Le Supplice de Sainte Jeanne d’Arc

Image Pieuse Martyre de Sainte Jeanne d'Arc sur le bûcher à Rouen
Sainte Jeanne d’Arc Le Martyre, Rouen 30 Mai 1431.
Image Pieuse de la Maison Bouasse-Lebel d’Après le Tableau de Lenepveu. Années 1920.

« A l’annonce de l’horrible mort qu’on lui prépare, elle se trouble ; au milieu de larmes et de sanglots elle proclame son innocence. Messieurs, que cette douleur de Jeanne nous touche. Serait-elle aussi belle si elle marchait au bûcher les yeux secs et le front impassible ? Oui, tout indomptable qu’elle est, la femme en  cet instant doit attendrir l’héroïne ; elle a fait de sa courte vie un trop noble usage pour ne pas la pleurer. Mais si le corps faiblit, l’âme est toujours forte. Ses gémissements ne sont-ils pas encore une protestation vengeresse ? « Évêque, dit – elle à Cauchon, je meurs par vous, mais de vous j’en appelle à Dieu. » Et déjà, dans le cœur de ce Dieu qu’on lui a si longtemps disputé, elle a versé le sien ; elle l’a reçu dans sa prison, comme les martyrs ; comme eux aussi, elle a puisé dans cet embrassement divin la force de mourir, et elle s’avance, sereine et vaillante comme eux, à son dernier combat : elle a prédit sa victoire , aujourd’hui même elle sera au paradis !

Une troupe nombreuse escorte la condamnée, mais deux prêtres sont assis auprès d’elle ; elle parcourra sa voie douloureuse soutenue par leur charité. Tout à coup le trajet funèbre est interrompu par un grand tumulte ; les Anglais poussent des cris et tirent leurs épées. Est-ce le peuple qui se lève pour empêcher leur crime ? La Hire serait-il encore aux portes de Rouen ? Non, c’est Loyseleur qui n’a pas voulu s’enfuir sans demander pardon à celle qu’il a trahie.

On arrive à la place du Vieux-Marché ; une foule inquiète la couvre ; les juges attendent ; le bourreau, la torche à la main, se tient au pied du bûcher, dont la masse énorme se dresse vers le ciel, et le drame commence.

Il faut que Jeanne subisse une prédication injurieuse, des exhortations hypocrites et la lecture de la sentence ; il faut qu’elle contemple, tracée en gros caractères devant elle, la liste des forfaits qu’on lui impute ; il faut qu’elle en porte l’insolente inscription jusque sur sa tête. Mais rien ne la trouble plus. Elle écoute tranquillement le prédicateur ; elle proteste une dernière fois pour venger l’honneur de son roi, et elle épanche son âme dans une longue prière. La cruelle impatience des Anglais l’interrompt; elle se relève, leur pardonne, se recommande aux prêtres qui l’entourent, invoque saint Michel, sainte Catherine et sainte Marguerite, et elle marche au supplice.

Le feu s’allume ; bientôt il a enveloppé sa proie et lentement il la dévore. Au-dessus des flammes se dresse l’image de Jésus-Christ. La martyre y attache ses regards, et c’est dans cette contemplation ineffable qu’elle achève de souffrir pour la France.

Extrait de : Jeanne d’Arc, Panégyrique Prononcé dans la Cathédrale d’Orléans, le Jeudi 8 Mai 1890, par l’Abbé A. Mouchard.