Servilité et Concessions

Ce passage est extrait de la lettre ouverte de Jean-Pierre Maugendre, directeur général de Renaissance Catholique à Monseigneur Aupetit :

Bien franchement vous donnez à de nombreux fidèles la pénible impression de n’être que, pardonnez-moi l’expression, « le petit télégraphiste » de M. Darmanin, dans une obéissance servile aux autorités politiques qui n’est, malheureusement, pas nouvelle. La tradition est ancienne. Ainsi, au moment des lois de séparation de l’Église et de l’État, Mgr Turinaz, évêque de Nancy, fustigeait : « les catholiques qui sont dominés et aveuglés par une double passion, la passion de la servitude envers l’État et la passion des concessions perpétuelles et universelles ». (Cité par Jean Sévillia in Quand les catholiques étaient hors la loi, p.213). Je vous confesse, bien simplement, ne pas avoir un respect quasi religieux pour les lois de la République. Ce sont les lois de la République qui ont programmé le génocide vendéen, confisqué les biens de l’Église, expulsé les religieux, et qui aujourd’hui légalisent 200 000 avortements par an, l’IMG [interruption médicale de grossesse] jusqu’à la naissance, la distribution gratuite de pilules contraceptives aux mineures, etc. Sans doute pourrez-vous comprendre que tous ces faits créent une certaine distanciation avec la sacralité de la loi républicaine. »

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Justice, Charité, et Aumône

Image pieuse aumône de la pauvre veuve

Je vous dis en vérité que cette pauvre veuve a plus donné que
tous ceux qui ont mis dans le tronc (St Marc, XII, 43).
Dieu inscrit dans le livre de Vie l’Aumône du Pauvre. Elle prend à ses yeux

un Mérite infini, car elle est puisée dans le Sacrifice (Th. Ratisbonne).
Image de la Maison Bouasse-Lebel.

La fin de tous les gouvernements de la terre, a dit Bossuet, c’est de rendre la vie commode et les peuples heureux, A plus forte raison, sont-ils tenus de contribuer à la subsistance des citoyens moins aisés par les moyens légitimes qui sont à leur disposition. Mais ce serait nous tromper grossièrement nous-mêmes, de croire que nous avons accompli le précepte évangélique de l’aumône, quand une ordonnance administrative a prélevé sur les fonds de l’État, ou sur les ressources particulières d’une province ou d’une ville, une somme quelconque à répartir entre les pauvres, pour leur rendre plus accessibles les aliments de première nécessité.

Outre l’insuffisance bien démontrée de semblables secours, il est un point de la plus haute gravité qu’il importe de ne jamais perdre de vue; c’est que la substitution absolue de l’aumône publique à l’aumône individuelle serait la destruction complète du christianisme, et l’atteinte la plus considérable au principe de la propriété. Le christianisme n’existe pas sans la charité ; et la distinction fondamentale entre la charité et la justice, c’est que la dette de justice est celle qui peut être exigée ou par le recours aux lois, ou par le recours à la force, selon les circonstances, tandis que la dette de la charité ne peut être commandée par aucun tribunal que par celui de Dieu et de la conscience.

Or, si l’assistance à donner aux pauvres devient une des charges du fisc, dès lors l’assistance ne procède plus de la charité, mais de la justice, puisque la contribution fiscale est une dette rigoureuse des citoyens. Et l’histoire nous apprend, à cet égard, qu’un des plus grands malheurs qui puissent fondre sur une nation, c’est que la charité y perde son véritable caractère, et qu’une cruelle nécessité, résultant de l’affaiblissement de la foi religieuse et de la rareté de l’aumône volontaire, la dénature et la transforme en un impôt forcé. Car, dès lors, tout le plan providentiel de Dieu est renversé. L’aumône n’étant plus libre, ne procédant plus d’un mouvement du cœur, perd à peu près entièrement son mérite devant Dieu, et ne devient plus pour le riche le canal de la grâce divine et l’instrument le plus assuré du salut. Mais l’aumône ainsi faite cesse aussi d’être méritoire aux yeux de la plupart de ceux qui la reçoivent. Bientôt ils murmureront les mots de droit à l’assistance, de droit au travail. Le lien d’amour qui rattachait le pauvre au riche étant rompu, tout sentiment de reconnaissance disparaît. La pauvreté devient une sorte de fonction publique, moins rétribuée que les autres, mais qui attend fièrement l’échéance de son traitement… Ah! que de considérations n’aurions-nous pas à vous présenter à ce sujet ! La prudence nous retient ; mais réfléchissez-y, et vous verrez qu’en dehors du christianisme et de la charité qu’il proche et qu’il inspire, bon gré mal gré, vous courez de mille manières à cet abîme du socialisme que vous redoutez tant. Laissez-nous donc vous prêcher l’aumône, et ne nous taxez point d’imprudence quand nous traitons ce sujet à notre manière, c’est-à-dire conformément aux doctrines de l’Évangile. Car, comment vous exhorterions-nous à donner, si nous ne reconnaissions en même temps votre droit à posséder ? Quand nous vous excitons à la charité, nous vous demandons une offrande volontaire, et, par là même, nous sanctionnons vos titres sacrés de propriété. Il est vrai que l’indigent a un droit général sur les biens que la libéralité divine vous a départis ; mais, en regard de ce droit indéfini, Dieu vous a donné à vous-mêmes un droit réel et absolu, un droit dans l’exercice duquel vous ne devez compte qu’à lui-même et vous ne relevez que de sa souveraine et éternelle justice. Voilà les principes inséparables de notre doctrine sur l’aumône.

De grâce, que le sentiment de la conservation et le seul instinct de la propriété vous inspirent donc si bien désormais dans l’exercice spontané de la charité évangélique, que vous puissiez prévenir pour toujours l’horrible calamité de la taxe légale, vers laquelle la dureté d’un grand nombre de cœurs semble nous faire marcher à grands pas, et qui serait à la fois le renversement de la société chrétienne et l’anéantissement de vos plus chers intérêts. »

Instruction pastorale sur l’Aumône, Carême 1854, par le Cardinal Louis-Édouard Pie.