Fidélité et Honneur !

Gloire fierté d'être Chrétien saint Romain Sacré-Cœur

« Oui je suis Chrétien et j’en fais Gloire » (St Romain)

Donc, mon très-cher Frère c’est parce que Jésus-Christ est méconnu de beaucoup de vos contemporains, que vous vous croyez autorisé à le méconnaître ; c’est parce qu’un souffle mauvais et irréligieux a passé sur la génération présente, que vous revendiquez le droit de participer à la contagion.

Eh bien ! Sachez-le : cette infidélité générale que vous invoquez comme une excuse, c’est une circonstance qui aggrave plutôt qu’elle n’atténue votre faute. En face de cette apostasie du grand nombre, vous étiez tenu de déclarer plus hautement votre foi, et de devenir ainsi un exemple et une protestation.

N’entendez-vous pas retentir à vos oreilles la solennelle affirmation du Sauveur : « Celui qui se sera fait honte de moi et de mon Évangile devant cette génération corrompue et pécheresse, j’en aurai honte à mon tour quand j’apparaîtrai dans la gloire de mon Père, en la société de mes anges.»

Eh quoi ! mon Frère, vous seriez avili à vos propres yeux, vous auriez perdu le droit de vous estimer vous-même, si vous aviez la lâcheté de ne pas sembler reconnaître un ami au jour de sa disgrâce ; et, parce que Dieu du ciel et de la terre, le Dieu de votre âme et de votre baptême, est devenu impopulaire, parce que vous risqueriez de partager avec lui la défaveur d’une génération abaissée et digne de mépris, vous croyez être quitte de vos devoirs envers lui !

Non, non, c’est la loi même de l’ordre et de la justice qui l’exige : nous serons traités de Jésus-Christ, comme nous l’aurons traité lui-même. Si nous lui demeurons fidèles, nous régnerons avec lui ; mais si nous le renions, il nous reniera.

Honneur donc à vous, chrétiens qui êtes conséquents avec vous-mêmes ; honneur à vous qui croyez et qui ne rougissez point de votre croyance : celui que vous confessez devant les hommes, sans ostentation, sans jactance, mais aussi sans respect humain, sans fausse honte, vous confessera devant son Père et devant ses anges. »

Extrait : Instruction Pastorale sur l’Obligation de Confesser Publiquement la Foi Chrétienne, par le Cardinal Louis-Édouard Pie, Carême 1874.

Pourquoi La France Va de Plus en Plus Mal ? (2ème Partie)

Le début de ce texte se trouve ICI.

N’est-il pas trop manifeste que le nombre de ces impies s’est étendu parmi nous, et qu’il a prodigieusement grandi dans les temps modernes ? Et, ce qui est infiniment plus injurieux pour Dieu et plus pernicieux pour la terre, n’est-il pas trop établi que, sous plusieurs de ses aspects, le crime d’impiété n’est plus seulement le crime des particuliers, mais qu’il est devenu le crime de la société ?

Il a été apporté en fait plus ou moins de restrictions à l’application du principe ; mais le principe posé à la base de tout le moderne édifice social a été l’athéisme de la loi et des institutions. Qu’on le déguise sous les noms d’abstention, de neutralité, d’incompétence, ou même d’égale protection ; qu’on aille jusqu’à le contredire par quelques dispositions législatives de détail ou par des actes accidentels et secondaires : le principe d’émancipation de la société humaine par rapport à l’ordre religieux reste au fond des choses, il est l’essence de ce qu’on appelle les temps nouveaux.

Or, parce que l’Être souverain ne peut rien opérer qu’en vue de lui-même et de sa gloire ; en particulier, parce qu’étant Dieu, il veut être exalté non-seulement dans le secret des âmes, mais dans la vie publique des nations ; parce qu’il entend être glorifié, non-seulement au ciel, mais sur la terre et dans les institutions terrestres ; enfin parce qu’il demande davantage aux peuples auxquels il a donné plus de marques de sa confiance et de son amour, et que la nation française est par excellence la nation du Christ : pour toutes ces causes, l’impunité ne sera jamais acquise longtemps à la France lorsqu’elle marchera, comme nation, dans les voies de l’infidélité et de l’apostasie, et qu’elle immolera les droits sacrés de Dieu aux prétendus droits de l’homme. Aucun des régimes qu’il lui plaira de se donner ne pourra durer. Le moindre souffle les renversera les uns après les autres ; leur expulsion sera l’affaire d’un instant. Ainsi sont tombés tous les pouvoirs que nous avons vus se succéder dans les mêmes conditions : un simple choc les a jetés à terre, parce qu’ils n’avaient pas en eux la puissance de tenir debout.

Et voilà aussi pourquoi le relèvement est plus difficile et plus incomplet qu’à d’autres époques : c’est que, quoi qu’il en soit du plus ou du moins de vertus morales chez les particuliers, nous avons en moins à offrir à Dieu ce tribut de religion publique, cet acte de foi nationale, qui serait la reconnaissance de son empire et la proclamation de ses droits suprêmes. Quand l’homme rêve l’indépendance vis-à-vis de Dieu, quand il veut se poser au-dessus ou seulement en dehors de lui, l’Être nécessaire se doit à lui-même de mettre sa créature à la raison, de la ramener à un sentiment plus vrai et plus modeste de ce qu’elle est et de ce qu’elle peut. « Levez-vous, ô Dieu, et que l’homme ne s’affermisse pas dans cette attitude orgueilleuse : Que les nations soient citées à votre barre, et qu’elles sachent que leur taille ne dépasse point la taille de l’homme ».

Du reste, cette soustraction coupable des nations au domaine souverain de Dieu n’est pas seulement une impiété qui outrage le ciel et qui appelle le châtiment sur les peuples ; elle est en outre un principe très-actif de perversion pour les individus et pour les multitudes. S’il est vrai, à certains égards, que les mœurs doivent précéder et dicter les lois, il n’est pas moins incontestable que les lois agissent très-puissamment sur les mœurs, et que le comble du mal pour une société, c’est que ce qui devait servir de règle devienne complice du dérèglement. Nous nous réservons de développer plus amplement cette pensée, et de la justifier par les faits. Il faut méconnaître entièrement les conditions réelles de l’humanité, et s’aveugler à plaisir sur la situation morale et doctrinale de notre pays, pour ne pas,voir à quel point le vice ou seulement la lacune des institutions influe sur toutes les classes de la société, et pèse sur les esprits même en apparence les plus fermes et les plus indépendants. Cette observation nous met sur la voie de poursuivre notre sujet.

4. La pierre d’achoppement pour un grand nombre d’intelligences, c’est le triste sort fait aux gens de bien par ces calamités même qui ont pour objet de châtier et de corriger le mal. Saint Augustin, après avoir reproduit ces récriminations sous toutes leurs formes, a pris le soin d’y répondre avec toute la clarté, toute la force et toute l’abondance de sa doctrine : il nous faudrait transcrire ici plusieurs chapitres entiers de son premier livre de la Cité de Dieu. Mais il est un point sur lequel nous aurions à insister avec le saint docteur. Outre que rien n’arrive aux hommes de foi et de piété qui ne leur tourne à bien ; outre que les souffrances des justes contiennent une vertu méritoire et satisfactoire qui fait tout le prix de ces holocaustes, et qui peut seule apaiser la justice divine ; outre que les vies les plus intègres ne sont pas tellement exemptes de fautes personnelles, qu’elles ne doivent participer aux expiations temporaires d’ici-bas : n’arrive-t-il pas trop souvent aux chrétiens de se rendre solidaires et complices des égarements et des fautes de leur temps, soit par un silence pusillanime, soit même par un assentiment de complaisance à ce qui est contraire à la vérité ?

Devant ces excès d’orgueil et de licence, devant ces iniquités et ces impiétés exécrables qui attirent à la terre les coups terribles et écrasants dont Dieu l’a menacée par ses prophètes, est-il commun de trouver sur les lèvres des chrétiens les énergiques réprobations que l’amour de Dieu et de la vérité commande ? En est-il beaucoup qui gardent avec les coryphées de ces doctrines coupables et funestes, l’attitude que la foi prescrit ? Non qu’on ne puisse et qu’on ne doive user de ménagements charitables et se garder d’un zèle indiscret et inopportun ; mais ces égards ont leurs bornes. Or, ce ne sont pas seulement les chrétiens d’une trempe plus faible, les hommes engagés dans la vie conjugale et dans les devoirs de la famille et de la propriété, à qui diverses considérations humaines ôtent le courage de résister en face au mensonge et à l’iniquité. Hélas ! trop souvent ceux même qui ont embrassé un degré plus haut de perfection, qui se sont voués au célibat et à la vie humble et mortifiée, s’abstiennent de flétrir ce que la religion réprouve, atteints qu’ils sont de cette infirmité qui les porte à se préoccuper de leur personne et de leur renommée, à se complaire dans les éloges et les appréciations flatteuses de l’opinion humaine, ou à redouter le jugement du vulgaire et le péril de l’impopularité. Ce n’est donc pas là, selon moi, poursuit l’évêque d’Hippone, la moindre cause pour laquelle les bons sont flagellés avec les méchants. Et en cela, une part non-seulement égale, mais beaucoup plus considérable, revient à ceux dont il est dit par la bouche du prophète : « Cet homme mourra dans son péché, mais je demanderai compte de son âme au gardien constitué sur lui ». Car ces gardiens sont préposés à la conduite des peuples, dans les diverses Églises, avec le devoir de flétrir inexorablement le mal et de ne le point épargner.

Que chacun de nous descende dans sa propre conscience. Et parce que l’obligation de combattre et de désavouer les erreurs et les fautes de la génération à laquelle nous appartenons, n’est pas tellement propre à l’homme du sanctuaire, que le simple laïque, qui n’a pas charge d’âmes, en soit exempt vis-à-vis de ceux auxquels il est uni par le commerce de la vie civile, avouons que chacun de nous a son châtiment à porter, son expiation à subir dans les grandes tribulations de l’heure actuelle. En particulier, veuillons nous souvenir de toutes les licences que nous avons prises, de tous les torts que nous nous sommes donnés envers la vérité, envers le sacerdoce suprême, envers l’Église, dans la première moitié de cette même année qui s’est terminée par de si dures leçons et de si rudes épreuves ; et nous confesserons que Dieu est juste et que ses jugements sont équitables.

Extrait de : Instruction pastorale sur les malheurs actuels de la France, Carême 1871, par le Cardinal Louis-Édouard Pie.

A suivre…

Jeanne d’Arc et l’Antipatriotisme, 4ème Partie

Jeanne d'Arc puisque français soyons chrétiens

Jeanne d’Arc. Puisque Français Soyons Chrétiens.

D’ailleurs en menant rude guerre contre l’Anglais elle ne méconnaît pas ces sentiments de pitié et de douceur que la lâcheté démarque et exploite sous le nom d’humanitarisme.

Ce n’est pas à elle que l’on peut reprocher de ne voir dans ses soldats que de la chair à canon. Elle a pour eux une tendresse profonde. Elle frémit en voyant couler leur sang qu’elle appelle de ce beau nom : le sang de France. Elle ne les expose au danger que quand le sacrifice est nécessaire pour l’honneur et le salut de la patrie : en dehors de là, elle les ménage. Elle affronte elle-même cent fois la mort pour la leur épargner. Quand elle les voit blessés, elle les soigne, elle panse leurs blessures, elle console leurs derniers moments. Que dis-je, elle montre le même dévouement, la même compassion aux ennemis blessés. Son humanitarisme va jusque-là.

Mais il ne va pas jusqu’à dire à nos soldais : « Laissez égorger la France, laissez ravager ses campagnes, brûler ses moissons et massacrer ses enfants pour sauver voire peau ! Souillez le drapeau, jetez vos armes et gardez vos flèches pour vos propres généraux. » Ah ! quelles n’auraient pas été sa douleur et son indignation si elle eut entendu ces propos ! Avec quelle sainte colère elle eut brisé sur le dos des insulteurs sa bonne épée de Fierbois dont elle frappait les femmes perdues qui venaient débaucher ses soldats ! Avec quelle vigueur elle les eût renversés et couchés sur le fumier où ils veulent planter le drapeau ! Elle saisit un jour au collet un grand seigneur qui venait de blasphémer et lui dit : « Misérable, je ne le lâcherai que lorsque tu auras demandé pardon à Dieu. » Elle dirait de même aux blasphémateurs de la patrie : « Misérables, je ne vous lâcherai que lorsque vous aurez demandé pardon à la France. »

La parole la plus dure qui soit jamais sortie de sa bouche lui fut arrachée par son indignation contre un antipatriote, le seul qui fût à Domremy. Elle dit un jour qu’elle eût vu volontiers couper la tête à cet ennemi de la France. Si elle revenait parmi nous avec le pouvoir et le glaive en main, je conseillerais à Hervé et à ses amis [des antipatriotes de la fin XIXe siècle] de mettre au plus vite entre eux et elle ces frontières qu’ils veulent abolir, les imprudents !

Jeanne d’Arc est donc toute désignée pour être notre chef dans la juste guerre que nous devons déclarer aux sans-patrie de nos jours. La franc-maçonnerie, qui a été, quoiqu’on dise, le premier foyer de l’antipatriotisme, ne s’y est pas trompée. Elle a toujours poursuivi Jeanne d’Arc de sa haine et de ses outrages. Cauchon, qu’elle nous jette à la tête, est son héros et son ancêtre et au fond elle l’admire : elle regrette seulement qu’il n’ait pas brûlé la Pucelle avant Orléans et Patay. Un homme qui a fait un mal énorme à la société en sapant, par la loi du divorce dont il est le père, les bases de la famille française, a jeté sa petite note judéo-maçonnique dans le concert antipatriotique de notre temps, lorsqu’il a exprimé le regret que la France du XVe siècle ait été arrachée par Jeanne au joug de l’Angleterre.(1)

Le mal est profond. Quelques-uns n’en voient que les ravages extérieurs. L’antipatriotisme, c’est l’ulcère qui effraye les honnêtes bourgeois et leur soulève le cœur ; mais la fièvre maligne qui en est la cause, mais l’humeur peccante qui vient crever à la surface en blasphèmes et en actes criminels, en carmagnoles et en internationales, c’est l’esprit irréligieux qui anime nos hommes d’État. Aussi il est il craindre que cet esprit ne porte encore longtemps ses fleurs d’ulcères antimilitaristes et de plaies sociales. Il est a craindre qu’il n’éclate un jour en une révolution dont la Terreur et la Commune n’auront été que les timides ébauches.

La Vierge d’Orléans a pleuré sur l’aveuglement d’un Paris livré aux Anglais. La vue d’un Paris livré aux sectes impies lui arracherait des larmes plus amères. Mais elle ne se découragerait pas. Elle nous dirait :

« Français, si vous voulez éviter les maux que l’antipatriotisme vous prépare, il faut combattre l’irréligion qui en est la source. Il faut vous grouper en une France vraiment française et par conséquent vraiment catholique. Il faut aimer cette Église qui a fait la grandeur de votre pays. Il faut aimer ce Christ qui aime toujours les Francs. Si vous me voulez pour alliée et pour chef dans la lutte, il faut me prendre telle que je suis, avec ma foi qui fut mon inspiratrice. Je ne marche qu’avec ma bannière ! »

Note (1) La Franc-Maçonnerie a souvent blâmé la Pucelle de n’avoir pas combattu avec les Anglais contre la France. Le Frère maçon Louis Martin a publié, en 1896, un volume, l’Erreur de Jeanne d’Arc, où il développe cette idée. Il dit que « la mission de Jeanne a été funeste à notre patrie et une calamité pour l’Europe. » Et il termine par ces mots : « Qu’importe à l’histoire que Charles VII fût le légitime roi de France ? Il importait bien plus que ce fût le roi d’Angleterre. » Le Frère maçon Naquet est de cet avis. Il écrit : « Quel grand peuple nous ferions, l’Angleterre et nous, si Jeanne d’Arc n’avait pas existé !… il n’est donc pas vrai qu’elle ait été l’ange bienfaisant de là France et le fléau de l’Angleterre. Elle a été le fléau des deux pays et même de l’humanité. » En pays musulman, on pendrait celui qui insulterait mahomet. En pays français, on peut bafouer impunément la France et ses gloires.

Extrait de : Conférence donnée à la Salle d’Horticulture, à Paris, le 20 mars 1909, par le Chanoine Stephen Coubé (S.J.).

Pourquoi La France Va de Plus en Plus Mal ? (1ère Partie)

1871 : engagée dans une désastreuse guerre contre la Prusse, la France est au bord du gouffre. Un siècle plus tôt elle était LA grande puissance européenne ; maintenant elle doit s’incliner devant l’armée prussienne, noyau du futur empire allemand qui sera proclamé quelques temps plus tard.
Comment notre nation, jadis si respectée et admirée, a-t-elle pu sombrer ainsi ? Pourquoi aujourd’hui, 150 ans plus tard, la situation a-t-elle encore empiré ? Et pourquoi, hélas ! cela n’est pas prêt de s’arrêter ?
Le Cardinal Pie donne les réponses à toutes ces questions dans ce texte magistral qui sera découpé en quatre parties.

Aussi longtemps que la France a pu tenir le glaive, nous avons prié pour le triomphe de nos armes. La dure loi des circonstances nous commande aujourd’hui d’implorer du ciel une paix nécessaire, et nous avons grand besoin de l’intervention toute-puissante de Dieu pour l’obtenir dans des conditions qui la rendent acceptable à notre patriotisme. Rien n’est perdu si, comprenant la cause d’une ruine dont la soudaineté et l’étendue tiennent du prodige, nous avons hâte de recourir au principe efficace de la régénération. La France a reçu d’en haut une mission à laquelle elle ne peut se soustraire sans renoncer à sa propre existence : elle est condamnée à n’être rien, si elle n’est pas la première des nations catholiques. Mais aussi, quelque profondes qu’aient été ses chutes, il ne tient qu’à elle d’être bientôt replacée à la tête du monde. Fille aînée de l’Église, le premier rang lui est promptement rendu dès qu’elle rentre dans la voie que lui a tracée la main « qui dirige les nations sur la terre ».

Pour qui connaît l’histoire de notre pays, l’abîme où nous sommes descendus n’est pas plus affreux que celui d’où la France du passé est remontée plus d’une fois. Il nous suffit hélas ! De prononcer le nom de notre cité pour rappeler un désastre non moins extrême que celui auquel nous assistons.

Après la bataille de Poitiers [1356], on put craindre que la France fût asservie à jamais au sceptre de l’étranger. La déroute de Maupertuis avait cela de honteux, que notre armée était très-supérieure en nombre à l’armée ennemie. A part de glorieuses exceptions, parmi lesquelles il faut ranger le roi et une partie de sa noblesse, le courage fit défaut autant que l’habileté et la discipline. Jamais on n’avait vu les Français fuir devant un adversaire aussi faible, et montrer tant de pusillanimité après avoir étalé tant de jactance. La conséquence de cette défaite, que tous considérèrent comme une juste punition de Dieu, ce fut la captivité du monarque, l’occupation d’une grande partie du royaume par les étrangers, le reste du territoire livré aux factions et ravagé par le brigandage, l’autorité souveraine méconnue par des assemblées de mutins, les princes engagés dans des compétitions et des intrigues, la capitale en proie à l’anarchie, la voix de la religion comme celle des lois dépourvue de vertu et de sanction, toutes les ressources du pays épuisées, toutes les forces de la nation tournées contre elle-même.

A la nouvelle de cette catastrophe, le chef de la chrétienté, Français par le cœur comme par la naissance, Français surtout par le sentiment de la solidarité qui unissait déjà depuis des siècles les destinées de l’Église aux destinées de la France, Innocent VI épancha sa douleur dans des lettres où sa sensibilité sur les maux de notre patrie paraît à découvert. Humainement, l’état des choses était désespéré. Mais Dieu veillait sur ce peuple qui, malgré ses infidélités et ses écarts, était toujours son peuple d’adoption, le premier-né de l’orthodoxie, le principal boulevard de la catholicité. A défaut des armes, qui s’étaient émoussées aux mains des guerriers, la providence divine tourna les éléments contre nos envahisseurs : un premier traité fut conclu sous les yeux de la Vierge de Chartres. Quelques années après, un roi sage, Charles V, aidé d’un chevalier breton, Bertrand du Guesclin, avait réparé presque toutes les pertes de la patrie. Et quand de nouvelles fautes eurent ramené de nouveaux revers, une libératrice fut suscitée qui rendit la France à elle-même en la rendant à son roi : délivrance qui fut le point de départ d’une série de prospérités souvent interrompues, jusqu’au jour où la monarchie française, forte enfin de sa grande unité nationale, atteignit l’apogée de sa puissance et de sa gloire.

Ce n’est donc pas la première fois, que la fortune militaire de la France a pâli ; et ces éclipses temporaires n’ont servi qu’à la faire briller, après quelque temps, d’un plus vif éclat. Pour les peuples comme pour les particuliers, l’adversité est une école puissante et salutaire. L’essentiel est que nous rendions l’expiation profitable et féconde, en reconnaissant d’où partent les coups qui nous atteignent, et en soumettant humblement à Dieu nos intelligences comme nos volontés.

Carte postale la France sans Dieu

La France sans Dieu ne peut rien et est vouée au néant ! Notre espoir et notre avenir sont en Dieu Seul ! (Carte postale début XXe siècle.)

Assurément, vous n’êtes pas de ceux qui se croient purs de toute faute, et qui se demandent ce que Dieu peut avoir à reprocher à notre génération. Vous confessez volontiers que, par ses pensées, par ses paroles, par ses œuvres, et surtout par ses omissions, notre siècle a péché, beaucoup péché. Toutefois, en comparant notre temps à celui que je viens de rappeler, peut-être trouvez-vous que le rapprochement est à notre avantage, attendu que si nous n’avons pas toutes les vertus de cette époque, nous n’en avons pas non plus tous les vices. Peut-être aussi que les rigueurs de Dieu, considérées dans leur application, sont une épreuve pour votre foi en même temps qu’une énigme pour votre raison, attendu qu’elles tombent également,et quelquefois préférablement, sur ceux qui les ont le moins méritées. Nous irons au-devant de ces préoccupations de votre esprit.

Répétons-le d’abord : il n’est donné à aucune balance humaine, mais à la seule balance de Dieu, d’établir la proportion exacte entre la moralité du présent et celle du passé. Mais, en ce qui est de la gravité respective de tel ou tel péché, nous possédons des principes certains. Le mal moral, comme le mal physique, se discerne et se gradue d’après le genre et l’espèce. Notre docteur saint Hilaire, au début de son commentaire des psaumes, commence par établir une distinction fondamentale. Expliquant ces premières paroles : Bienheureux l’homme qui ne s’en est point allé dans le conseil des impies, et qui ne s’est point arrêté dans la voie des pécheurs : « Il y a, dit-il, une différence considérable entre l’impiété et le péché. Par la grâce de Dieu, tout pécheur n’est pas impie, parce que tout péché n’est pas impiété ; au contraire, l’impie ne peut pas n’être point pécheur, attendu que l’impiété implique par elle-même le plus grand péché. » Le saint évêque éclaircit la chose par un exemple. « Un fils est vicieux, il est déréglé, il est prodigue, mais il aime et respecte son père : au milieu de cela, il n’est pas exempt de fautes, mais il n’offense pas la vertu de piété filiale. Les impies, au contraire, sont ceux qui, tout en demeurant peut-être réguliers quant à plusieurs points principaux de conduite, excèdent cependant sur les simples pécheurs par l’outrage direct envers le Père céleste».

«Il en est beaucoup, poursuit l’illustre commentateur, qui, séparés de l’impiété par la confession du vrai Dieu, ne sont cependant pas à l’abri du péché  ; qui demeurent dans le giron de l’Église, mais n’observent pas la discipline de l’Église, cédant à l’appât de l’argent, de la bonne chère, de la volupté, de l’orgueil, du mensonge, du larcin, que sais-je ? La pente de notre nature corrompue nous pousse à ces vices ; mais, si nous ne pouvons pas n’être point placés sur ce chemin, c’est notre devoir de n’y pas demeurer, de n’y pas stationner. Bienheureux donc l’homme qui ne s’est point arrêté dans la voie des pécheurs, où le porte un instinct dépravé, mais d’où le retire le sentiment de la foi religieuse et le secours de Dieu !»

Or, s’il s’agit de ce dernier ordre de fautes, et que notre génération veuille s’adjuger la supériorité sur d’autres temps, encore que je sois loin de souscrire à cette prétention,et qu’il soit trop évident que l’irréligion a multiplié et aggravé au sein de la société un grand nombre de vices mal déguisés sous un certain vernis de décence, cette concession néanmoins ne suffirait pas à écarter l’excédant qui demeure à notre charge.

En effet, vous l’avez entendu d’une bouche irrécusable : « Lors même qu’ils se maintiennent dans les grandes lignes de la continence et de la sobriété, le crime des impies enchérit sur tout autre crime, parce qu’il est un outrage personnel au Père que nous avons dans les cieux ». Ces impies, « ce sont ceux qui ne s’occupent pas de connaître Dieu ; qui croient que ce monde n’a pas eu besoin d’auteur, et qu’il est le résultat de combinaisons fortuites ; qui, afin d’écarter toute responsabilité morale, et de n’avoir aucun compte à rendre au Créateur, prétendent être nés des forces de la nature, pour rentrer dans le néant en vertu des mêmes lois. Ce sont encore ceux qui, étant tombés dans l’hérésie, ne sont contenus ni par les doctrines ni par les lois de l’ancien et du nouveau testament ; mesurant Dieu, non d’après les déclarations authentiques de sa propre parole, mais d’après les données arbitraires de leur propre volonté, comme s’il y avait moins d’impiété pour la créature à faire un Dieu à sa fantaisie, qu’à le nier ; enfin n’ayant jamais de formule franche et arrêtée de leur foi, mais évitant toujours de conclure et se retranchant dans des controverses et des subterfuges sans fin.»

Extrait de : Instruction pastorale sur les malheurs actuels de la France, Carême 1871, par le Cardinal Louis-Édouard Pie.

Suite…