Jeanne d’Arc, Modèle de Piété

Tableau Jeanne d'Arc en prière dans une église par Flandrin
« Jeanne d’Arc en prière » par Paul Hippolyte Flandrin (1856-1921).

Dieu qui aime les humbles et les petits se révéla de bonne heure à la fillette de Jacques d’Arc. Sa mère, en lui apprenant à former le signe de la croix, lui fit assez entendre le mystère de pardon et de salut qu’il rappelait, pour que ce cœur d’enfant s’ouvrît à des sentiments de foi et de reconnaissance. Les instructions familières et les exhortations du curé de Domremy y firent bientôt éclore des sentiments d’amour divin, et ce foyer une fois allumé ne fit que grandir et s’étendre. De là cette dévotion ardente et confiante tout ensemble de Jeannette pour Jésus-Christ, qu’elle se plaisait à appeler Messire, « mon Seigneur » ; de là sa fidélité à toutes les pratiques et à tous les exercices propres à éclairer, à fortifier et à développer cette dévotion ; de là son empressement à fréquenter l’église où son Sauveur et son Dieu résidait sacramentellement. Les jeunes filles de son âge remarquaient « qu’elle y allait volontiers et souvent. On ne la voyait pas par les chemins, mais à l’église où elle restait et priait ».

Diverses représentations de Jeanne d’Arc en prière à Domremy.

C’était pourtant un édifice bien modeste que la petite église de Domremy : elle n’avait rien de ce qui sollicite la curiosité et attire les regards ; mais Jeanne y avait reçu le saint baptême ; elle y avait été consacrée à la bienheureuse Vierge Marie, elle y priait avec plus de douceur qu’en tout autre lieu, s’y sentait plus près du Maître qu’elle aimait, et comme la maison de ses parents était tout proche de la maison de Dieu, la jeune enfant, n’ayant qu’à traverser le jardin paternel pour s’y rendre, profitait de cette facilité et venait offrir au Seigneur en son sanctuaire ses prières naïves et ses adorations.

Six vues extérieures et intérieures de l’église actuelle de Domremy et deux représentations à l’époque de Jeanne d’Arc.

Dès qu’elle eut atteint l’âge de raison. Jeannette se forma, sous la direction de son curé, à ces pieuses et fortes habitudes, à ces saintes pratiques sans lesquelles il ne saurait y avoir de vie profondément chrétienne, la confession, l’assistance au sacrifice de la messe, la sainte communion. A partir de sa septième année, elle se confessait volontiers et souvent : un de ses compagnons de jeunesse en faisait la remarque ; mais en avançant en âge, elle mit à le faire plus de régularité. Vingt-neuf de ses compatriotes rendent d’elle ce témoignage dans l’enquête de la réhabilitation. La pieuse jeune fille comprit promptement l’utilité de la confession fréquente, pour en arriver à remplir exactement tous ses devoirs, à discerner et pratiquer les vertus qui sont l’honneur de son sexe. C’était, disait-elle, le moyen que lui recommandaient ses Saintes ; car « elles-mêmes prenaient le soin de la faire se confesser de temps en temps ».

A Rouen, les juges demandaient à Jeanne d’Arc si elle voulait s’en rapporter à eux pour la détermination et l’appréciation de certains actes qu’ils lui attribuaient faussement.

Jeanne leur répondait : « Je m’en rapporte à Dieu et à une bonne confession. »

Ils lui demandaient encore si elle pensait avoir besoin de se confesser, puisqu’elle se croyait certaine d’être sauvée. Jeanne répliquait : « On ne saurait trop nettoyer sa conscience. »

Statues représentant Jeanne d’Arc en prière.

L’assistance au saint sacrifice et la sainte communion n’étaient pas moins chères à son cœur. A la messe, Jeannette y assistait aussi souvent qu’il lui était possible. Se trouvait-elle aux champs lorsque la cloche la sonnait, elle quittait le travail, s’il n’y avait pas d’empêchement, et accourait au pied de l’autel.

Détail qui met bien en lumière la gratitude de la jeune enfant pour son excellent curé, en même temps que sa dévotion pour le sacrifice de nos autels, toutes les fois que messire Front pouvait célébrer dans l’église de Domremy, Jeannette était là pour entendre sa messe.

Si bien que le bon curé s’en était aperçu et avait fait part de cette observation à un ecclésiastique de ses amis. Celui-ci ajoutait que si la fille de Jacques d’Arc avait eu de l’argent, elle l’aurait donné volontiers à son curé pour dire des messes. Sans doute que la pieuse enfant exprima plus d’une fois le regret de n’être pas plus fortunée, et de ne pouvoir, faute d’argent, suivre les inspirations et les désirs de son cœur.

Jeanne d’Arc en prière à la Chapelle des Voûtes de Vaucouleurs.

Puisque nous parlons de l’attachement que Jeannette portait à son pasteur, en reconnaissance des bontés et des soins dont elle était l’objet de sa part, rappelons cet autre détail : elle avait en lui une confiance si entière, et elle tenait tant à ne lui faire aucune sorte de peine, que, s’il était empêché, elle ne se confessait à un autre prêtre qu’après lui en avoir demandé et en avoir obtenu la permission.

Lorsque l’église de Domremy et une partie du village eurent été incendiés par des coureurs bourguignons. Jeannette resta quelque temps privée de ces consolations religieuses. Il lui fallut renoncer à entendre la messe de son curé à Domremy même. Elle se dédommageait en allant, les jours de dimanche et de fête, l’entendre en l’église de Greux.

La dévotion de la petite Jeanne au saint sacrifice de la messe avait comme complément un empressement égal à visiter notre divin Sauveur dans le sacrement de l’autel et à recevoir, aussi souvent que son confesseur le lui permettait, la sainte communion. Tandis que ses compagnes se divertissaient à des rondes ou autres jeux, la pieuse enfant mettait sa joie à se rendre et à prier au pied du tabernacle. Elle éprouvait une douceur infinie à l’adorer du plus profond de son âme et à s’abandonner sans réserve à sa volonté.

Et si elle mettait une sainte avidité à s’asseoir à la table eucharistique, à s’y nourrir du pain des anges, c’est que, au sortir de ce festin, elle se sentait plus ardente au bien, plus imprégnée de pureté, plus allégée de dévouement.

La première communion de Jeanne d’Arc.

Ces habitudes religieuses, Jeanne d’Arc les entretint si bien pendant son adolescence, qu’elle y demeura fidèle toute sa vie et les porta jusqu’au milieu des camps. « Je l’ai vue plusieurs fois, disait l’un des deux gentilshommes qui l’accompagnèrent à Chinon ; je l’ai vue soit à Vaucouleurs, soit à la guerre, se confesser — ce qu’elle a eu fait jusqu’à deux fois par semaine — et recevoir l’Eucharistie. »

A Orléans, le matin de l’assaut des Tourelles, « a elle ouyt messe, se confessa et reçeut en moult grande dévotion le précieux, corps de Jésus-Christ ».

Jeanne d’Arc communiant avant la bataille.

En campagne, le chapelain de la Pucelle, frère Pasquerel, lui « chantera » chaque jour la messe : ce sera pour Jeanne comme un ressouvenir de son cher Domremy. Avant de courir sus aux Anglais, elle se munira de la sainte communion. Un chevalier racontera l’avoir vue, à Senlis, communier deux jours de suite en noble et haute compagnie, avec deux princes de sang- royal, le comte de Glermont et le duc d’Alençon.

« Quand elle allait par le païs, et venait aux bonnes villes, elle ne manquait pas de recevoir les sacrements de confession et de l’autel. »

Jeanne d’Arc communie à Compiègne.

L’une des privations dont la Pucelle souffrit le plus, pendant sa captivité de Rouen, fut de ne pouvoir entendre la messe. Dès la première séance du procès, elle avait requis de ses juges qu’ils lui en accordassent la permission ; plusieurs fois, durant le cours des interrogatoires, elle réitéra sa requête, souvent dans les termes les plus touchants. Jamais l’évêque de Beauvais ne voulut y consentir. Il permit qu’on lui portât la sainte communion le matin de son supplice ; mais aucun des nombreux témoignages recueillis sur les incidents de cette journée ne donne à entendre que le saint sacrifice ait été célébré, même ce jour-là, en présence de l’infortunée jeune fille, et qu’elle y ait assisté.

Ne pouvant amener ses juges à lui permettre d’entendre la messe et communier, la captive obtint quelque temps, du prêtre qui la conduisait de la prison à l’audience, un dédommagement inespéré. Moins impitoyable que le tribunal, Jean Massieu permit à Jeanne de s’arrêter dans la chapelle du château et d’y adorer, au pied du tabernacle, le Sauveur qu’elle ne pouvait recevoir sacramentellement. Un jour, cependant, la porte de la chapelle ne s’ouvrit pas : le promoteur d’Estivet avait remarqué la condescendance de Massieu et la lui avait brutalement reprochée. Massieu n’osant plus s’arrêter, la prisonnière, qui ne savait pas pourquoi, lui demandait, devant la porte de la chapelle : « Est-ce que le corps de Jésus-Christ n’y est pas ? »

Et quelle foi ardente, quelle énergie de conviction, quelle tendresse d’âme Jeanne apportait dans ses actes de religion et de piété ! « Toutes les fois qu’elle se confessait, elle fondait en larmes », rapportait son aumônier, l’excellent frère Pasquerel. Au témoignage du duc d’Alençon, « elle ne pouvait voir le corps du Sauveur sans être profondément émue et sans répandre des larmes abondantes ».

A Orléans, un chanoine de l’église Saint-Aignan, Pierre Compaing, la vit, lui aussi, « au moment de l’élévation, pleurer à chaudes larmes ».

Jeanne d’Arc communiant avant son martyre.

La petite église de Domremy fut certainement, plus d’une fois, témoin de ces pleurs que faisait jaillir des paupières de la jeune fille la confession de ses fautes et la vue de l’hostie consacrée. Ce n’est point dans le cours de ses faits de guerre et sous l’influence du milieu qu’elle y rencontrait que la Pucelle en était venue à ce degré de sensibilité religieuse ; un pareil état d’âme tenait à des habitudes datant de plus loin. Si le vénérable curé de Domremy, messire Guillaume Front, avait pu comparaître devant la Commission pontificale de 1456, il eût vraisemblablement déclaré avoir vu couler les larmes de sa jeune paroissienne dans les mêmes circonstances et aussi souvent que frère Pasquerel et le duc d’Alençon.

Extrait de : Histoire Complète de la Bienheureuse Jeanne D’Arc, Nouvelle Édition, Tome 1, par Philippe-Hector Dunand. 1912.

La maison natale de Jeanne d’Arc et l’église de Domremy après la seconde guerre mondiale (images noir et blanc) et des vues prises en décembre 2020.

Exercices de la Dévotion au Sacré-Cœur de Jésus : Visite (2 & 3)

Arrête le Sacré-Cœur de Jésus-est-là

Arrête ! le Cœur de Jésus est là.

2°. Faites-lui réparation de tous les outrages qui lui ont été faits jusqu’ici, surtout de votre part.

Grand Dieu, que votre amour pour les hommes tient caché sous les voiles du Sacrement ; Dieu outragé par vos créatures, recevez l’amende honorable que je fais à votre Sacré-Cœur, de tous les sacrilèges, de tous les blasphèmes, de toutes les profanations, de tous les outrages que lui ont faits jusqu’ici et que lui feront à jamais les hérétiques, les schismatiques, les infidèles et les impies ! Que ne puis-je vous procurer autant de gloire, que ces criminels ont voulu vous en ôter !

Mais, adorable Jésus, il est encore des outrages plus sensibles à votre Cœur. Amour, ô amour blessé depuis tant de siècles, et plus encore à présent par ceux mêmes qui portent le nom de Fidèles et de dévoués à votre Sacré-Cœur, quelle réparation vous offrirai-je pour tous leurs mépris et leur affreuse ingratitude ? O Marie ! Esprits bienheureux, Saints du Ciel, Justes de la terre, prêtez-moi votre amour ; faites-moi part de vos sentiments et de vos mérites, pour réparer l’oubli, l’indifférence, l’ingratitude qu’ont les Catholiques, et que j’ai eue moi-même pour ce Cœur digne de tout amour.

Charitable Sauveur, pardonnez, pardonnez-moi l’oubli où j’ai vécu jusqu’à présent de vos bontés, l’abus que j’ai fait du plus ineffable de vos bienfaits. Pardonnez-moi mon peu de Foi, mon insensibilité, mon peu d’ardeur et de zèle pour me nourrir de votre chair adorable et de votre sang précieux. Pardonnez-moi le peu de préparation que j’ai apporté à la Sainte Communion. Daignez recevoir la juste réparation que je désire vous faire pour toutes les fautes que j’ai commises envers un Sacrement où vous n’avez pour moi que des sentiments de tendresse. Ah ! que mon cœur soit anéanti s’il doit être encore insensible à votre amour, et au gage précieux que vous m’en donnez. Mais non, Seigneur mon cœur ne sera plus ingrat envers votre Cœur Adorable. Jamais je ne cesserai de pleurer ses infidélités ; sans cesse je vous consacrerai ses sentiments ; toujours je désirerai m’unir à vous sur la terre, afin de vous être uni éternellement dans le Ciel. Ainsi soit-il.

3°. Remerciez-le pour toutes les fois qu’il s’est donné à vous dans la Sainte Communion.

Vous m’avez donné votre Sacré-Cœur, ô mon Dieu ! dans la Sainte Communion. O Charité immense ! ô bonté infinie ! faveur inestimable ! que ne puis-je me consumer en louanges, en actions de grâces, en reconnaissance ! Être Suprême, quoi ! votre amour vous a abaissé jusqu’à mon néant, et m’a élevé jusqu’à vous ! Il nous a unis ensemble, vous mon Créateur et mon Dieu, à moi chétive créature et pauvre pécheur ! Que vous rendrai-je pour des bienfaits au-dessus de toute reconnaissance ? Vous voulez mon cœur, c’est là tout ce que vous me demandez, ô mon souverain bonheur ! qu’il est doux pour moi de vous le donner !

Le voici, aimable Jésus, ce pauvre cœur, je le mets devant le Vôtre, comme exposé à vos traits. Percez-le ; ô mon Dieu ! percez-le des traits de votre amour, allumez-y un incendie, faites-y un embrasement qui le dévore et qui le consume. Dilatez, étendez, élargissez ce cœur, afin qu’il puisse recevoir avec plus d’abondance les vives impressions de votre Charité, et que plus ardent et plus embrasé, il vous rende amour pour amour.

Formons, ô la vie de mon âme ! formons, (mais oserai-je vous le dire, et ne vous offenserez-vous pas d’une telle témérité ?) formons ensemble un combat d’amour, un combat par lequel vous portiez des coups sûrs au cœur que je vous offre ; et que, pour vous rendre la pareille, ce cœur vous renvoie les affections brûlantes et les transports amoureux qu’il reçoit de vous. Percez, adorable amour, percez-moi de vos flèches sacrées ; bien loin de m’épargner, faites dans mon cœur de larges et profondes blessures, des blessures que rien ne guérisse ; qui me fassent gémir, soupirer, défaillir et mourir à vos pieds, comme la conquête, la victime et le triomphe de votre amour.

O Cœur de Jésus ! faites que je vous aime et que je vous aime souverainement ! Vous êtes la bonté, la beauté même ; vos charmes sont incomparables ; ils ont électrisé mon cœur ; je n’en puis retenir les transports. Il tressaille, il s’élance vers vous. Qu’il s’unisse donc à vous, qu’il s’y perde, qu’il y demeure dans le temps et l’éternité. Ainsi soit-il.

Extrait de : Exercices de la Dévotion au Sacré-Cœur de Jésus, à l’Usage d’une Confrérie Établie à Semur en Brionnois, 1826.

Perles de la Dévotion au Cœur de Jésus : Premier Vendredi du Mois (2)

Image pieuse Sacré-Cœur de Jésus doré

Cœur Sacré de Jésus, je crois à Votre Amour pour moi.

III. LE 1er VENDREDI DU MOIS À TRICHINOPOLY

Mgr Barthe, évêque de Trichinopoly écrivait : Nos Pères missionnaires obtiennent partout de la dévotion au Sacré Cœur des résultats bien consolants. Mais la pratique la plus chère à nos ouailles c’est la Communion du Premier vendredi du mois. On voit souvent des chrétiens faire plusieurs lieues de marche pour avoir part à cette faveur. Dans les principaux centres de la mission, les communions, le premier vendredi de chaque mois, sont aussi nombreuses qu’aux plus grandes fêtes de l’année.

Cette dévotion semble, au reste, renfermer des grâces en quelque sorte irrésistibles. Parfois les missionnaires rencontrent un de ces chrétiens ignorants qui ne visent pas plus haut que la Communion Pascale. On a beau leur signaler telle et telle fête de l’année, il y a toujours des obstacles, des impossibilités ; mais quand on leur demande de communier les premiers vendredis du mois par amour pour le Sacré Cœur de Jésus, dès lors plus de difficultés, ils acceptent avec joie et sont fidèles à leur promesse.  » Après ce témoignage, un témoin oculaire va nous montrer comment les chrétiens de Trichinopoly comprennent le premier vendredi du mois.

« Au cours de mon voyage, dit-il, je me suis trouvé dans la ville de Trichinopoly, chef-lieu de la mission du Maduré (Hindoustan) la veille du premier vendredi du mois.

Dès quatre heures du soir, je vis des groupes de femmes et d’enfants chrétiens se diriger vers l’église du Saint Rédempteur, paroisse de six mille âmes environ. A mesure que le jour avançait et que cessaient les travaux des champs, les groupes devenaient plus nombreux ; des jeunes gens et des hommes s’étaient joints aux premiers arrivés, si bien que la nuit tombante une véritable foule se trouvait groupée autour de l’église, écoutant attentivement un examen de conscience fait par des catéchistes.

Quelle fête avez-vous donc, demandai-je, un peu étonné, à l’un des Pères Jésuites de la paroisse ? Nous fêtons demain le premier vendredi du mois, me répondit-il tout joyeux ; et vous voyez que nos chrétiens se disposent à le célébrer par une bonne confession. Je voudrais bien seulement que les Pères du collège ne se fissent pas trop attendre, sans quoi nous sommes cloués au confessionnal jusqu’à minuit. »

Heureusement, les Pères du collège arrivaient à l’instant même. Ils étaient quatre, le Recteur en tête. Ils avaient pu s’arracher à temps à leurs travaux des classes, et, pour se reposer s’installèrent chacun dans un confessionnal à côté des trois Pères de la paroisse déjà à l’œuvre. Sept prêtres, ce n’était pas trop pour confesser dans une soirée une foule se renouvelant sans cesse. A quelle heure purent-ils aller se reposer, les uns au collège, les autres dans leur maison à côté de l’église, je l’ignore. Ce que je sais, c’est que le lendemain, dès l’aube, toutes les cloches étaient en branle ; leurs joyeuses volées, passant au-dessus de cette ville encore à moitié plongée dans les ténèbres de l’idolâtrie et dans le sommeil, allaient réveiller les chrétiens fidèles et les convoquer auprès du Cœur de leur Dieu. Ils entendirent cet appel. L’église s’emplit peu à peu, et, vers six heures, sur l’autel, orné comme aux jours de fête, au pied de la statue du Sacré Cœur, le curé de la paroisse exposa le Saint Sacrement et un moment après commença la messe.

J’aime la prière silencieuse et recueillie de nos églises de France, mais, je l’avoue, je ne déteste pas la prière plus bruyante des Chrétiens de l’Inde. J’aime à entendre ces masses d’hommes, de femmes et d’enfants répéter, phrase par phrase à haute voix, les mains et les yeux levés vers l’autel, ces prières magnifiques de foi et d’amour, trésor laissé par les premiers Jésuites à leurs premiers convertis.

A l’évangile, dans une courte allocution un vieux missionnaire raviva dans les âmes le feu de l’amour divin, et, à la Communion près de huit cents personnes, parmi lesquelles au moins deux cents hommes s’approchant de la sainte Table, mirent leur cœur en contact avec le Cœur de Dieu. Après une fervente action de grâces, ils se retirèrent tous pour aller à leurs travaux, car la plupart sont pauvres ; mais en s’en allant, ils emportaient au fond de leur âme avec le bonheur, la résolution et la force de se conserver purs au milieu des turpitudes païennes qui les environnent.

Les Pères de la paroisse avaient été seuls à supporter les fatigues de la matinée, aussi quand je les rejoignis après la messe, les trouvai-je rayonnants de joie et ruisselants de sueur, « Voilà une belle et rude matinée, leur dis-je en les saluant ; en avez-vous souvent de pareilles ? — Mais, Dieu merci, oui, me répondit le Curé de la paroisse. Sur six mille chrétiens, j’ai bien une moyenne de quinze cents à deux mille communions par mois ; et chaque premier vendredi nous apporte les mêmes fatigues et les mêmes consolations. D’ailleurs, ajouta-t-il, n’allez pas croire que ma paroisse soit la seule à célébrer ainsi le premier vendredi. Ici même à Trichinopoly, tous les enfants chrétiens du collège Saint-Joseph ont dû probablement s’approcher de la sainte Table et ils sont bien au moins trois cents ; la cathédrale a bien dû avoir aussi ses trois à quatre cents communions. De plus, prenez la carte de la mission, parcourez-la du nord au sud, en passant par Négapatam, Tanjore, Ideicatour, Tuticorin et croyez que leurs églises ont vu, ce matin, des Chrétiens nombreux témoigner leur amour au Cœur de Jésus en le recevant dans l’Eucharistie.

C’est la dévotion au Divin Cœur, conclut mon interlocuteur, qui centuple nos forces, à nous pauvres et simples missionnaires ; c’est elle qui maintient nos Chrétiens dans la foi, la pureté et la ferveur ; c’est la fréquente Communion et le Sacré Cœur qui soutiennent nos œuvres, font vivre nos congrégations, fournissent à nos retraites non seulement des femmes mais de jeunes gens et des hommes en bon nombre, et suscitent, parmi les âmes les plus fidèles, de fréquents appels à la vie parfaite. »

Extrait de : Perles de la Dévotion au Cœur de Jésus, 1902.

Diverses cartes postales de Trichinoploy, début XXe siècle. (Cliquez sur une image pour l’agrandir).

Perles de la Dévotion au Cœur de Jésus : Premier Vendredi du Mois (1)

Vitrail Sainte Marguerite Marie et le Sacré-Cœur

Vitrail représentant Sainte Marguerite Marie recevant la révélation du Sacré-Cœur de Notre Seigneur Jésus-Christ.

I. JÉSUS DÉSIRE LA CÉLÉBRATION DU 1er VENDREDI DU MOIS

La mère Melin avait retranché à la Bienheureuse Marguerite-Marie la Communion du premier vendredi du mois. Le Seigneur pour la punir faillit lui enlever une jeune professe de grande espérance : c’était la sœur Rosalie Verchère. Encore à la fleur de l’âge, car elle n’avait que 18 ans, elle tomba tout à coup dangereusement malade et en quelques jours elle fut à l’extrémité.

Marguerite-Marie s’étant mise en prières pour demander son rétablissement à Notre-Seigneur, il lui fut répondu que cette sœur continuerait à souffrir jusqu’à ce que la Supérieure eût retiré sa défense par rapport à la Communion du premier vendredi du mois. Ne pouvant se résoudre à faire connaître elle-même les grâces qu’elle recevait de son Bien-Aimé, la Bienheureuse eut recours à une sœur ancienne, Marie-Madeleine des Escures en qui elle avait une grande confiance.

Elle écrivit donc le billet suivant : « C’est dans le Sacré Cœur de Notre Seigneur que je vous écris ceci, ma chère sœur, puisqu’il le veut ainsi. Ne soyez pas surprise si je m’adresse à vous dans l’extrême peine que je souffre au sujet de Sœur Verchère. C’est que ce matin en me levant, il m’a semblé entendre distinctement ces paroles : Dis à ta supérieure qu’elle m’a fait un grand déplaisir en te retranchant la Communion que je t’avais ordonnée de faire le premier vendredi de chaque mois, afin d’offrir à mon Père éternel les mérites de mon Sacré Cœur, pour satisfaire à sa Divine Justice en réparation des fautes qui se commettent contre la Charité. Car je t’ai choisie pour en être la victime et puisqu’elle t’a défendu d’accomplir ma volonté en cela, je me suis résolu de me sacrifier cette autre victime qui souffre maintenant. »

La sœur des Escures n’hésita pas à lui conseiller de tout déclarer à sa supérieure ; la Bienheureuse le fit malgré son extrême répugnance. La Mère Melin lui répondit qu’elle lui rendrait la Communion du premier vendredi du mois, mais à condition qu’elle prierait pour le rétablissement de Sœur Verchère. Elle obéit et la malade qui était désespérée fut sur le champ hors danger. Cependant la Bienheureuse n’ayant considéré les paroles de la Supérieure que comme une promesse n’osait pas encore reprendre ses Communions. Aussi la sœur malade, revenue des portes du tombeau continuait à souffrir de grandes douleurs. Pendant cinq ou six mois qu’elle dut passer à l’infirmerie la Bienheureuse lui rendit de fréquentes visites et en même temps elle conjurait le Cœur de Jésus d’achever la guérison commencée.

Mais Notre-Seigneur ayant positivement déclaré qu’elle ne serait exaucée que lorsqu’elle aurait repris ses Communions du premier vendredi du mois, elle se détermina enfin à en parler de nouveau à la Supérieure ; celle-ci n’eut garde de résister plus longtemps à une volonté du ciel si clairement manifestée. La Bienheureuse reprit ses Communions demandées par Jésus et aussitôt la Sœur Verchère fut complètement guérie. (R. P. St-Omer.)

Sacré-Cœur de Jésus-Christ

II. UN BEL EXEMPLE

Un grand nombre de paroisses ont été renouvelées par la dévotion au Cœur de Jésus. Dans une localité industrielle on a vu de véritables prodiges s’opérer, grâce à cette dévotion. La plupart des jeunes hommes veulent faire la Communion des neuf premiers vendredis du mois, les jeunes filles sont aussi fidèles à cette pratique. Les ouvriers des mines, animés du même zèle, sont allés trouver le vénéré pasteur et lui ont promis de se rendre à l’église « pour gagner la grande promesse du Sacré Cœur de Jésus », s’il voulait agréer leur demande, à deux heures du matin afin d’entendre leur confession et leur donner la Sainte Communion.

On devine avec quelle joie, le bon prêtre accueillit leur proposition. Le premier vendredi de chaque mois presque tous ses paroissiens sont à l’église où l’on chante la messe, pendant laquelle presque tous font une fervente communion réparatrice. Le Divin Cœur ne peut manquer de bénir tant de générosité et tant d’amour.

Extrait de : Perles de la Dévotion au Cœur de Jésus, 1902.