Vocation et Mission Providentielle des Nations

Vignette Sacré-Coeur de Jésus Espoir et Salut de la France

Vignette Sacré-Cœur de Jésus Espoir et Salut de la France.

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« Pourquoi Dieu a-t-il assigné aux descendants de certaines familles un territoire particulier où ils doivent grandir, se développer en corps de nation? Pourquoi a-t-il voulu que ces familles eussent chacune un langage particulier, des lois, des mœurs et des usages tellement différents de ceux des autres, qu’ils fussent comme un mur de séparation entre elles ? C’est ce que nous allons rechercher présentement. […]

« En introduisant la diversité des langues parmi les descendants de Noé, dit le savant auteur de l’Histoire universelle de l’Église catholique, Dieu les contraignait à se séparer les uns des autres et à se grouper par familles et par dialectes pour aller se faire une patrie ailleurs. Voilà comment, dans le deuxième âge du monde, Dieu lui-même créa les peuples : voilà comment il les envoya par toute la terre pour l’occuper et la cultiver. »

Dans les œuvres de Dieu, il n’y a point de lacune, et rien n’est laissé au hasard. Tout est coordonné selon l’idée divine d’un plan infiniment sage où doit éclater la gloire de Dieu, dans la manifestation de ses divins attributs, surtout de sa puissance, de sa bonté, de sa miséricorde et de sa justice. L’humanité entière concourt à la réalisation de ce plan. Chaque individu dans la famille, chaque famille dans la nation, chaque nation dans l’humanité a reçu un but déterminé qu’il lui faut atteindre.

Dieu, dans les dispositions admirables de sa providence, ne refuse à personne, individu, famille ou nation, les moyens d’atteindre sa fin ; comme aussi il punit sévèrement l’abus de ces moyens, et brise même, comme un instrument inutile, les peuples et les nations qui n’ont pas compris leur mission, ou qui ont refusé d’accomplir leurs destinées en se détournant de la route que Dieu leur avait tracée. Vous les gouvernerez avec un sceptre de fer, dit Dieu à son Verbe ; vous les briserez comme un vase d’argile. C’est là une vérité élémentaire du catéchisme catholique qu’il est utile de rappeler ici, parce qu’un trop grand nombre de chrétiens l’ont perdue de vue. Ils s’imaginent qu’une force aveugle préside à tous les événements qui s’accomplissent ici-bas; que les succès de la guerre, la conquête des royaumes, l’agrandissement des empires, sont dus en dernière analyse à l’habileté des généraux, à la valeur des soldats ou aux sages combinaisons de la politique des hommes d’État. Ils ne se rappellent plus ce mot sublime de Bossuet : l‘homme s’agite et Dieu le mène.

Or, une des premières conditions nécessaires à une nation pour atteindre sa fin, c’est d’avoir un territoire à elle en propre. Que l’on remonte à l’origine des nations, et qu’on suive l’histoire des migrations des divers peuples, on verra que chaque famille a été dirigée par une inspiration spéciale et comme conduite par une main invisible vers le pays qu’elle devait habiter. C’est surtout ce que l’histoire sainte nous montre dans la vocation d’Abraham. L’histoire profane nous donne les mêmes enseignements. En étudiant avec attention l’histoire des différents peuples, nous y reconnaissons visiblement la main de la Providence qui dirige les pas de leurs premières familles, donne à chacune son territoire et un but qu’elle doit atteindre. Sont-elles fidèles à leur mission, la paix chez elle amène l’abondance, la prospérité et le bonheur. Se détournent-elles, au contraire, du droit chemin, le glaive est à leur porte et sur leurs têtes. La guerre et l’esclavage, la peste et la famine tour à tour les visitent, jusqu’à ce qu’enfin elles rentrent dans le devoir. S’endurcissent-elles, l’envahissement, le démembrement de leur territoire, l’exil en masse, et même l’extermination, les fait disparaître.

[…] Chaque nation a reçu de la Providence une mission à remplir, un but déterminé à atteindre. Infailliblement, elle y arrivera, si elle correspond fidèlement aux vues de Dieu sur elle : car Dieu, dans sa puissance et sa sagesse, proportionne toujours les moyens à la fin. Quelque faible donc que soit une nation, quelque restreint que soit son territoire, ce petit peuple n’a rien à craindre, tant qu’il sera ce qu’il doit être, fidèle à Dieu et à sa mission. Fût-il d’ailleurs environné de nations puissantes et ambitieuses, aussi bien servies par le génie de leurs hommes d’État que par l’habileté de leurs généraux et la valeur de leurs armées, Dieu le protégera et combattra même pour lui s’il le faut, comme au temps de Sennachérib et de Judas Macchabée. Au contraire, un vaste territoire, les richesses et la puissance n’empêcheront pas le peuple prévaricateur d’être profondément humilié, démembré, et même effacé du nombre des nations, s’il se montre incorrigible. Témoin les puissants empires dont l’histoire nous raconte les révolutions sanglantes et la fin lamentable. »

Extrait de : Le Patriotisme, par Mgr Laflèche. 1924.

Le Règne Social de Notre Seigneur Jésus-Christ

Règne Social de Jésus-Christ, le Roi

Dieu et Homme, fils de Dieu et fils de David, Notre-Seigneur-Jésus-Christ relève le trône de David, Il l’affermit jusqu’à la fin des temps. Il règne sur l’Eglise, dont la maison de Jacob est l’image. Il reçoit de Dieu son Père le pouvoir royal. Il a le droit de l’exercer sur tous les peuples et sur tous les hommes: en effet, nous Lui appartenons en propre: Il est notre Créateur, Il est aussi notre Rédempteur.

Par Lui nous avons la vie, par Lui nous avons été libérés de l’emprise de satan. A Lui nous nous sommes donnés au Saint Baptême. C’est là le privilège exclusif de Jésus : à titre de Créateur et de Rédempteur, Il jouit sur nous d’une autorité souveraine; nations et individus doivent se soumettre à ses lois, à ses enseignements et à ses jugements. Unissons-nous à l’apôtre saint Jean et proclamons dans un élan de foi et d’amour : « C’est le Prince des rois de la terre » . . . « le Roi des rois et le Seigneur des seigneurs » . . . « A Lui la gloire et la puissance des siècles! »

Jésus est donc Roi dans toute la plénitude du mot. Mais être Roi, qu’est-ce en réalité sinon conduire des hommes groupés ensemble, des sujets, vers un but défini, par des lois et des enseignements adaptés ? C’est par la nature du but et des moyens que l’on connaît le caractère de la royauté. En venant en ce monde, Jésus s’est proposé d’enseigner aux hommes les vrais moyens d’aller à Dieu ; par son sacrifice de la Croix, Il a mérité une surabondance de grâces, donnant à tous les hommes qui veulent y coopérer les secours nécessaires pour atteindre leur fin surnaturelle, le Ciel et ses joies, la vue et la possession de la Trinité Sainte.

On voit dès lors le caractère particulier de Sa royauté. C’est une royauté qui conduit à Dieu, à la prospérité spirituelle; c’est une royauté qui donne des secours surnaturels; c’est une royauté qui s’occupe des biens de l’âme, d’abord. « Ce royaume est principalement spirituel et concerne avant tout l’ordre spirituel. » A Pilate qui l’interroge: « Tu es donc roi ? », Jésus répond : « Tu le dis, je suis roi. Je suis né et je suis venu en ce monde pour rendre témoignage à la vérité. » Par ces paroles, Notre-Seigneur établissait lui-même le fait de sa loyauté et il  en définissait la nature. Il veut régner sur les intelligences et les cœurs. Il veut régner en instruisant les hommes et en les conduisant à Dieu. « Son royaume, chantons-nous en la fête du Christ-Roi, est un royaume de vérité et de vie ; un royaume de sainteté et de grâce ; un royaume de justice, d’amour et de paix. »

Tous, catholiques ou non, sont soumis à ce pouvoir royal de Jésus. Son autorité s’étend, non seulement aux individus, mais aux sociétés elles-mêmes : aux sociétés civiles, aux familles, aux associations de toutes sortes. En effet, que l’on considère les hommes individuellement ou unis en société, ce sont toujours des hommes que le Christ a créés et rachetés de son sang, des hommes qu’il a mission de conduire à Dieu, des hommes qui gagnent leur ciel par leur vie individuelle et par leur vie sociale. Il est dans le monde d’autres chefs: des rois, des princes, des présidents, des premiers ministres. Leur action vise à procurer aux hommes la prospérité temporelle et le bien-être matériel. Il n’est pas douteux que Jésus avait autorité directe même sur les biens temporels: il est le Créateur de toutes choses.

Cependant Il n’a pas voulu exercer cette autorité et prendre directement en mains le gouvernement des États et des Nations : « Il ne ravit point les diadèmes éphémères, Celui qui distribue les couronnes de ciel éternel » . . . Les Juifs, qu’il venait de rassasier de pain, voulurent Le constituer leur chef temporel et Le proclamer roi. C’eût été si bon de vivre sous la conduite d’un prince, qui pouvait à volonté procurer le pain qui nourrit et dont la douceur rendait l’autorité aimable. Notre-Seigneur refusa. Ce n’était pas dans ce but qu’il était venu en ce monde ! Il était né pour conduire les hommes à Dieu, non pour travailler directement au bien temporel des individus et des peuples. Il s’intéressait à ce bien temporel ; son autorité spirituelle s’étendant à ces mêmes hommes. Il savait que la pratique de la justice et de l’amour, qu’il ne cessait de leur prêcher, les aiderait même dans la poursuite de leur perfectionnement temporel. Mais il n’avait pas mission de le rechercher directement. C’est là la royauté spirituelle, l’autorité royale de Jésus: une royauté qui s’exerce sur les âmes pour les imprégner de vérité, de justice et d’amour; une royauté qui pouvait s’étendre aux biens de la terre, mais que Jésus n’a pas voulu exercer en ce domaine, si ce n’est indirectement en inculquant la droiture des intelligences et des cœurs. »

Extrait de : Lettre Pastorale Sur le Règne Social de Jésus-Christ, par Mgr Arthur Douville. 1945.