupable.

Les anciens pouvaient entrevoir aussi quelque chose des dédommagements et des récompenses, par lesquels Dieu couronne, dans une vie meilleure, le mérite de la résignation et de la patience. Mais que nos lumières à nous, Chrétiens, sont plus vives, et combien, dans le splendide horizon du dessein total de la Providence, que le Christianisme nous découvre, ces grands et difficiles problèmes de la justice divine, reçoivent pour nos esprits un éclaircissement plus parfait !

Saint joseph apprenez-nous à supporter les épreuves

Saint joseph
Apprenez-nous à supporter toutes les épreuves de la vie et à tenir notre cœur toujours soumis à Dieu.
(Père Isidore de Isolani)

Le Christianisme nous éclaire d’abord sur la suprême grandeur de Dieu, et sur la culpabilité de l’homme, lorsqu’il ose s’attaquer à une majesté si haute ; et quand notre apparente innocence se trouve enveloppée dans ces terribles châtiments publics envoyés pour punir les crimes des hommes, chacun de nous peut convenir sans peine qu’il n’y a rien, dans la part qu’il a de ces châtiments, qui surpasse les expiations et les épreuves dont il a lui-même besoin ; et nous disons : Si quelqu’un se croit ici de meilleure condition que ses frères, qu’il se lève et jette la pierre aux autres.

Et de plus, quand le Chrétien se place à ces grands et lumineux points de vue que la foi lui offre : sa destination à une immortelle félicité ; sa vie ici-bas, imperceptible point dans la durée totale d’une existence qui ne doit point avoir de terme, courte épreuve de quelques jours destinée à lui faire mériter, par le noble et laborieux exercice de la vertu, des trésors de gloire et d’impérissable félicité ; combien alors la mystérieuse question du mal physique s’illumine à ses yeux, et comme l’éternelle récompense qui doit couronner bientôt une vie humble, résignée, vertueuse et souvent devenue meilleure par la souffrance même, lui paraît compenser surabondamment tout ce qu’il peut souffrir de maux sur la terre !

C’est ce que voyait, par le profond regard de sa foi et de sa haute intelligence du Christianisme, l’apôtre saint Paul, quand il s’écriait : « Non, toutes les souffrances et tous les labeurs de ce monde ne sont pas dignes d’être mis en comparaison avec cette gloire céleste qui brillera un jour en nous. » 

Et c’est ce que voyait aussi le grand génie chrétien de Bossuet, quand il disait : « Par conséquent, ô homme de bien, si parmi tes afflictions il t’arrive de jeter les yeux sur la prospérité des méchants, que ton cœur n’en murmure point ; car la prospérité des méchants ne mérite pas d’être désirée. Si cependant le fardeau de tes malheurs s’augmente, ne te laisse pas accabler ; et reconnais, dans la douleur qui te presse, la main de Dieu qui te guérit ! Enfin si tes forces se diminuent, soutiens ton courage abattu, par l’attente du bien que l’on te propose, qui est la bienheureuse immortalité. »

Dieu cache une grâce dans la douleur des épreuves

Dans les épreuves que Dieu envoie, il y a toujours une grâce caché dans le douleur. (Mgr de Lagrange, 1827-1895, Évêque de Chartres)

Je le dirai donc à ceux qui se révoltent contre la Providence et la justice divine : Vous croyez vous insurger contre un juge : vous vous révoltez contre un père. Ce n’est pas seulement la crainte salutaire, c’est l’espérance aussi que vous repoussez, l’espérance consolatrice, soutien de la vie. Le Dieu juste, Jéhovah, est le Dieu qui punit les coupables, mais il est aussi le Dieu qui éprouve et récompense les justes, et qui accueille les repentants, le Dieu qui console, le Dieu qui bénit. Sans doute, notre Dieu est l’arbitre de la vie et de la mort, mais il est le Dieu de la vie. Dieu n’a pas fait la mort, dit l’Écriture, et il ne se réjouit pas en la ruine de ses créatures. Dieu a créé toutes choses pour qu’elles fussent ; et il a fait guérissables toutes les nations de la terre ; » et quant à la mort, c’est le péché qui l’a introduite dans l’humanité ; mais c’est Jésus-Christ, Sauveur et Libérateur du monde, qui nous en délivre ; il sauve nos âmes par sa grâce, et même nos corps par la résurrection glorieuse. Et si les maux publics que sa main envoie aux méchants atteignent aussi les bons, c’est que, châtiments pour les uns, ils sont épreuves pour les autres : et toujours il faut les accepter avec soumission de sa justice et de sa bonté, comme il les donne ; châtiments ou épreuves, il ne tient qu’à nous de les tourner en mérites et de les changer en biens, de même que la Providence tire le bien du mal, dans le gouvernement du monde.

C’est ce que disait avec une énergique précision saint Jérôme : « Des deux, choisissez ce qui vous conviendra ; si vous êtes juste, c’est une épreuve ; si vous êtes pécheur, c’est une expiation. » Et il ajoutait : « Vous vous plaignez injustement ; vous souffrez moins que vous ne méritez. »

Extrait de : L’Athéisme et le Péril Social, par Mgr Félix Dupanloup. 1866.

Athéisme et Péril Social – Mgr Dupanloup (3)

Image pieuse Dieu veille sur nous

Dieu veille sur nous. Image pieuse en celluloïd, peinte à la main.

Si maintenant sur ces mêmes vérités, — Dieu, la Providence, la justice divine, — nous écoutons ces grands poètes, qui étaient aussi des philosophes, et dont les chants, échos des traditions anciennes, nous transmettent à leur manière la foi du genre humain, nous retrouvons, moins pures, il est vrai, mais toutefois reconnaissables, malgré les erreurs et les voiles poétiques qui les enveloppent, les mêmes croyances. Car, pour qui sait aller au fond des choses, les chants épiques, lyriques, tragiques de l’antiquité, rendent tous témoignage à ces dogmes sacrés que nous croyons.

Homère, qui possédait toute la science de son temps et avait recueilli toutes les traditions des vieux âges, comment ouvre-t-il son poème immortel ? Par le dogme de la providence et de la justice divine. Le chef de l’armée grecque a outragé un dieu : Que fait le dieu ? « Le dieu irrité contre le roi, dit le poète, envoie une peste au camp des Grecs, et les peuples mouraient. »

Sous cette fiction qu’y a-t-il ? Qu’y aurait vu l’auteur du Traité sur les Délais de la justice divine, sinon la foi en cette justice même ?

Ces traditions de l’épopée antique sont aussi les profondes doctrines cachées dans les chants lyriques et tragiques de la Grèce : Le religieux Pindare les reproduit partout. […]

Et cet autre religieux génie, contemporain de Pindare et si semblable à lui, Eschyle, fait des mêmes croyances, altérées, il est vrai, par l’erreur antique sur le Destin, le fond de son austère et émouvante tragédie. « Quels accents religieux ne remplissent pas les drames d’Eschyle ! » s’écrie M. Villemain, dans ses belles pages sur ce poète. —- Un évêque des premiers âges chrétiens ne craignait pas de citer les vers du grand tragique aux hommes de son temps : je puis bien les redire à mon siècle, et couvrir de cette grande voix la clameur d’impiété qui monte de plus en plus vers le Ciel ! Dans sa belle tragédie des Perses, rappelant les sacriléges de ces envahisseurs de la Grèce, Eschyle s’écriait : « Ils n’ont pas craint, dans la Grèce envahie, de dépouiller les dieux, d’incendier les temples. Déjà ces crimes ont reçu leur salaire, mais tout n’est pas fini. Laissez germer l’insolence impie : ce qui pousse, c’est l’épi du crime ; on moissonnera une moisson de douleur ! » Dans une autre tragédie :

« Tu vois la justice muette, inaperçue pendant le sommeil, le voyage, le séjour. Mais elle suit le coupable, marchant à côté, quelquefois en arrière, sans interruption. Ce que tu fais, songe que les dieux le voient ! » […]

Cette foi à la Providence et à la justice divine n’était certes pas pure de toute erreur, dans l’antiquité, je l’ai dit ; le paganisme y avait mêlé plus d’une altération : mais si, sous ces erreurs on sait discerner, comme l’ont fait les Pères, le dogme fondamental, qui ne voit que les poètes de l’antiquité rendent témoignage à nos grandes vérités philosophiques et chrétiennes, comme Eusèbe l’a si savamment démontré dans son beau livre de la Préparation évangélique ?

Écartons l’idée du fatalisme antique, et dans ces mystérieuses conduites de la Providence divine atteignant les fils et les petits-fils des grands coupables, nous verrons combien la fin que Dieu se propose est sage, et souverainement digne de lui : c’est en effet de maintenir dans le genre humain le respect des éternelles lois de l’ordre moral, en rendant la sanction de ces grandes lois plus éclatante, et en inspirant aux hommes, par l’éclat même du châtiment, une plus profonde horreur des grands crimes. Dieu, maître et dispensateur universel, a d’ailleurs des ressources admirables pour mettre toujours les arrangements de sa providence en parfait accord avec tous ses attributs, avec sa sagesse, sa justice et sa bonté, soit en épargnant des maux personnellement mérités, soit en dédommageant amplement par des biens plus grands, en cette vie ou en l’autre. […]

Corrélatif au dogme de la Providence, le dogme de la prière se retrouve aussi partout dans l’antiquité. Le même poète, que nous citions tout à l’heure, demande au Ciel, dans son Chant séculaire, la fertilité de la terre et la prospérité de l’État […]:

Ainsi la philosophie des poètes, si on la dégage de son enveloppe mythologique, si on va jusqu’au dogme caché sous les fictions et les erreurs poétiques, s’accorde avec les grandes vues des sages ; et tous, poètes et philosophes, s’accordent avec le Christianisme lui-même, pour proclamer ces trois dogmes tutélaires qui n’en font qu’un : Dieu, sa Providence dans les choses humaines, et sa Justice.

Voilà cette philosophie éternelle, ce patrimoine impérissable de l’humanité, que les sophistes et les athées ont entrepris de détruire. Le Christianisme, en illuminant et épurant ces grands dogmes, les a enracinés plus profondément encore dans les entrailles du genre humain. Ce qui s’y mêlait d’étranger, dans la foi obscure des anciens peuples, a disparu ; ils ont resplendi d’une lumière divine au Calvaire, là ou la justice de Dieu et sa miséricorde, selon la sublime expression des saints livres, se sont rencontrées et embrassées. La Croix, où est mort attaché le Juste suprême, a fait comprendre l’expiation et l’épreuve, et, comme on l’a si bien dit : « Elle a donné un sens à la douleur. » Et puisque le souvenir de cette parole me revient, qu’on me permette de citer tout entière la belle page où elle fut dite : « La Religion allant plus loin que la philosophie, la Religion tirant des besoins de l’âme humaine une sublime conjecture, qui est un désir pour celui qui ne croit pas complètement,  une certitude pour celui qui a la foi entière, la Religion vous dit : Souffrez, souffrez avec humilité, patience, espérance, en regardant Dieu qui vous attend, et vous récompensera. — Elle fait ainsi de toute douleur l’une des traverses du long voyage qui doit nous conduire à la félicité dernière.

« Et alors la douleur n’est plus qu’une des peines de ce voyage inévitable, et si elle fait souffrir, elle est suivie d’une consolation immédiate, qui est l’espérance. Aussi cette puissante religion qu’on appelle le Christianisme, exerce-t-elle sur le monde une domination continue, et elle le doit, entre autres motifs, à un avantage que seule elle a possédé entre les religions. « Cet avantage, savez-vous quel il est ? C’est d’avoir seule donné un sens à la douleur. La religion qui vint et qui dit : Il n’y a qu’un Dieu, il a souffert lui-même, souffert pour nous ; celle qui le montra sur une croix, subjugua les hommes, en répondant à leur « raison par l’idée de l’unité de Dieu, en touchant leur cœur « par la déification de la douleur.

« Et, chose admirable ! ce Dieu souffrant, présenté sur une croix dans les angoisses de la mort, a été mille fois plus adoré des hommes, que le Jupiter calme, serein, et si majestueusement beau de Phidias. »

Je n’ajouterai à cette belle page que la haute et touchante raison de cette étonnante intervention divine. Ici, comme dans tous les mystères chrétiens, « pour tout entendre, dit Bossuet, il ne faut qu’entendre la bonté de Dieu. Une bonté incompréhensible produit des effets qui le sont aussi. » Le Christianisme n’est que la foi à l’infinie bonté de Dieu : Credidimus charitati [Nous avons cru en la Charité ]. Et voilà pourquoi les sophistes, quoi qu’ils fassent, ne chasseront pas Jésus-Christ du cœur des hommes. Il possédera toujours l’humanité par la bonté et par l’amour.

Extrait de : L’Athéisme et le Péril Social, par Mgr Félix Dupanloup. 1866.

Athéisme et Péril Social – Mgr Dupanloup (2)

Fatigué des sophismes et des blasphèmes qui venaient de passer sous mes yeux, j’ai voulu respirer un moment, et, avant d’entrer dans le dernier fond de la lutte que je soutiens contre la presse antireligieuse de ce pays, je me suis souvenu, on ne s’en étonnera pas, de ces grands esprits de l’antiquité, de ces classiques, qu’autrefois j’ai défendus, parce que je savais tout ce que Dieu avait conservé en eux de raison naturelle et de hautes lumières ; je me suis tourné vers eux, j’ai voulu revoir quelques-uns de ces grands hommes, anciens amis de ma jeunesse, illustres témoins de la foi des peuples et de la sagesse des premiers temps : j’ai redemandé les traditions de l’antiquité, soit à ses poètes, soit à ses philosophes ; et, je l’avoue, j’ai été saisi d’admiration… mais aussi d’humiliation pour mon siècle et pour ma patrie, en voyant, chez ces hommes doués de raison, ce grand langage religieux qui relève si noblement les âmes du côté du Ciel, et chez nous ces tristes et ténébreuses négations qui abaissent la pensée et glacent le cœur.

Qu’on me permette donc, pour soulager ma tristesse, et faire naître, s’il se pouvait, une secrète pudeur au fond des âmes touchées par l’impiété contemporaine, de placer ici, en regard des pauvretés blasphématoires que nous venons d’entendre, le grand langage du bon sens antique.

Car, sur ces capitales questions, — Dieu, la Providence, la justice divine, — le Créateur ne s’est jamais laissé sans témoignage dans le monde, comme le dit saint Paul : il n’a pas permis que ces grandes vérités périssent ; l’antiquité, les sages comme les peuples, les ont toujours inséparablement proclamées, et elles constituent ce qu’un philosophe ancien, Cicéron, appelait admirablement « la philosophie éternelle », ce qu’un philosophe contemporain, M. Cousin, a nommé dans le même sens « le patrimoine commun du genre humain. » En les répudiant, on tombe non-seulement au-dessous des sages des vieux âges, mais on recule au delà même du paganisme ; on rompt d’un seul coup avec toutes les traditions de l’humanité.

Certes, si je suis triste en écrivant ces choses, qu’on me le pardonne ; il y a plus de deux mille ans que Platon vieillissant se sentait atteint d’une tristesse semblable à la mienne, lorsqu’à la seule idée de l’athéisme, il s’écriait dans son livre des Lois : « Comment se voir, sans indignation, réduit à démontrer Dieu ? Nous éprouvons malgré nous, pour ceux qui nous y forcent, je ne sais quel sentiment de colère. Faisons taire cependant notre émotion, et nous adressant à quelqu’un de ces infortunés, disons-lui avec douceur et compassion : « O mon fils, tu es jeune ; le temps, dans son cours rapide, t’apportera d’autres opinions, contraires à tes pensées d’aujourd’hui. J’ose te dire que pas un de ceux dont la jeunesse professait l’athéisme, n’a gardé jusqu’au dernier âge sa funeste erreur….. Nous voyons les Grecs comme les Barbares, dans le malheur comme dans le bonheur, se prosterner et adorer la Divinité, sans que jamais aucun peuple l’ait révoquée en doute. »

Platon ajoutait, avec un accent digne de sa grande âme et de son génie : « Si je voulais ramener à la vérité celui qui croit des Dieux, mais des Dieux aveugles et indifférents au bien et au mal : Mon fils, lui dirais-je…, ni toi, ni personne ne pourra se vanter d’échapper à la justice divine : elle te surveille. Le législateur suprême en a fait la plus vénérable, la plus sacrée de ses lois. En vain tu pourrais cacher ta petitesse dans les profondeurs de la terre, ou sur des ailes rapides t’envoler dans les cieux : tu satisferas toujours à la justice divine, ou dans ce monde, ou dans l’autre… O jeune téméraire, ignorer cette condition de la vie, c’est ignorer la vie elle-même… O mon fils, puissé-je avoir persuadé à ton cœur ces trois vérités : l’existence de Dieu, la Providence, et la justice divine. »

Après la sagesse grecque, écoutons la sagesse romaine ; nous y trouverons, sinon l’âme et l’accent de Platon, du moins ce clair et ferme bon sens qui est le fond du génie de Rome : « La Providence gouverne le monde et les choses humaines, le monde entier, et chaque créature, dit Cicéron. »

« Tout homme doit être convaincu de cette vérité, que Dieu « est le souverain maître de toutes choses ; qu’il voit au fond des cœurs, et qu’il tient compte à chacun du bien et du mal ; qu’il discerne les justes et les impies. Si la foi en ce Dieu périssait, la société du genre humain périrait tout entière. »

Ainsi parlait le prince des philosophes et des orateurs romains ; Sénèque tient le même langage : « Le premier devoir de l’homme, c’est de croire en Dieu ; le second, c’est de croire qu’il gouverne le monde, que sa Providence veille sur le genre humain, et prend soin de toutes choses. » Et ailleurs, entrant au fond et dans les entrailles mêmes de cette grande question de la Providence, dans la question et le mystère du mal, de la souffrance ici-bas, — mystère pour quelque doctrine que ce soit, mais bien plus pour nos adversaires que pour nous, — Sénèque s’élève à comprendre la grandeur de la conscience humaine, aux prises avec la souffrance, avec le malheur, quand surtout l’homme est allé généreusement au-devant de la lutte !

Voilà le langage de la sagesse antique, dans quelques-uns de ses plus illustres représentants. Je pourrais citer encore, parmi les historiens éminents de l’antiquité, Hérodote : et parmi les moralistes, Épictète, et surtout Plutarque : ses deux écrits sur les Délais de la justice divine dans la punition des coupables, et sur la Lecture des poètes, sont connus ; on peut voir là, dans de nombreuses citations, à quel degré ces trois capitales vérités, Dieu, sa providence, sa justice, étaient au fond des croyances de l’antiquité.

Jésus prêche la confiance en la divine providence

Jésus prêche la confiance en la divine providence.

Extrait de : L’Athéisme et le Péril Social, par Mgr Félix Dupanloup. 1866.