Sermons de Saint Jean-Marie Vianney, Curé d’Ars : Le Jugement Dernier – 3 – Le Tribunal de Dieu

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Saint Jean-Marie Vianney portrait authentique

Saint Jean-Marie-Baptiste Vianney, Curé d’Ars. Portrait authentique.

Oui, Mes Frères, voilà tous les justes et les réprouvés qui ont repris leur ancienne forme, c’est-à-dire leurs corps tels que nous les voyons maintenant, qui attendent leur juge, mais un juge juste et sans compassion, pour punir ou récompenser, selon le bien et le mal que nous aurons fait. Le voilà qui arrive, assis sur un trône, éclatant de gloire, environné de tous les anges, l’étendard de sa croix, qui marchera devant lui. Les damnés voyant leur juge ; ah ! que dis-je ? voyant celui qu’ils n’ont vu que pour leur procurer le bonheur du paradis, et qui, malgré lui, se sont damnés : Montagnes, s’écrieront-ils, écrasez-nous, arrachez-nous de la face de notre juge ; rochers, tombez-nous dessus ; ah ! de grâce, précipitez-nous dans les enfers ! Non, non, pécheur, avance et viens rendre compte de toute ta vie. Avance, malheureux, qui a tant méprisé un Dieu si bon. Ah ! mon juge, mon père, mon créateur, où sont mon père, ma mère qui m’ont damné ? ah ! je veux les voir ; ah ! je veux leur demander le ciel, qu’ils m’ont laissé perdre. Mon père et ma mère, c’est vous qui m’avez damné ; c’est vous qui êtes cause de mon malheur. Non, non, avance vers le tribunal de ton Dieu, tout est perdu pour toi. Ah ! mon juge, s’écriera cette jeune fille, où est ce libertin qui m’a ravi le ciel ? Non, non, avance ! il n’y a plus de secours,… — tu es damnée ! plus d’espérance pour toi : oui, tu es perdue ! oui, tout est perdu, puisque tu as perdu ton âme et ton Dieu. Ah ! qui pourra comprendre le malheur d’un damné qui verra vis-à-vis de lui, c’est-à-dire du côté des saints, un père ou une mère tout rayonnants de gloire et pour le ciel, et se voir soi réservé pour l’enfer ! Montagnes, diront ces réprouvés, arrachez-nous ; ah ! de grâce, tombez-nous dessus ! Ah ! portes des abîmes, ouvrez-vous pour nous cacher ! Non, pécheur, tu as toujours méprisé mes commandements : mais c’est aujourd’hui que je veux te montrer que je suis ton maître. Parais devant moi avec tous tes crimes dont la vie n’est qu’un tissu. Ah ! c’est alors, nous dit le prophète Ézéchiel, que le Seigneur prendra cette grande feuille miraculeuse, où sont écrits et consignés tous les crimes des hommes. Combien de péchés qui n’ont jamais paru aux yeux de l’univers et qui vont paraître. Ah ! tremblez, vous qui, peut-être depuis quinze ou vingt ans, avez accumulé péchés sur péchés. Ah ! malheur à vous !

Alors Jésus-Christ, le livre des consciences à la main, appellera tous les pécheurs pour les convaincre de tous les péchés qu’ils auront commis pendant toute leur vie, d’un ton de tonnerre épouvantable. Venez, impudiques, leur dira-t-il, approchez et lisez jour par jour ; voilà toutes ces pensées qui ont sali votre imagination, tous ces désirs honteux qui ont corrompu votre cœur ; lisez et comptez vos adultères, voilà le lieu, le moment où vous les avez commis, voilà la personne avec laquelle vous avez péché. Lisez toutes vos mollesses et vos lubricités, lisez et comptez combien vous avez perdu d’âmes qui m’avaient coûté si cher. Il y avait plus de mille ans que votre corps était pourri et votre âme en enfer, que votre libertinage entraînait encore des âmes en enfer. Voyez-vous cette femme que vous avez perdue, voyez ce mari, ces enfants et ces voisins ! tous demandent vengeance, tous vous accusent que vous les avez perdus et que sans vous ils seraient pour le ciel. Venez, filles mondaines, instruments de Satan, venez et lisez tous ces soins et ces temps que vous avez employés à vous parer ; comptez le nombre de mauvaises pensées et de mauvais désirs que vous avez donnés à ceux qui vous ont vues. Voyez-vous toutes les âmes qui crient que c’est vous qui les avez perdues. Venez, médisants, semeurs de faux rapports, venez et lisez, voilà où sont marquées toutes vos médisances, vos railleries et vos noirceurs ; voilà toutes les divisions que vous avez occasionnées ; voilà tous les troubles que vous avez fait naître, toutes les pertes et tous les maux dont votre maudite langue a été la première cause. Allez, malheureux, entendre en enfer les cris et les hurlements épouvantables des démons. Venez, maudits avares, lisez et comptez cet argent et ces biens périssables auxquels vous avez attaché votre cœur, au mépris de votre Dieu, et pour lesquels vous avez sacrifié votre âme. Avez- vous oublié votre dureté pour les pauvres ? Le voilà, lisez, et comptez-le. Voilà votre or et votre argent, demandez-leur maintenant du secours, dites-leur qu’ils vous tirent d’entre mes mains. Allez, maudits, crier famine dans les enfers. Venez vindicatifs, lisez et voyez tout ce que vous avez fait pour nuire à votre prochain, comptez toutes ces injustices, comptez toutes ces pensées de haine et de vengeance que vous avez nourries dans votre cœur ; allez, malheureux, en enfer. (Vous avez été) rebelles : mes ministres (vous) ont mille fois dit que si vous n’aimiez pas votre prochain comme vous-même, (il n’y avait) point de pardon pour vous. Retirez-vous de moi, maudits, allez aux enfers, où vous (serez) la victime de ma colère éternelle, où vous apprendrez que la vengeance n’est que pour Dieu seul. Viens, viens, ivrogne, regarde, voilà jusqu’à un verre de vin, jusqu’à un morceau de pain que tu as arraché de la bouche de ta femme et de tes enfants ; voilà tous tes excès, les reconnais-tu ? sont-ce bien les tiens, ou ceux de ton voisin ? Voilà le nombre de nuits, de jours que tu as passés dans les cabarets, les dimanches et les fêtes ; voilà, jusqu’à une seule, les paroles déshonnêtes que tu as dites dans ton ivresse ; voilà tous les jurements, toutes les imprécations que tu as vomies ; voilà tous les scandales que tu as donnés à ta femme, à tes enfants et à tes voisins. Oui, j’ai tout écrit et tout compté. Va, malheureux, t’enivrer dans les enfers du fiel de ma colère. Venez, marchands, ouvriers, de quelque état que vous soyez ; venez, rendez-moi compte jusqu’à une obole de tout ce que vous avez acheté et vendu ; venez, examinons ensemble si vos mesures et vos comptes sont conformes aux miens ? Voilà, marchands, le jour où vous avez trompé cet enfant. Voilà ce jour où vous avez fait payer deux fois la même chose. Venez, profanateurs des sacrements, voilà tous vos sacrilèges, toutes vos hypocrisies. Venez, pères et mères, rendez-moi compte de ces âmes que je vous ai confiées ; rendez-moi compte de tout ce qu’ont fait vos enfants, vos domestiques ; voilà toutes les fois que vous leur avez donné la permission pour aller dans des lieux et des compagnies où ils ont péché. Voilà toutes les mauvaises pensées et les mauvais désirs que votre fille a donnés ; voilà tous les embrassements et autres actions infâmes ; voilà toutes ces paroles impures que votre fils a prononcées. Mais, Seigneur, diront les pères et mères, je ne le lui ai pas commandé. N’importe, leur dira leur juge, les péchés de tes enfants sont les tiens. Où sont les vertus que tu leur as fait pratiquer ? où sont les bons exemples que tu leur as donnés ou les bonnes œuvres que tu leur as fait faire ? Hélas ! que vont devenir ces pères et mères qui voient que leurs enfants, les uns s’en vont danser, les autres dans les jeux et les cabarets, et qui vivent tranquilles. O mon Dieu, quel aveuglement ! Oh ! que de crimes dont ils vont se voir accablés dans ces terribles moments ! Oh ! que de péchés cachés qui vont être manifestés à la face de tout l’univers ! Oh ! abîmes profonds des enfers, ouvrez-vous pour engloutir ces foules de réprouvés qui n’ont vécu que pour outrager Dieu et se damner.

Extrait de : Sermons (Tome 1), par Saint Jean-Marie-Baptiste Vianney. 1883.