Le Sacré-Cœur de Jésus, le nouveau signe de Salut.
« Mon Seigneur et mon Dieu ! » Voilà pourquoi la dévotion au Sacré-Cœur convient mieux que toute autre à l’intelligence contemporaine.
Il est une autre misère de notre époque qui trouve également son spécifique dans le Sacré-Cœur. L’humanité souffre, messieurs, de maux inénarrables, j’ose même dire qu’elle souffre plus qu’elle n’a jamais souffert : non pas que les douleurs physiques, la pauvreté, la maladie et la mort soient en elles-mêmes plus terribles que par le passé, mais l’homme a plus conscience de la souffrance, et, par suite, y est plus sensible. Il rêve de biens auxquels ne pensaient pas ses pères.
Il trouve intolérables des privations que supportaient gaiement ses pères. Le pauvre soupire après la richesse, l’inférieur après l’égalité, tous après la jouissance. Aussi voyons-nous partout des déceptions amères, suivies de révoltes, de fureurs et de désespoirs que ne connaissaient pas nos pères. Et ce n’est pas seulement contre le ciel et leur destinée que les hommes s’irritent. L’égoïsme, fils de l’irréligion, engendre à son tour l’injustice et la haine. On parle, je le sais, plus que jamais de fraternité, mais c’est en aiguisant les couteaux et en chargeant les fusils pour la grande bataille qui doit couronner ces belles déclamations.
Pour adoucir les cœurs aigris, que faut-il ? Un grand amour rayonnant sur nos misères, pansant nos plaies, disant les mots enchanteurs, réconciliant les frères ennemis, et montrant à tous les grandes joies de l’au-delà. L’humanité acceptera tout d’un cœur qui l’aime. Elle n’accepterait rien, pas même son propre salut, d’un cœur froid et indifférent.
Cela est si vrai que ceux qui prétendent sauver la société affectent tous les dehors de la bonté, l’amour de l’humanité douloureuse.
Les religions nouvelles n’ont pour Évangile que des phrases sonores sur la solidarité, l’humanité, la pitié.
La science athée ne parle de ses découvertes que pour en faire ressortir le côté humanitaire : elle qui n’a qu’un cerveau, elle se donne comme la bienfaitrice et la mère des hommes dans l’avenir.
Le socialisme recourt au même mensonge. Lui qui n’a que des entrailles de Moloch, qui s’apprête à broyer l’humanité sous ses mâchoires de fer, il simule la pitié pour les humbles et les miséreux, il tend les bras aux foules et s’écrie dans une parodie sacrilège : « Voici ce cœur qui a tant aimé les hommes. » Ah ! je pense en l’entendant à cet affreux scélérat de la Révolution, à ce Marat dont des misérables ont prétendu honorer le cœur, – le cœur de Marat, le cœur d’un monstre ! Scélérat dont le nom, sous le vocable de Montmort, a pendant quelque temps déshonoré cette colline, aujourd’hui purifiée par le culte du Cœur de Jésus.
En un mot, tous ces imposteurs, voulant passer pour des messies, ont usurpé le grand signe messianique des temps modernes, celui que la société veut voir au front de ses sauveurs : la bonté. Mais seul le Christ est la bonté infinie ; seul, il a un cœur large comme le monde, assez profond pour recevoir toutes les plaintes et toutes les douleurs des hommes et les convertir au creuset de son amour en joie et en mérites. C’est ainsi que cette dévotion du Sacré-Cœur convient merveilleusement au pauvre cœur blessé de l’humanité moderne.
Dans l’encyclique Annum Sacrum, le Pape nous montre au front de Jésus toutes les auréoles qui appellent l’adoration.
Auréole de la divinité ! Il la porte de toute éternité : Il a marché ici-bas dans sa lumière au milieu des nations que son Père Lui avait données en héritage.
Auréole de sa Passion, dont Il s’est couronné Lui-même en prenant la couronne d’épines, avec laquelle Il est monté sur le trône de la croix, au nom de laquelle Il dit aux peuples : « Vous êtes ma conquête : Populus acquisitionis ».
Enfin auréole de bonté, auréole de flammes et de lumière qui brille autour de son Cœur, et caresse doucement nos yeux fatigués.
Cette triple auréole, messieurs, c’est la vraie lumière qui doit guider les hommes sur les océans de l’avenir ; c’est elle qui leur montre le port du salut. Voilà pourquoi l’humanité, inondée de ses feux, s’est jetée à genoux comme jadis les apôtres dans la barque et s’écrie en tendant les bras au Sauveur : « Seigneur, sauvez-nous, car nous périssons ».
Extrait de : Le Sacré-Cœur, Salut du Monde et de la France, Discours Prononcé le 18 Juin 1899 en la Basilique de Montmartre par le Chanoine Stéphen Coubé (S.J.).