Jeanne d’Arc, Modèle de Piété

Tableau Jeanne d'Arc en prière dans une église par Flandrin
« Jeanne d’Arc en prière » par Paul Hippolyte Flandrin (1856-1921).

Dieu qui aime les humbles et les petits se révéla de bonne heure à la fillette de Jacques d’Arc. Sa mère, en lui apprenant à former le signe de la croix, lui fit assez entendre le mystère de pardon et de salut qu’il rappelait, pour que ce cœur d’enfant s’ouvrît à des sentiments de foi et de reconnaissance. Les instructions familières et les exhortations du curé de Domremy y firent bientôt éclore des sentiments d’amour divin, et ce foyer une fois allumé ne fit que grandir et s’étendre. De là cette dévotion ardente et confiante tout ensemble de Jeannette pour Jésus-Christ, qu’elle se plaisait à appeler Messire, « mon Seigneur » ; de là sa fidélité à toutes les pratiques et à tous les exercices propres à éclairer, à fortifier et à développer cette dévotion ; de là son empressement à fréquenter l’église où son Sauveur et son Dieu résidait sacramentellement. Les jeunes filles de son âge remarquaient « qu’elle y allait volontiers et souvent. On ne la voyait pas par les chemins, mais à l’église où elle restait et priait ».

Diverses représentations de Jeanne d’Arc en prière à Domremy.

C’était pourtant un édifice bien modeste que la petite église de Domremy : elle n’avait rien de ce qui sollicite la curiosité et attire les regards ; mais Jeanne y avait reçu le saint baptême ; elle y avait été consacrée à la bienheureuse Vierge Marie, elle y priait avec plus de douceur qu’en tout autre lieu, s’y sentait plus près du Maître qu’elle aimait, et comme la maison de ses parents était tout proche de la maison de Dieu, la jeune enfant, n’ayant qu’à traverser le jardin paternel pour s’y rendre, profitait de cette facilité et venait offrir au Seigneur en son sanctuaire ses prières naïves et ses adorations.

Six vues extérieures et intérieures de l’église actuelle de Domremy et deux représentations à l’époque de Jeanne d’Arc.

Dès qu’elle eut atteint l’âge de raison. Jeannette se forma, sous la direction de son curé, à ces pieuses et fortes habitudes, à ces saintes pratiques sans lesquelles il ne saurait y avoir de vie profondément chrétienne, la confession, l’assistance au sacrifice de la messe, la sainte communion. A partir de sa septième année, elle se confessait volontiers et souvent : un de ses compagnons de jeunesse en faisait la remarque ; mais en avançant en âge, elle mit à le faire plus de régularité. Vingt-neuf de ses compatriotes rendent d’elle ce témoignage dans l’enquête de la réhabilitation. La pieuse jeune fille comprit promptement l’utilité de la confession fréquente, pour en arriver à remplir exactement tous ses devoirs, à discerner et pratiquer les vertus qui sont l’honneur de son sexe. C’était, disait-elle, le moyen que lui recommandaient ses Saintes ; car « elles-mêmes prenaient le soin de la faire se confesser de temps en temps ».

A Rouen, les juges demandaient à Jeanne d’Arc si elle voulait s’en rapporter à eux pour la détermination et l’appréciation de certains actes qu’ils lui attribuaient faussement.

Jeanne leur répondait : « Je m’en rapporte à Dieu et à une bonne confession. »

Ils lui demandaient encore si elle pensait avoir besoin de se confesser, puisqu’elle se croyait certaine d’être sauvée. Jeanne répliquait : « On ne saurait trop nettoyer sa conscience. »

Statues représentant Jeanne d’Arc en prière.

L’assistance au saint sacrifice et la sainte communion n’étaient pas moins chères à son cœur. A la messe, Jeannette y assistait aussi souvent qu’il lui était possible. Se trouvait-elle aux champs lorsque la cloche la sonnait, elle quittait le travail, s’il n’y avait pas d’empêchement, et accourait au pied de l’autel.

Détail qui met bien en lumière la gratitude de la jeune enfant pour son excellent curé, en même temps que sa dévotion pour le sacrifice de nos autels, toutes les fois que messire Front pouvait célébrer dans l’église de Domremy, Jeannette était là pour entendre sa messe.

Si bien que le bon curé s’en était aperçu et avait fait part de cette observation à un ecclésiastique de ses amis. Celui-ci ajoutait que si la fille de Jacques d’Arc avait eu de l’argent, elle l’aurait donné volontiers à son curé pour dire des messes. Sans doute que la pieuse enfant exprima plus d’une fois le regret de n’être pas plus fortunée, et de ne pouvoir, faute d’argent, suivre les inspirations et les désirs de son cœur.

Jeanne d’Arc en prière à la Chapelle des Voûtes de Vaucouleurs.

Puisque nous parlons de l’attachement que Jeannette portait à son pasteur, en reconnaissance des bontés et des soins dont elle était l’objet de sa part, rappelons cet autre détail : elle avait en lui une confiance si entière, et elle tenait tant à ne lui faire aucune sorte de peine, que, s’il était empêché, elle ne se confessait à un autre prêtre qu’après lui en avoir demandé et en avoir obtenu la permission.

Lorsque l’église de Domremy et une partie du village eurent été incendiés par des coureurs bourguignons. Jeannette resta quelque temps privée de ces consolations religieuses. Il lui fallut renoncer à entendre la messe de son curé à Domremy même. Elle se dédommageait en allant, les jours de dimanche et de fête, l’entendre en l’église de Greux.

La dévotion de la petite Jeanne au saint sacrifice de la messe avait comme complément un empressement égal à visiter notre divin Sauveur dans le sacrement de l’autel et à recevoir, aussi souvent que son confesseur le lui permettait, la sainte communion. Tandis que ses compagnes se divertissaient à des rondes ou autres jeux, la pieuse enfant mettait sa joie à se rendre et à prier au pied du tabernacle. Elle éprouvait une douceur infinie à l’adorer du plus profond de son âme et à s’abandonner sans réserve à sa volonté.

Et si elle mettait une sainte avidité à s’asseoir à la table eucharistique, à s’y nourrir du pain des anges, c’est que, au sortir de ce festin, elle se sentait plus ardente au bien, plus imprégnée de pureté, plus allégée de dévouement.

La première communion de Jeanne d’Arc.

Ces habitudes religieuses, Jeanne d’Arc les entretint si bien pendant son adolescence, qu’elle y demeura fidèle toute sa vie et les porta jusqu’au milieu des camps. « Je l’ai vue plusieurs fois, disait l’un des deux gentilshommes qui l’accompagnèrent à Chinon ; je l’ai vue soit à Vaucouleurs, soit à la guerre, se confesser — ce qu’elle a eu fait jusqu’à deux fois par semaine — et recevoir l’Eucharistie. »

A Orléans, le matin de l’assaut des Tourelles, « a elle ouyt messe, se confessa et reçeut en moult grande dévotion le précieux, corps de Jésus-Christ ».

Jeanne d’Arc communiant avant la bataille.

En campagne, le chapelain de la Pucelle, frère Pasquerel, lui « chantera » chaque jour la messe : ce sera pour Jeanne comme un ressouvenir de son cher Domremy. Avant de courir sus aux Anglais, elle se munira de la sainte communion. Un chevalier racontera l’avoir vue, à Senlis, communier deux jours de suite en noble et haute compagnie, avec deux princes de sang- royal, le comte de Glermont et le duc d’Alençon.

« Quand elle allait par le païs, et venait aux bonnes villes, elle ne manquait pas de recevoir les sacrements de confession et de l’autel. »

Jeanne d’Arc communie à Compiègne.

L’une des privations dont la Pucelle souffrit le plus, pendant sa captivité de Rouen, fut de ne pouvoir entendre la messe. Dès la première séance du procès, elle avait requis de ses juges qu’ils lui en accordassent la permission ; plusieurs fois, durant le cours des interrogatoires, elle réitéra sa requête, souvent dans les termes les plus touchants. Jamais l’évêque de Beauvais ne voulut y consentir. Il permit qu’on lui portât la sainte communion le matin de son supplice ; mais aucun des nombreux témoignages recueillis sur les incidents de cette journée ne donne à entendre que le saint sacrifice ait été célébré, même ce jour-là, en présence de l’infortunée jeune fille, et qu’elle y ait assisté.

Ne pouvant amener ses juges à lui permettre d’entendre la messe et communier, la captive obtint quelque temps, du prêtre qui la conduisait de la prison à l’audience, un dédommagement inespéré. Moins impitoyable que le tribunal, Jean Massieu permit à Jeanne de s’arrêter dans la chapelle du château et d’y adorer, au pied du tabernacle, le Sauveur qu’elle ne pouvait recevoir sacramentellement. Un jour, cependant, la porte de la chapelle ne s’ouvrit pas : le promoteur d’Estivet avait remarqué la condescendance de Massieu et la lui avait brutalement reprochée. Massieu n’osant plus s’arrêter, la prisonnière, qui ne savait pas pourquoi, lui demandait, devant la porte de la chapelle : « Est-ce que le corps de Jésus-Christ n’y est pas ? »

Et quelle foi ardente, quelle énergie de conviction, quelle tendresse d’âme Jeanne apportait dans ses actes de religion et de piété ! « Toutes les fois qu’elle se confessait, elle fondait en larmes », rapportait son aumônier, l’excellent frère Pasquerel. Au témoignage du duc d’Alençon, « elle ne pouvait voir le corps du Sauveur sans être profondément émue et sans répandre des larmes abondantes ».

A Orléans, un chanoine de l’église Saint-Aignan, Pierre Compaing, la vit, lui aussi, « au moment de l’élévation, pleurer à chaudes larmes ».

Jeanne d’Arc communiant avant son martyre.

La petite église de Domremy fut certainement, plus d’une fois, témoin de ces pleurs que faisait jaillir des paupières de la jeune fille la confession de ses fautes et la vue de l’hostie consacrée. Ce n’est point dans le cours de ses faits de guerre et sous l’influence du milieu qu’elle y rencontrait que la Pucelle en était venue à ce degré de sensibilité religieuse ; un pareil état d’âme tenait à des habitudes datant de plus loin. Si le vénérable curé de Domremy, messire Guillaume Front, avait pu comparaître devant la Commission pontificale de 1456, il eût vraisemblablement déclaré avoir vu couler les larmes de sa jeune paroissienne dans les mêmes circonstances et aussi souvent que frère Pasquerel et le duc d’Alençon.

Extrait de : Histoire Complète de la Bienheureuse Jeanne D’Arc, Nouvelle Édition, Tome 1, par Philippe-Hector Dunand. 1912.

La maison natale de Jeanne d’Arc et l’église de Domremy après la seconde guerre mondiale (images noir et blanc) et des vues prises en décembre 2020.

Sainte-Radegonde Mère De La Patrie, Par Le Cardinal Pie (2)

Sainte Radegonde Reine de France

Sainte Radegonde Reine de France.

III.

« Radegonde, l’honneur des Francs, a méprisé la gloire du monde, et changé la pourpre royale pour le voile sacré ».
C’est notre chant des premières vêpres.

Oui, cette pauvre petite captive de Thuringe, venue dans le pays des Francs, en a été l’une des gloires les plus pures. Elle était douée des plus riches dons de la nature, dons extérieurs et dons de l’esprit. Les maîtres, les éducateurs de cette jeune fille crurent avoir fait merveille lorsque le roi de France, charmé de toutes les qualités de leur élève, l’appela à partager son trône et à présider avec lui aux destinées d’un grand royaume. Radegonde ne fut point éblouie. Elle avait donné son cœur à la sagesse divine ; elle préféra la sagesse aux royaumes et aux trônes ; elle considéra que les richesses n’étaient rien en comparaison d’elle ; elle n’eut pas même la pensée d’établir un rapport entre la sagesse et les pierres précieuses. L’or n’était à ses yeux qu’un peu de sable, l’argent n’était que de la boue. Pour ennoblir ce sable, pour purifier cette boue, elle les appliquait à des usages sacrés de piété et de charité. Elle aima la sagesse plus que la santé, plus que la beauté. Elle oubliait le soin de sa propre conservation ; nuit et jour elle se consumait, elle immolait sa vie au service de Dieu. Citée comme la plus belle des femmes du royaume, elle n’avait de souci que pour la beauté de son âme, elle ne voulait que la parure de la grâce et de la vertu. Si Clotaire lui faisait préparer des vêtements chargés d’or et de pierreries, elle trouvait le moyen de tromper les regards du royal époux ; et, sans les avoir portées même une seule fois, elle envoyait ces robes magnifiques aux églises voisines pour devenir la parure des autels, les ornements de la sagesse éternelle incarnée en Jésus-Christ et résidant dans l’Eucharistie.

Ainsi faisait Radegonde pendant qu’elle était sur le trône. Et ce n’était point assez à ses yeux. Ce trône, elle aspirait à en descendre. Trop de spectacles honteux ou douloureux y frappaient ses regards. Sitôt que la liberté lui en fut donnée, elle échangea la pourpre royale pour le voile sacré.

Mais, précisément parce qu’elle a méprisé la gloire mondaine, elle a mérité d’être davantage glorifiée. Parce qu’elle a quitté le royaume terrestre, elle a été mise en possession d’une royauté immortelle. La grandeur humaine meurt bientôt ; la grandeur de la sainteté va toujours s’élevant. Qui se souvient aujourd’hui de tant d’autres reines de France qui ont vécu dans les délices, dans les richesses, dans les honneurs, et qui sont mortes sur le trône ? Le temps n’a pas même respecté leur tombe, et personne ne songe à elles. Et voici qu’après treize cents ans, Radegonde est plus que jamais présente au souvenir de la nation.

Ce qu’un poète a dit d’un de nos monarques : « seul roi de qui le peuple ait gardé la mémoire », je le dirai avec bien plus de vérité de Radegonde. Certes, je n’entends pas diminuer la gloire de Clotilde, ni de Bathilde, ni de Jeanne de France, ni même la gloire de Blanche qui, si elle n’a pas eu les honneurs de la canonisation, porte sa tête toute rayonnante de l’auréole de son fils saint Louis. Mais pourtant Radegonde est demeurée plus populaire que toutes les autres. Seule de qui le peuple ait gardé la mémoire, seule à qui le peuple ait conservé son culte, sa confiance, son amour : autour de sa royale dépouille, chaque année la foule est plus compacte, les clients plus nombreux ; nos rues sont remplies, nos places sont couvertes ; le matin, avant le lever de l’aurore, les abords de l’église sont assiégés. Voilà ce que c’est d’avoir su échanger la pourpre contre la bure, le bandeau royal contre le voile sacré.

Sainte Radegonde de Poitiers souvenir du tombeau

Sainte Radegonde de Poitiers, Reine de France, Illustre et douce Mère, nous avons confiance en vous. Priez Pour Nous..

Souvenir de son tombeau. Carte postale début XXe siècle.

IV.

L’antienne des Laudes est celle-ci :
« La bienheureuse Radegonde, imitant la piété d’Hélène, soupira après la croix du Seigneur, et elle enrichit nos plages occidentales de ce gage de notre salut ».

Elle avait quitté son époux humain, le roi couronné d’un diadème terrestre ; en épousant un autre roi, le Roi couronné d’épines, elle avait épousé sa croix sans réserve. Or, elle avait conçu un dessein, elle nourrissait un désir qui allait s’enflammant toujours davantage. Elle qui portait la croix incessamment dans son cœur, et qui accomplissait dans son corps ce qui manque à la passion de Jésus, elle n’avait point de repos qu’elle n’eût obtenu un fragment de l’arbre du salut, un morceau du vrai bois de la croix, de ce bois détrempé et imprégné du sang rédempteur. L’empereur Justin se rendit à ses vœux.

Me demandez-vous ce qu’est devenu ce morceau de la vraie croix, cette portion, non pas la plus considérable, mais certainement la plus historique et la plus célèbre qui ait été apportée en Occident ? Mes Frères, nous la possédons toujours. Elle est toujours dans ce monastère de Radegonde auquel elle a donné son nom, dans l’antique et vénérable monastère de Sainte-Croix.

Des trésors de Clovis, de Clotaire, et du mobilier de toute la première race de nos souverains, que reste-t-il aujourd’hui ? A peine deux ou trois objets curieux, que les musées profanes conservent avec soin. Le trésor de Radegonde a eu un meilleur sort ; le musée sacré de ses filles nous montre le pupitre de bois pieusement sculpté, sur lequel elle posait son livre pour étudier et pour prier ; la croix de métal avec laquelle elle imprimait les stigmates de Jésus-Christ sur sa chair ; et, non loin de là, la coupe ou le calice en corne dans lequel elle s’abreuvait d’eau pure ou de la boisson vulgaire des pauvres ; enfin l’émail byzantin qui forme l’encadrement immédiat de la relique telle qu’elle a été envoyée d’Orient.

La dynastie mérovingienne a disparu depuis plus de mille ans. La postérité de sainte Radegonde vit encore, et nous avons la confiance que la royale abbaye, n’ayant pas survécu en vain à tant de causes de ruine, verra toujours se grouper autour du bois sacré une élite de vierges et de veuves jalouses d’être comptées parmi les filles spirituelles de la sainte Reine. Il est vrai, après avoir été pendant douze siècles le plus riche et le plus glorieux entre les monastères, il est compté parmi les plus humbles. Qu’importe, s’il a conservé la richesse de ses traditions et les sentiments qu’elles inspirent ?

Enfin, les chants guerriers ou patriotiques de nos origines nationales, on les a perdus, ou l’on n’en possède que des débris. Les hymnes de Fortunat, les chants de Radegonde, composés pour l’arrivée et la réception de la vraie croix dans nos murs, l’Église universelle les chante encore, les chantera jusqu’à la fin des siècles. Dans toute l’étendue de la Catholicité, toutes les fois qu’il s’agit de célébrer l’étendard du Roi, et le grand combat de la vie contre la mort, ce sont nos hymnes poitevines qui sont sur toutes les lèvres. Monuments impérissables, qui rattachent à l’histoire générale de l’Église et de sa liturgie le fait célébré dans notre antienne : « La bienheureuse Radegonde, rivalisant avec la piété d’Hélène, soupira après la croix du Sauveur, et enrichit notre Occident de gage du salut. »

Extrait de : Discours Adressé dans l’Église de Sainte-Radegonde de Poitiers aux Pèlerins de Paris, le 17 Août 1874, par le Cardinal Louis-Édouard Pie.

Portrait de Saint Louis (1ère Partie)

Saint Louis portrait authentique

Saint-Louis , Roi de France (1226-1270).
Portrait authentique d’après une statue du XIIIe siècle,
Église de Maineville (Eure).

Quelle que soit l’attention que l’on accorde à la vie publique de saint Louis, il est impossible de bien comprendre son règne si l’on néglige d’étudier sa vie privée et son caractère personnel. Après avoir passé en revue les principaux actes de son gouvernement, après avoir apprécié toute l’activité qu’il apportait dans la tâche complexe de l’administration intérieure et de la direction des affaires du dehors, on se pose naturellement cette question : Comment un prince si occupé des devoirs de la souveraineté pouvait-il être réellement un saint ? Et comment, d’un autre côté, les devoirs de piété, qui absorbaient une si grande part de son temps, lui permettaient-ils d’être un roi dans toute la force du terme ?

Cette objection n’est pas nouvelle. Ses contemporains la lui faisaient déjà à lui-même, et il leur donnait une réponse qui dénote une profonde connaissance du cœur humain en général, et de celui des courtisans en particulier. Plusieurs seigneurs, raconte le confesseur de la reine, trouvaient qu’il entendait trop de messes et de sermons ; le plus souvent, en effet, il assistait à deux et même à trois ou quatre messes par jour. Ces murmures étant parvenus à son oreille, il ferma la bouche à ses barons en leur disant qu’il était maître de ses actes, et que, s’il lui eût plu de passer le double de temps à jouer aux palettes ou à courir le gibier dans les forêts, nul d’entre eux n’aurait eu l’idée de lui en faire un reproche. Effectivement, quand certains de ses descendants consacreront leurs journées entières aux plaisirs de la chasse ou à la volupté, leur entourage n’y trouvera point à redire, bien au contraire. Il est dans la nature de l’homme de ne pas aimer que son supérieur lui soit trop supérieur ; si saint Louis se fût abaissé au niveau des intelligences et des cœurs vulgaires, il eût sans doute reçu les encouragements de ceux qui ne pouvaient atteindre à sa hauteur. Il ne se fût pas entendu adresser un jour, par une bonne femme de Paris, cette apostrophe singulière : « Ce n’est pas là le roi qu’il nous faut ; il n’est bon qu’à porter le capuchon. »

On aurait tort, du reste, de voir dans une parole aussi malséante l’écho de l’opinion publique de son temps. Au contraire, il inspirait une vénération si universelle, que l’on cherche vainement, chez les écrivains, chez les orateurs, la plus petite trace de malveillance à son égard. On ne parle de lui dans la chaire que pour louer sa charité, sa simplicité, sa piété, fait d’autant plus remarquable, qu’il règne alors parmi les prédicateurs une liberté de critique, une vivacité d’allure n’épargnant aucun personnage, ecclésiastique ni laïque. On cite ses belles paroles, on raconte ses exploits et les conversions opérées par son exemple chez les Sarrasins. Mais, tandis que les prélats, les grands, les princes les plus élevés, sont l’objet d’une censure qui tend plutôt à l’exagération qu’aux ménagements, lui n’offre aucune prise aux médisances ni aux allusions malignes. On ne plaisante jamais à son sujet comme au sujet de son aïeul Philippe-Auguste, par exemple, qui pourtant s’était rendu assez redoutable. Et ce n’est pas seulement parce qu’il est le roi régnant ; c’est parce que la grandeur de son caractère communique à la royauté je ne sais quel prestige nouveau ; c’est qu’il est personnellement aimé et respecté, et que l’amour et le respect sont plus forts que la crainte. La preuve, c’est qu’après sa mort l’expression du sentiment public ne change point ; loin de là, ses sujets le proclament saint à l’avance ; ils prient pour le salut de son âme, « quoiqu’elle n’en ait pas besoin, » disent les formules ; ils lui décernent d’une voix unanime cette brillante auréole qui ne fera que grandir aux yeux de la postérité.

Quant à l’opinion de l’étranger, elle est absolument la même. Jusque dans les contrées les plus reculées, jusqu’au fond de l’Orient, on vante sa vertu et sa puissance. Pour le chef des Tartares il est, à tous les points de vue, le plus grand prince de la chrétienté ; et pour les chrétiens d’Asie il est, de son vivant même, le saint roi. […]

Je ne saurais entreprendre ici le tableau complet des qualités si variées qui lui valurent cette renommée universelle. On trouvera dans les historiens du temps des centaines de traits édifiants sur sa piété, sa modestie, sa bonté, sa charité et ses autres vertus. Je ne m’arrêterai qu’à ce qu’il y avait d’original dans sa manière de les pratiquer, à ce qui fait, en un mot, le charme particulier de sa figure. Je voudrais surtout montrer à quel point cette alliance de la sainteté et de l’esprit politique, qui étonne certains esprits, était naturelle et profonde chez lui. Je voudrais que l’on comprit qu’il fut un grand roi parce qu’il fut un grand saint. C’est là, en effet, le motif qui me fait clore par quelques considérations sur sa vie intime cette série d’études consacrées à son action sur le monde ; nous remontons ainsi de l’effet à la cause, et nous pénétrons jusqu’à la source mystérieuse d’où sa gloire a découlé ; enseignement salutaire s’il en fut, car il apprend à tous, gouvernants et gouvernés, que les vertus privées engendrent les vertus publiques, et que la meilleure recette pour faire de bons princes est de faire de bons chrétiens.

Extrait de : Saint Louis, Son Gouvernement et Sa Politique, par Albert Lecoy de La Marche, 1887.

A suivre…

La Piété par Mgr de Ségur

Image pieuse de la Maison Bouasse-Lebel.

La vraie Piété est une grande richesse. Elle cache des biens au-dessus de ce monde : la grâce de Dieu, son amitié, ses bénédictions et la vie éternelle.

Mgr Louis-Gaston de Ségur (1820-1881).

Recueil d’Exemples du Catéchisme de l’Abbé Spirago : l’Angélus

Le Chrétien est tenu de professer publiquement sa Foi.

L’Angélus au commencement d’une représentation théâtrale.

Courage Jésus premier de cordée
Courage car Il est notre premier de cordée. Image scoute.

Lorsque Mgr Sailer, évêque de Ratisbonne (+1832), n’était encore que professeur d’ Université, on donna un jour une représentation scolaire en son honneur à Kaufbeuern.

Le rideau se leva, et une petite fille de dix ans, chargée du rôle principal, apparut sur la scène, attirant l’attention de tous les spectateurs. A ce moment l’Angélus sonna, appelant les chrétiens à la prière, et la petite fille sans aucun respect humain dit à l’assemblée : « Ne serait-ce pas le cas de dire l’Angélus avant de commencer ? » Aussitôt elle s’agenouilla et récita sa prière. Quelques spectateurs se mirent à rire, mais la plupart furent vivement touchés du courage de cette enfant ; Sailer lui-même pleura d’émotion. La petite joua ensuite avec tant de perfection qu’elle fut applaudie avec enthousiasme.

A la fin de la pièce, Sailer fit venir l’enfant, lui donna un cadeau et lui dit : « Mon enfant, tu as admirablement joué ton rôle, et par la profession courageuse de ta piété tu nous a donné à tous un exemple très édifiant. Continue à toujours agir ainsi ! Dieu sera avec toi et te rendra heureuse. » — Les Catholiques devraient souvent réfléchir aux mahométans qui ne craignent pas, même en pleine place publique, de faire devant tout le monde les prières prescrites.

Extrait de : Recueil d’Exemples Appliqués au Catéchisme Populaire, par l’Abbé François Spirago, 3ème édition.