Jeanne d’Arc, le Patriotisme Chez les Femmes et la Franc-Maçonnerie

Jeanne d'Arc prise des Tourelles libération d'Orléans

« En nom Dieu, vous entrerez bientôt dedans, n’ayez doute !… Quand vous verrez flotter mon étendard vers la bastille, marchez hardiment, elle sera vôtre… Enfants en avant !… Montez, tout est vôtre. » Prise des tourelles d’Orléans par Sainte Jeanne d’Arc, 7 mai 1429.

Mais il ne faut pas se contenter de prier, il faut agir. Jeanne vous dirait comme à ses contemporains : Besognez ! Elle vous supplierait de vous dévouer pour votre patrie.

Le patriotisme semble être l’apanage des hommes, car, d’ordinaire, ils sont seuls appelés à combattre et à mourir pour leur pays sur les champs de bataille. Mais c’est une erreur. Jeanne vous prouve qu’une femme peut être une grande patriote.

Il est vrai que vous ne pouvez monter à cheval ni prendre le casque et la cuirasse comme elle. Qu’importe ? Ce n’est pas l’appareil qui fait le guerrier, c’est le cœur. Ayez le cœur de Jeanne et vous servirez comme elle votre pays. Vous pouvez faire beaucoup pour lui, si vous le voulez.

Nos ennemis en sont bien persuadés. Un franc-maçon, le F∴ Bouvret s’écriait au Convent de 1900 : « Nous sommes tous d’accord que la femme est l’apôtre le plus fervent des idées qu’elle porte au cœur et que notre devoir est de ne pas négliger un élément de propagande aussi sérieux ». Un autre franc-maçon, le F∴ Beauquier, député du Doubs, s’écriait un jour : « Persuadons-nous bien que nous ne serons réellement victorieux des superstitions que le jour où nous serons aidés par la femme, que quand elle combattra le bon combat à nos côtés ».

Ah ! Mesdames, ce n’est pas aux côtés de ces vilains messieurs que vous devez combattre le bon combat, c’est aux côtés de la Libératrice.

L’ennemi aujourd’hui, ce n’est plus l’Angleterre, c’est la Franc-maçonnerie. Elle abaisse et ruine la France. Elle veut la déchristianiser. Elle empoisonne l’âme de l’enfant. Elle débauche le jeune soldat de toute manière et s’efforce de le gagner à la cause de la lâcheté et de la trahison.

La Franc-Maçonnerie à l’œuvre : déchristianisation de la France, embrigadement de la jeunesse.

Vous aurez donc à lutter, vous surtout les mères, sur ce terrain du patriotisme. Vous aurez, un jour ou l’autre, à faire un sacrifice au pays en lui donnant un soldat. Cet enfant que vous avez choyé avec tendresse, vous aurez à vous en séparer ; mais vous serez vaillantes et vous lui direz en lui cachant vos pleurs : « Mon fils, tu étais la joie et l’orgueil de mon foyer ; mais la patrie t’appelle, va et fais ton devoir. Je t’aime et voudrais t’avoir toujours près de moi, mais va et fais ton devoir. Je souhaite que tu me reviennes un jour bien portant et vainqueur, mais va et fais ton devoir ! »

D’ailleurs, ce n’est pas seulement au jour des adieux que la mère fait œuvre patriotique. Son rôle commence plus tôt. C’est elle qui façonne le futur soldat, qui lui donne une éducation virile dès l’enfance, qui ouvre devant son esprit les grands horizons, qui lui fait aimer la patrie dont elle lui chante la beauté et la douceur. Par là, elle devient en quelque sorte soldat elle-même. Croyez-vous que l’humble paysanne, Isabelle Romée, la mère de Jeanne, n’a pas plus fait que bien des hommes pour la France ? N’est-ce pas à elle que nous devons notre libératrice ? N’est-ce pas elle qui pétrit son grand cœur et qui lui apprit à faire son devoir ?

Monument pour Isabelle Romée, mère de Sainte Jeanne d’Arc, à Vouthon-Bas (Meuse).

Statue de Isabelle Romée à la Basilique Nationale Sainte Jeanne d’Arc, Bois-Chenu, Domremy-la-Pucelle (Vosges).

Mais, pour être le premier colonel, la mère doit être le premier catéchiste de son fils : pour en faire un bon soldat, elle doit en faire un bon chrétien. Or, vous le savez, la secte maçonnique vous le défend, ô mères françaises. Il vous est permis de faire de vos enfants de petits sans-patrie, de petits sans-culotte, de petits louveteaux qui se changeront un jour en grands carnassiers de révolution. Il ne vous est pas permis, de par le Grand-Orient, d’en faire des français et des catholiques. Allez-vous obtempérer à ces ordres ? Allez-vous abandonner vos fils au Moloch de l’école impie ? Non, n’est-ce pas, et vous saurez répondre : « Nos fils, nous voulons bien les envoyer à la mort, s’il le faut, pour la France : mais nous ne voulons pas les envoyer à l’enfer ».

Sainte Thérèse priant sur les genoux mère Zélie Martin

La Petite Thérèse, future patronne secondaire de la France, priant sur les genoux de sa mère, Sainte Zélie Martin.

L’éducation chrétienne, voilà donc un champ de bataille où vous devez déployer la bannière et la vaillance de la Vierge d’Orléans. Si elle était ici, avec quel entrain elle brûlerait les manuels impies et corrupteurs condamnés par vos évêques. Avec quelle ardeur, reprenant sa bonne épée de Fierbois, elle bouterait hors de l’école les Aulard et les Debidour, les Calvet et les Primaire, comme elle boutait hors de son camp les femmes perdues qui débauchaient ses soldats !

Et voici que, depuis quelque temps, bien des mères ont senti passer dans leur âme ce généreux esprit de la Pucelle, ces frémissements indignés qui la saisissaient devant l’impiété. Des mères ont fait des feux de joie avec les livres sectaires qui contaminent l’école. Honneur à elles ! Elles comprennent que c’est la guerre et, qu’en temps de guerre, les femmes ne doivent pas se contenter de filer leur quenouille. Comme les orléanaises, enflammées par la Pucelle, elles courent aux remparts. Aux remparts, Mesdames, repoussez l’assaillant qui vise vos fils ; comblez les brèches avec votre or et votre argent et, s’il le faut, avec vos corps !

Et voici que les petites filles elles-mêmes s’en mêlent ; pour combattre l’ennemi de leur âme elles retrouvent le courage et l’audace de leur grande sœur, et parfois l’à-propos qui distinguait ses réparties. Récemment, une institutrice libre-penseuse, dictait à ses élèves ces mots : « Jeanne d’Arc crut entendre des voix… » – Une fillette l’interrompit : « Mademoiselle, il ne faut pas dire : elle crut entendre, mais, elle entendit ! – Y étiez-vous, petite impertinente, pour savoir qu’elle les entendit ? – Et vous, Mademoiselle, y étiez-vous pour savoir qu’elle ne les entendit pas ? » Ah ! la bonne petite française ! Jeanne l’aurait embrassée sur les deux joues pour cette réplique. Elle a eu raison, la petite impertinente, de rappeler à la pudeur la misérable qui s’amusait à déflorer la foi et le patriotisme de ses élèves. Imitez-la, Mesdames, et, devant les Aliborons et les bas-bleus de la Loge, ne craignez pas de vous montrer de grandes impertinentes !

Extrait de : Jeanne d’Arc et la France, Stephen Coubé (S.J.), 1910.

Jeanne d'Arc va fille de Dieu

« Il n’ya rien d’impossible à la puissance de Dieu ». Sainte Jeanne d’Arc.
Image pieuse de la Maison Bouasse-Lebel, début XXe siècle.

Règne Social du Christ : Statut de la Femme (1)

Une Femme Pieuse essuie la Sainte Face de Jésus

Comparaison du statut de la femme païenne et de la femme chrétienne.

1) La femme païenne.

Chez tous les peuples anciens, comme aujourd’hui encore chez tous les peuples non chrétiens, le mari eut un droit excessif dans la famille ; il devint un maître absolu, un despote, un tyran ; il exerça souvent le droit de vie et de mort, non-seulement sur l’enfant, mais quelquefois même sur la femme. Celle-ci, mère de famille, était, ou sous une tutelle permanente, ou prisonnière derrière des enceintes infranchissables, ou traitée comme une esclave, même comme une bête de somme.

Chinois, Indiens, Égyptiens, Grecs, Romains, Arabes, races celtiques et germaniques, sont là pour attester l’ancien droit païen du père de famille. Qu’on examine les mœurs de ces diverses nations, et il en ressort clairement cette vérité : Dans toute l’antiquité, la femme nous apparaît sous le joug de l’esclavage et de la corruption, excepté chez les Juifs, où la femme a toujours eu une dignité inconnue ailleurs.

Chez les Chinois et à l’extrême Orient, la femme reste toujours, comme dans les mœurs turques, avilie et corrompue. Elle est regardée comme un meuble ou un outil, comme une esclave. Voici l’extrait d’une lettre qu’un missionnaire en Chine a écrite à sa sœur, en 1865 : « Ici, la femme ne s’appartient pas à elle-même, elle n’est pas maîtresse de sa détermination et de ses actes ; elle est privée de toute instruction… Ici, on fiance les enfants très-jeunes, souvent même avant l’âge de raison. Pour cet acte si important de la vie, il est très rare que les parents consultent leurs enfants. Or, d’après l’usage du pays, une fille fiancée est une fille vendue, qui n’appartient plus ni à son père, ni à sa mère. Dans les pays païens, la femme est esclave et sans autorité ; une fille ne peut jamais hériter des biens de son père. Les biens des parents passent à leurs garçons, et, à défaut de ceux-ci, à leurs plus proches héritiers, mais jamais aux filles. Ces usages sont tellement enracinés, que, chez nos nouveaux chrétiens, la femme continue à conserver plus ou moins les marques de sa dégradation. Il est vrai que, de loin en loin, nous formons quelques vierges que nous instruisons et à qui nous nous efforçons de rendre leur dignité primitive ; mais ce ne sont là que de rares exceptions, car ce pays est si pauvre qu’une femme, ne pouvant généralement pourvoir à sa subsistance, est presque toujours obligée de se marier pour vivre. Si son premier mari vient à mourir, on la vend à un autre. » […]

Malgré la défense de la civilisation anglaise, on connaît le préjugé encore aujourd’hui en vigueur qui oblige la femme indienne de se brûler toute vive, sur le bûcher de son mari. Dans l’Île de Chypre, à Byblos, à Carthage, comme à Babylone, la femme était forcément dégradée. Chez les Mèdes et les Perses, les Mages et les grands pouvaient épouser jusqu’à leurs mères et leurs filles. Hérodote et Strabon se réunissent pour nous faire la peinture la plus horrible de la polygamie, du concubinage, de l’inceste et du sensualisme domestique, chez tous les peuples orientaux et africains.

Chez les Tartares, les Gaulois, les Germains et les Bretons, la femme était esclave, lorsqu’elle n’était pas guerrière. Elle devait travailler dans les champs ou combattre pour son maître ; à sa mort, comme encore aujourd’hui dans les Indes, elle s’immolait sur son tombeau pour le servir dans l’autre monde.

Chez tous les peuples germains, « la constitution de la famille ne laisse voir que le règne de la force. Dans chaque maison, il n’y a qu’une personne libre, et c’est le chef (Karl) ; point de liberté pour la femme. Fille, elle est, selon l’énergique expression du droit, dans la main de son père ; mariée, dans la main de son mari ; veuve, dans la main de son fils ou de ses proches. Le mariage n’est qu’un marché. »

« A Rome, […] Le chef de famille (pater familiâs), au milieu de la société générale, forme une petite société, soumise à un régime despotique. Ce chef est seul, dans le droit privé, une personne complète, c’est-à-dire, il forme seul un être capable d’avoir ou de devoir des droits. Tous ceux qu’il a sous sa main ne sont que des instruments. Il est propriétaire absolu de tous les biens et même de tous les individus qui composent sa famille. Il a, sous sa puissance immédiate, ses esclaves, ses enfants, sa femme et les hommes libres qui lui sont asservis. »

« La famille romaine n’est pas une famille naturelle, c’est une création du droit civil, du droit de la cité. La femme, épouse pour le mari, mère pour les enfants, peut être étrangère à la famille. Le lien de la famille n’est pas le lien du sang, le lien produit par le mariage et la génération, c’est le lien du droit civil ; la puissance, la force, voilà le fondement de la famille romaine. La tradition légale de la femme, non son consentement, forme l’essence du mariage. »

Aussi, la femme romaine, excepté lorsqu’elle est vestale ou mère de trois enfants, ne sort d’une tyrannie que pour tomber dans une autre. En se mariant, elle reste, lors même qu’elle est émancipée, la chose de son mari comme elle l’était de son père ; elle n’a pas plus de droits qu’elle n’en avait ; elle est au même rang que ses propres enfants. Ce qu’elle apporte, ce qu’elle acquiert par le mariage, tout appartient au mari ; les enfants ne lui appartiennent pas, mais au mari, qui peut les tuer, les exposer, les vendre, les chasser de la famille par émancipation. Quant à elle-même, il peut aussi la chasser, la vendre, et même la tuer. Esclave de quelque côté qu’elle se tourne, elle ne rencontre partout autour d’elle que des maîtres qui, se rappelant comment leurs ancêtres avaient conquis les filles des Sabins, la considèrent toujours comme un butin, et la traitent comme une chose conquise et une propriété vivante. »

Vers la fin de la république, la dissolution des mœurs alla si loin que les maris changèrent de femmes presque tous les ans : ils divorçaient capricieusement. L’empereur Auguste, craignant l’extinction des familles et le dépérissement de la population à Rome, se vit même forcé de mettre des bornes au divorce, d’élargir le cercle de la liberté du mariage entre les différents ordres, de récompenser la fécondité et d’établir des peines contre le veuvage et contre le célibat. Constantin modifia cette loi immorale et Justinien l’abolit.

En résumé, dans le paganisme, le mariage n’est qu’un jeu et la femme qu’un instrument de progéniture qu’on brise arbitrairement. M. Cousin, dans sa préface sur Platon, a bien raison de dire : « Il est certain que l’antiquité avilissait la femme ; avilie, elle perdait ses plus grands charmes. De là, les préférences contre nature qui nous révoltent à bon droit, mais qu’il faut comprendre. Partout où la femme n’est pas, par son âme, l’égale de l’homme, il ne faut pas s’étonner que l’amour, précisément par son instinct le plus pur et le plus élevé, cherche un objet plus digne et s’y attache. Quel homme distingué pouvait livrer son cœur à la femme telle que l’antiquité l’avait faite, partager avec cet être avili, ou stupide, ou frivole, les secrets de son âme, l’associer à sa destinée et y placer l’espérance d’une liaison un peu généreuse ? Cette loi que Platon n’osait faire contre des préférences anti-naturelles, le christianisme l’a établie d’un bout de l’Europe à l’autre, et non-seulement il l’a écrite dans les codes, mais il l’a fait passer dans les mœurs. Sans confondre les devoirs de la femme avec ceux de l’homme, il l’a ennoblie, il en a fait un être moral, capable d’un autre amour que celui des sens, et par-là il l’a soustraite à des préférences qui, n’ayant plus de motif, ont cessé d’elles-mêmes. »

Extrait de : Règne Social du Christ, par l’Abbé Charles Bénard, 1866.

Les Septante Paroles de Jeanne d’Arc, Recueillies et Commentées par M. l’Abbé Le Nordez – Introduction et 1ère Parole

Note : ce texte est issu de conférences données à un auditoire de Femmes Chrétiennes.

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C’est à vous, Mesdames, que j’offre ces pages. L’hommage vous en revient de droit, car c’est vous-mêmes qui m’avez inspiré le dessein de les écrire.

Quand l’an passé, devant ce magnifique auditoire que vous composiez dans la nef de l’église de Saint-Vincent de Paul, je vous parlais de Jeanne d’Arc, je me plus souvent, comme il convenait, à vous citer les paroles de notre héroïne.

Je ne fus pas médiocrement frappé de l’impression profonde que ces paroles faisaient sur vous. L’émotion que vous causait le récit ordinaire de ses actions s’augmentait visiblement quand vous entendiez l’une de ces vives saillies dont Jeanne d’Arc était coutumière.

Essentiellement Française par le cœur, Jeanne ne l’était pas moins par l’esprit, et l’un des caractères particuliers de son admirable génie fut cette forte naïveté gauloise dont notre esprit français a hérité. Son discours fourmille de saillies pénétrantes, concises et concluantes comme un dicton populaire. Quand Jeanne écrivait aux Anglais avant de commencer la bataille, disent les chroniques, elle aimait à prendre une flèche, qu’elle attachait au bout de la missive avec un fil et ordonnait à un archer de la lancer à l’ennemi en criant : « Lisez, ce sont nouvelles ! » Et la flèche arrivait avec la lettre.

Image de ses paroles. Elles ont quelque chose d’un trait rapide et l’on peut dire en les citant : « Lisez, ce sont nouvelles. »

Choses nouvelles en effet, souvent par le fonds même de la pensée ; toujours nouvelles au moins par la forme originale et personnelle des propos de Jeanne.

Il est admirable de voir comment, d’un mot, elle sait trancher les questions obscures, apporter dans la discussion la plus mêlée l’argument décisif.

Nul mieux qu’elle ne fait entendre ces accents généreux propres à ranimer dans les âmes les grands sentiments.

C’est pour cela même, assurément, que ses brefs discours trouvaient, quand nous vous les citions, un écho si puissant en vous et laissaient en vos esprits un sillon si fortement tracé.

C’est pour rendre durables et salutaires ces impressions, que nous vous offrons aujourd’hui ces quelques pages.

Ces paroles vous diront plus que beaucoup de longs discours. Mieux que bien des livres elles vous enseigneront vos devoirs envers votre famille et notre pays, et dans les quelques mots tombés des lèvres de cette enfant de dix-neuf ans vous trouverez un parfait idéal de ce que doit être une femme au sein d’une société chrétienne et dans notre France.

Puissions-nous n’en déparer point la vigoureuse et ingénue sublimité, dans un commentaire qui n’a pour but que de les rendre pour vous plus claires encore et plus touchantes !

Le Petit-Camp, à Valognes, en Basse-Normandie, mercredi, 15 août 1888.

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1.

« Je suis une bonne Chrétienne bien baptisée et je mourrai bonne Chrétienne. »

Jeanne d'Arc Bonne Chrétienne

Jeanne d’Arc devant ses juges.

C’est le témoignage que Jeanne se rendait. Chaque fois que ses juges essayaient de l’opposer à elle-même et de mettre en doute la sincérité de sa foi : « Je suis une bonne chrétienne » répondait-elle. On a trop négligé de considérer Jeanne d’Arc par ce côté.

Les incroyants ont une raison plausible de laisser dans l’ombre ce trait de sa physionomie. Ils sentent trop quel honneur Jeanne d’Arc fait à la religion pour n’essayer pas de l’en détacher.

Mais l’erreur des Chrétiens sur ce même point est moins excusable. On peut l’expliquer toutefois.

Les hommes ont un goût très vif pour le merveilleux. La mission de Jeanne d’Arc est évidemment extraordinaire ; la manière dont elle s’accomplit et les événements qui remplissent sa vie ne le sont pas moins.

On s’explique donc que les foules aient été particulièrement frappées de cet étrange phénomène, unique dans l’histoire. Le mal est qu’on s’est trop exclusivement attaché à ce point de vue.

Il est arrivé de là, en effet, que la vie de Jeanne d’Arc n’est pour presque personne un modèle imité. Parmi les femmes mêmes qui ont pour sa mission le culte le plus ardent, il en est peu qui songent à s’inspirer de son esprit, de ses résolutions et de ses admirables vertus.

On place Jeanne dans une sphère étrangère à celle des personnes de son sexe. Je ne dirai pas qu’on la grandit outre mesure, on ne saurait la faire trop grande. Mais du moins on lui donne une grandeur dont le spectacle demeure stérile pour ceux qui l’admirent.

C’est honorer la mémoire de Jeanne d’Arc que de convier les esprits à revenir de cette illusion. Aussi n’avons-nous d’autre but, dans les pages que nous consacrons à faire connaître cette héroïne.

Il faut que les rationalistes en prennent leur parti : Jeanne d’Arc était autre chose qu’une femme de génie dont l’intelligence, éclairée sans culture scientifique, s’élevait jusqu’aux notions les plus nettes de la philosophie pratique.

Elle était « une bonne chrétienne », scrupuleusement fidèle aux pratiques de la religion, « bien baptisée », comme elle disait, aimant Dieu et le servant, et qui voulait « mourir chrétienne ».

Quant à nous, chrétiens, n’oublions point que si Jeanne par les inspirations qui la conduisirent et le caractère général de son action publique sort des rangs de l’ensemble des femmes, elle les touche de près par une foule de côtés ; elle est l’une d’elles. Elles ont donc un intérêt capital à étudier cette vie ; il en est peu qui soient pour elles d’un exemple plus salutaire.

Extrait de : Les Septante Paroles de Jeanne d’Arc, Recueillies et Commentées par M. l’Abbé Le Nordez. Publié en 1899.

Du Patriotisme chez les Femmes

Sainte Geneviève, Jeanne d'Arc, Radegonde, Clotilde, Saintes de la Patrie
Sainte Geneviève – Sainte Jeanne d’Arc – Sainte Radegonde – Sainte Clotilde
Saintes de la Patrie, Priez Pour La France.

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« Les Grecs n’avaient vu dans la femme que sa beauté ; elle était à leurs yeux un instrument de plaisir, rien de plus. Aussi, dans la liste pourtant si courte de leurs célébrités féminines, ont-ils placé en tête Aspasie et Phryné, deux courtisanes !
Pour les Romains, la femme ne fut guère qu’un instrument de propagation. Sa fécondité lui tint lieu de vertu et fit toute sa grandeur. Sénèque va jusqu’à l’appeler «un animal sans pudeur».
C’était de la part de ces deux peuples, ne saluer qu’un corps là où il y avait une âme, et une âme si belle !
Les Barbares firent mieux : ils honorèrent dans la femme quelque chose de faible, et ils eurent pour cette faiblesse des ménagements et de la délicatesse, ce respect des forts. Ils honorèrent aussi en elle quelque chose de divin : leurs guerrières, leurs vierges, leurs prophétesses les accompagnaient dans leur vie d’aventures et de périls ; il est vrai, une fois le danger passé, la femme tombait vite de son piédestal.
Seul le Christianisme comprit bien la femme et la mit à sa vraie place. Il la considéra comme l’ange gardien de l’autel et du foyer : non seulement de ce foyer intime qu’on nomme la famille, mais aussi de ce foyer agrandi qu’on nomme la Patrie. Et il mit dans son cœur cette belle devise : pro aris et focis. Pour nos autels et nos foyers.

Or, l’ange gardien a deux rôles : 1° il inspire, il gouverne invisiblement ; 2° à l’heure du danger, il se montre et il agit. Ainsi fit Raphaël pour Tobie. Ainsi fait la femme pour l’homme. Elle est en tout temps la grande inspiratrice de l’homme, qu’elle gouverne avec une main cachée dans le cœur ; mais aux heures de souveraine détresse, elle ceint l’épée, s’il le faut, et devient sa vaillante coopératrice.

D’abord la femme est la grande inspiratrice de l’homme. Dans l’ordre du vrai, c’est Elle qui inspire le penseur, même le penseur chrétien. Saint Augustin est doublement le fils de sainte Monique : le fils de ses entrailles et le fils de son cœur. Que de fois, après la mort de sa mère, ce génie tendre et sublime, au ressouvenir du dernier entretien qu’il avait eu avec elle un soir à Ostie, aimera à s’élancer dans les profondeurs de Dieu et à reprendre seul ce chemin de l’éternité qu’ils avaient monté ensemble, ce soir-là, avec tant de charme, la main dans la main !
Du fond de la solitude de Bethléem, saint Jérôme, ce génie fougueux et indiscipliné, correspond avec les plus illustres matrones de Rome : et c’est pour elles qu’il traduit l’Écriture sainte.
Dans le palais de Charlemagne, Alcuin écrit pour les filles et les nièces de ce grand roi des Commentaires sur saint Jean.
Et au milieu même de cet incomparable XVIIe siècle, entre tant de noms célèbres, Jacqueline Pascal apparaît non sans gloire aux côtés de son illustre frère ; et derrière Nicole, se cache la duchesse de Longueville.
Dans l’ordre du beau, c’est encore la femme qui inspire l’artiste, même l’artiste chrétien. Si je descends dans les Catacombes, je rencontre à chaque pas, parmi les sujets de peinture, quoi donc ? Une femme en prière : l’Orante. Et cette première image de Marie sera comme la sœur aînée de cette longue famille de Vierges byzantines qui inspireront les peintres et les sculpteurs du Moyen Age : les-Michel-Ange, les Raphaël, les Léonard de Vinci. — A leur tour les vierges et les martyres seront les inspiratrices de l’éloquence et de la poésie chrétienne, comme les Sapho et les Erinne de l’antiquité le furent des poètes païens. Saint Ambroise, le pape saint Damase, le poète Prudence, dans leurs discours ou dans leurs poèmes, chantent à l’envi sainte Agnès. Fortunat n’écrit qu’en vers à sainte Radegonde de Poitiers. En Angleterre, saint Boniface se repose de ses travaux apostoliques en rimant de petits poèmes pour une abbesse, la belle Lioba. C’est à cette même inspiration féminine que les troubadours du Moyen Age, les Minnesinger, les poètes italiens devront tout leur génie. Dante hésite au moment de commencer son pèlerinage en Enfer, en Purgatoire et en Paradis : mais là-haut une femme veille sur lui, et il se met résolument à l’œuvre sous l’égide de Béatrix. A la première page de son Virgile, Pétrarque écrit un nom et une date : c’est le nom de sa Laure tant aimée et la date de sa mort.

Dans l’ordre du bien, je retrouve toujours la même influence. C’est la femme qui fait les saints. Elle les enfante dans la prière, dans les larmes, dans les exemples de vertu. — Clotilde prie, et Clovis se convertit à la foi chrétienne.— Monique pleure toutes ses larmes, et Augustin devient un grand saint en même temps qu’un grand penseur. — Blanche de Castille dit à son fils : « J’aimerais mieux vous voir mort que souillé d’un péché mortel», et Louis IX devient un grand saint en même temps qu’un grand roi.
Ainsi, dans les lettres, dans les arts, dans la vie morale, la femme, amoureuse elle-même du vrai, du beau, du bien, sait inspirer à l’homme ce triple amour. Mais Elle porte dans son cœur un autre amour encore l’amour de la Patrie. Et cette belle flamme, elle sent également le besoin de la communiquer : c’est elle qui fera les braves et les patriotes. […]

Sur notre terre de France, c’est bien plus merveilleux encore. Ce ne sont pas deux noms qu’il faudrait citer, mais toute une splendide lignée de saintes filles et de saintes femmes : de Geneviève à Jeanne d’Arc et à Jeanne Hachette, de la femme de Clovis à la femme de Louis XVI. — Et entre ces confins de notre histoire, en pleine société féodale, la femme est plus que jamais l’Ange de la Patrie. C’est elle qui, dans la solitude du manoir, met au cœur de ce rude soldat du Moyen Age, ces sentiments nouveaux de loyauté et d’honneur d’où sortira la Chevalerie. C’est Elle aussi qui sera l’âme des Croisades : ce grand mouvement religieux et patriotique qui, pendant près de deux siècles, entraîna des millions d’hommes à la conquête d’un tombeau, et fit retrouver sur le chemin de Jérusalem cette fraternité nationale perdue depuis si longtemps.

Hélas ! je n’ai garde de l’oublier, la femme méconnaît parfois son rôle. Alors elle devient le mauvais génie de l’homme : corruptio optimi pessima. Et au lieu de laisser derrière elle une trace de lumière et de gloire, elle laisse une trace de malédiction et de honte. En regard des Geneviève, des Clotilde, des Radegonde, des Bathilde, il y a les Brunehaut, et les Frédégonde de sanglante mémoire. En regard de Blanche de Castille et de Marguerite de Provence, c’est, plus d’un siècle avant, la reine Constance, faisant le tourment du bon roi Robert et soufflant dans l’âme de ses deux fils l’esprit de révolte. En regard de Jeanne d’Arc, c’est Isabeau de Bavière; et en regard de Marie Antoinette, Théroigne de Méricourt. Tant il est vrai que la neutralité est impossible à la femme. Au sein de la société comme au foyer de la famille, il faut qu’elle soit ange de lumière ou ange de ténèbres, pour le salut ou pour la perte des nations comme des individus.

Mais l’ange de la Patrie devient parfois visible. Ce n’est que rarement sans doute : car le bras d’une femme est trop faible pour porter longtemps, pour porter toujours le gantelet de fer et l’épée. Cependant, à de certains moments marqués par la divine Providence, son rôle d’Inspiratrice ne suffit plus à la femme. Alors, descendant tout armée dans l’arène, elle se fait la coopératrice de l’homme, et, de concert avec lui, sauve les sociétés mourantes. Les Juifs ont leur Judith, leur Esther, leur Déborah. Nous, à côté de tant d’illustres femmes : filles, épouses, mères et sœurs de rois, à côté d’illustres vierges comme Geneviève ou Jeanne Hachette, nous avons, bien au-dessus de toutes, Jeanne d’Arc.

Extrait de : Du Patriotisme Chez les Femmes, Étude Couronnée au Grand Concours Littéraire Ouvert en l’Honneur de Jeanne d’Arc par l’Académie Champenoise, par l’Abbé Théophile Besnard, 1887.