Seizième Exhortation de Saint Jean-Marie Vianney, Curé d’Ars : Le Paradis

Saint Jean-Marie Vianney chaâse corps Ars
Châsse de Saint Jean-Marie Vianney dans la basilique de Ars.

« Bienheureux, Seigneur, sont ceux qui habitent dans votre maison ! »

Habiter dans la maison du bon Dieu, jouir de la présence du bon Dieu, être heureux du bonheur du bon Dieu, ah ! quel bonheur, mes enfants ! qui pourra comprendre toute la joie et la consolation dont les saints s’enivrent dans le paradis ?

Saint Paul qui a été ravi jusqu’au troisième Ciel, nous dit qu’il se passe là haut des choses qu’il ne peut nous révéler et que nous ne pouvons pas comprendre…

En effet, mes enfants, nous ne pourrons jamais avoir une juste idée du Ciel que lorsque nous y serons : c’est un trésor caché, c’est une abondance de douceurs secrètes, c’est une plénitude de joie qu’on peut sentir, mais que notre pauvre langue ne peut expliquer. Que peut-on imaginer de plus grand : le bon Dieu lui-même sera notre récompense : Mon Dieu, le bonheur que vous nous promettez, est tel que les yeux de l’homme ne peuvent le voir, ses oreilles l’entendre, et son cœur le concevoir.

Oui, mes enfants, le bonheur du Ciel est incompréhensible, c’est le dernier effort de la puissance du bon Dieu qui veut nous récompenser. Dieu étant admirable dans toutes ses œuvres, le sera aussi quand il s’agira de récompenser les bons chrétiens, qui auront fait consister leur bonheur dans la possession du Ciel. Cette possession renferme tous les biens, exclut tous les maux ; le péché étant éloigné du Ciel, toutes les peines et les misères qui en sont la suite, seront également bannies. Plus de morts ! le bon Dieu sera en nous le principe de la vie immortelle. Plus de maladies, plus de tristesse, plus de douleurs, plus de chagrins. Vous qui êtes affligés, réjouissez-vous, vos pleurs et vos craintes, ne s’étendront pas au-delà du tombeau…

Le bon Dieu essuiera lui-même vos larmes ! Réjouissez-vous, vous que le monde persécute. Vos peines seront bientôt passées, pour un moment de tribulations vous aurez au Ciel un poids immense de gloire. Réjouissez-vous, car vous possédez tous les biens ensemble, la source de tous les biens, le bon Dieu même.

Peut-on être malheureux, quand on est avec le bon Dieu, quand on est heureux du bonheur du bon Dieu, du bon Dieu même, quand on voit le bon Dieu comme il se voit lui-même ! Comme le dit saint Paul, mes enfants, nous verrons le bon Dieu face à face, parce qu’alors il n’y aura plus de voile entre lui et nous. Nous le posséderons sans inquiétude, car nous ne craindrons plus de le perdre. Nous l’aimerons sans interruption et sans partage, parce que lui seul occupera tout notre cœur.

Nous en jouirons sans dégoût, parce que nous découvrirons toujours en lui de nouvelles perfections, et à mesure que nous pénétrerons dans cet abîme immense de sagesse, de bonté, de miséricorde, de justice, de grandeur et de sainteté, nous nous y porterons avec une nouvelle ardeur.

Si une consolation intérieure, si une grâce du bon Dieu nous fait goûter tant de plaisirs en ce monde, qu’elle diminue nos peines, qu’elle nous aide à supporter nos croix, qu’elle donne à tant de martyrs la force de souffrir les plus cruels tourments !

Que sera le bonheur du Ciel, où les consolations, les délices, ne se donnent pas goutte à goutte, mais par torrents !

Représentons-nous, mes enfants, un jour éternel et toujours nouveau, un jour toujours serein, toujours calme, la société la plus délicieuse, la plus parfaite. Quelle joie, quel bonheur, si nous pouvions posséder sur la terre, pendant quelques minutes seulement, les anges, la sainte Vierge, Jésus-Christ ! Dans le Ciel ce ne sera pas seulement la sainte Vierge, Jésus-Christ, que l’on verra éternellement ; ce sera le bon Dieu lui-même ! nous ne le verrons plus à travers les ténèbres de la foi ; mais à la clarté du jour, dans toute sa majesté…

Quel bonheur de voir ainsi le bon Dieu ! les anges le contemplent, depuis le commencement du monde, et ils ne s’en rassasient pas ; ce serait pour eux le plus grand malheur que d’en être privés un seul instant. La possession du Ciel seul, mes enfants, ne peut jamais causer du dégoût ; on possède le bon Dieu, l’auteur de toutes les perfections. Voyez : plus on possède le bon Dieu, plus il plaît ; plus on de connaît, plus sa connaissance a de charmes et d’attraits. On le verra toujours, et on désirera toujours le voir ; on goûtera toujours le plaisir qu’il y a de jouir du bon Dieu, et on n’en sera jamais rassasié…

Les bienheureux seront enveloppés dans l’immensité divine, nageront dans les délices et en seront tout investis, comme enivrés…. Voilà le bonheur que le bon Dieu nous destine.

Nous pouvons tous, mes enfants, acquérir ce bonheur. Le bon Dieu veut le salut de tout le monde ; il nous a mérité le Ciel par sa mort et par l’effusion de tout son sang. Quel bonheur de pouvoir dire : Jésus-Christ est mort pour moi, Jésus-Christ m’a ouvert le Ciel, c’est mon héritage… Jésus m’a préparé une place, il ne tient qu’à moi d’aller l’occuper. Le bon Dieu nous a donné la foi et avec cette vertu nous pouvons arriver à la vie éternelle. Car, quoique le bon Dieu veuille le salut de tous les hommes, il veut cependant particulièrement celui des chrétiens qui croient en lui.

Remercions donc le bon Dieu, mes enfants ; réjouissons-vous, nos noms sont écrits dans le Ciel comme ceux des apôtres. Oui, ils sont écrits dans le livre de vie ; si nous voulons, ils y seront pour toujours, puisque nous avons les moyens d’arriver au Ciel.

Le bonheur du Ciel, mes enfants, est facile à acquérir, le bon Dieu nous a fourni tant de moyens. Voyez : il n’y a pas une créature qui ne nous fournisse le moyen d’arriver vers le bon Dieu ; s’il en est quelques-unes qui deviennent un obstacle, ce n’est que par l’abus que nous en faisons. Les biens, les misères de cette vie, les châtiments mêmes dont le bon Dieu se sert pour punir nos infidélités servent à notre salut. Le bon Dieu, comme le dit saint Paul, fait tout tourner au bien de ses élus ; il n’est pas jusqu’à nos fautes qui ne puissent nous être utiles : les mauvais exemples, les tentations. Job s’est sauvé au milieu d’un peuple idolâtre. Tous les saints ont été tentés. Si ces moyens, dans les mains du bon Dieu, sont des secours pour parvenir au Ciel, que sera-ce, si nous avons recours aux sacrements, à cette source intarissable de tous les biens, à cette fontaine de grâce alimentée par le bon Dieu lui-même. Il était facile aux disciples de Jésus de se sauver, ayant sans cesse ce divin Sauveur avec eux. Nous est-il plus difficile à nous d’acquérir le salut, l’ayant sans cesse avec nous ? ils étaient heureux d’obtenir ce qu’ils souhaitaient, ce qu’ils voulaient : le sommes-nous moins ? Nous possédons Jésus-Christ dans l’Eucharistie, il est continuellement au milieu de nous, il est disposé à nous accorder ce que nous lui demanderons, il nous attend : il ne s’agit que de demander.

Eucharistie Paradis de la Terre
L’Eucharistie, Paradis de la Terre.

Oh ! mes enfants, le pauvre sait exposer ses besoins aux riches : n’accusons donc que notre indifférence si nous manquons de secours et de grâces. Si un ambitieux, si un avare avait autant de moyens de s’enrichir, hésiterait-il un instant, laisserait-il échapper une occasion si favorable ? Hélas ! on fait tout pour ce monde et rien pour l’autre ! Que de travaux, que de peines, que de soucis, que de chagrins pour amasser un peu de fortune ! Voyez, mes enfants, à quoi nous servent nos biens périssables. Salomon, le plus grand, le plus riche, le plus heureux des rois, disait au milieu de la fortune la plus éclatante : « J’ai reconnu, j’ai senti qu’il n’y a que vanité et qu’affliction d’esprit dans ce monde. » Et ce sont là les biens pour l’acquisition desquels on travaille tant, tandis que l’on ne pense point aux biens du Ciel ! Quelle honte pour nous de ne pas travailler à l’acquérir et de négliger tant de moyens d’y parvenir ! Si le figuier est jeté au feu pour n’avoir pas profité des soins qu’on avait pris de le rendre fertile ; si le serviteur peu industrieux est réprouvé pour avoir enfoui le talent qu’il avait reçu, quel sort nous attend, nous qui avons si souvent abusé des secours qui auraient pu nous conduire au Ciel… Si nous avons abusé des grâces que le bon Dieu nous a faites, hâtons-nous de réparer le passé par une grande fidélité, et tâchons d’acquérir des mérites dignes de la vie éternelle.

Extrait de : Ars ou le Jeune Philosophe Redevenu Chrétien Renfermant Seize Exhortations ou Catéchismes du Curé d’Ars, auteur anonyme, 1851.

Quinzième Exhortation de Saint Jean-Marie Vianney, Curé d’Ars : Sur l’Amour de Dieu

Saint Vianney curé d'Ars bonheur d'aimer Dieu

« Le seul bonheur c’est d’aimer Dieu et de savoir que
Dieu nous aime. » Saint Jean-Marie Vianney, curé d’Ars.

Si diligitis me, mandata mea servate.
Si vous m’aimez, observez mes commandements.

« Rien de si ordinaire parmi les Chrétiens que de dire mon Dieu, je vous aime, et rien de plus rare peut-être que l’amour du Bon Dieu. Contents de produire extérieurement des actes de charité auxquels souvent notre pauvre cœur n’a aucune part, nous croyons avoir rempli toute l’étendue du précepte. Erreur, illusion ; car, voyez, mes enfants : Saint Jean dit que nous n’aimions pas le bon Dieu en paroles, mais en œuvres. Notre Seigneur Jésus-Christ dit aussi : Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole.

Si nous jugeons d’après cette règle, il y a bien peu de Chrétiens qui aiment vraiment Dieu, puisqu’il y en a si peu qui observent ses commandements.

Cependant rien de plus essentiel que l’amour du Bon Dieu. C’est la première de toutes les vertus, vertu si nécessaire que sans elle, nous n’entrerons jamais dans le ciel, et c’est pour aimer le bon Dieu que nous sommes sur la terre. Quand même le Bon Dieu ne nous le commanderait pas, ce sentiment nous est si naturel que notre cœur devrait s’y porter de lui-même.

Mais le malheur est de prodiguer notre amour à des objets qui en sont toujours indignes et de le refuser à celui seul qui mérite infiniment d’être aimé. Ainsi, mes enfants, l’un aimera les richesses, l’autre aimera les plaisirs, et tous deux n’offriront au bon Dieu que les restes languissants d’un cœur consumé pour le monde. De là amour insuffisant, amour partagé et par là même indigne du bon Dieu, car lui seul étant infiniment au-dessus de tous les biens crées, mérite que nous l’aimions par-dessus toutes choses : plus que nos biens, parce qu’ils sont terrestres ; plus que nos amis, parce qu’ils sont mortels ; plus que notre vie, parce quelle est périssable ; plus que nous-mêmes, parce que nous lui appartenons. Notre amour, mes enfants, s’il est véritable, doit être sans borne et doit influer sur notre conduite.

Si le Sauveur du monde s’adressant aujourd’hui à chacun de nous en particulier nous faisait la même demande qu’il fit autrefois à saint Pierre : Simon, fils de Jean, m’aimez-vous ? Pourrions-nous lui répondre avec autant d’assurance que ce grand apôtre : Oui, Seigneur, vous savez que je vous aime : Domine, tu scis quia amo te. Nous avons peut-être prononcé ces paroles sans en comprendre le sens ni l’étendue ; car, mes enfants, aimer le Bon Dieu, ce n’est pas seulement dire de bouche : mon Dieu, je vous aime ! Hé ! Quel est le pécheur qui ne tienne quelquefois ce langage ! Aimer le Bon Dieu, ce n’est pas seulement ressentir de temps en temps quelques mouvements de tendresse pour Dieu ; cette sensibilité n’est pas toujours en notre pouvoir. Aimer le Bon Dieu, ce n’est pas être fidèle à accomplir une partie de nos devoirs et négliger l’autre. Le Bon Dieu ne veut point de partage. Vous aimerez le Seigneur votre Dieu de tout votre cœur, de toute votre âme, de toutes vos forces. Voilà jusqu’où s’étend le commandement de l’amour de Dieu. Aimer Dieu de tout son cœur, c’est le préférer à tout, en sorte que nous soyons prêts à perdre nos biens, notre honneur, notre vie plutôt que d’offenser ce bon maître. Aimer le Bon Dieu de tout son cœur, c’est n’aimer rien de compatible avec l’amour de Dieu ; c’est n’aimer rien qui partage notre cœur avec le bon Dieu ; c’est renoncer à toutes nos passions, à nos désirs déréglés. Est-ce ainsi, mes enfants, que nous aimons le Bon Dieu ?…

Aimer le Bon Dieu de tout son esprit, c’est lui faire le sacrifice de ses lumières et de sa raison pour croire tout ce qu’il nous a enseigné. Aimer le Bon Dieu de tout son esprit, c’est penser souvent à lui et faire sa principale étude de le bien connaître.

Aimer le bon Dieu de toutes ses forces, c’est employer ses biens, sa santé, ses talents à le servir, à le glorifier. C’est lui rapporter toutes nos actions, comme à notre dernière fin. Encore une fois est-ce ainsi que nous aimons le Bon Dieu ? À en juger d’après cette règle invariable, qu’il y a peu de Chrétiens aimant véritablement Dieu !

Aiment-ils le Bon Dieu, ces mauvais chrétiens qui sont esclaves de leurs passions ? Aiment-elles le Bon Dieu, ces personnes mondaines qui ne cherchent qu’à flatter leur corps et à plaire au monde ? Dieu est-il aimé de l’avare, qui le sacrifie pour un vil intérêt ? Est-il aimé de ce voluptueux qui s’abandonne aux vices les plus opposés à l’amour divin ? Est-il aimé de cet homme qui ne pense qu’au vin, qu’à la bonne chère ? Est-il aimé de cet autre, qui conserve de l’aversion pour son prochain et ne veut point lui pardonner ? Est-il aimé de cette jeune personne du sexe qui n’aime que les plaisirs et ne pense qu’au luxe, à la vanité ? Non, non, mes enfants, toutes ces personnes n’aiment pas le Bon Dieu ; car nous devons l’aimer d’un amour de préférence, d’un amour agissant !…

Si nous aimons mieux offenser le Bon Dieu que de nous priver d’une satisfaction passagère, que de renoncer à ces fréquentations criminelles, à ces passions honteuses, nous n’aimons pas le Bon Dieu d‘un amour de préférence, puisque nous aimons mieux nos plaisirs, nos passions que le Bon Dieu lui-même. Descendons au dedans de nous ; interrogeons nos cœurs mes enfants, et voyons si nous n’aimons pas quelque créature plus que le Bon Dieu. Il est permis d’aimer ses parents, ses biens, sa santé, sa réputation ; mais cet amour doit être subordonné à l’amour que nous devons avoir pour Dieu, en sorte que nous soyons disposés à en faire le sacrifice s’il l’exigeait !

Pouvez-vous croire que vous êtes dans ces dispositions, vous qui regardez le péché mortel comme une bagatelle qui le gardez tranquillement sur la conscience des mois, des années, quoique vous sachiez que cet état déplaît souverainement au Bon Dieu ? Pouvez-vous croire que vous aimez le Bon Dieu, vous qui ne faites point d’effort pour vous corriger, vous qui ne voulez vous priver de rien, vous qui offensez le Créateur chaque fois que vous en trouvez l’occasion ? Oui, mes enfants, ce que l’avare aime de tout son cœur, c’est l’argent ; ce que l’ivrogne aime de tout son cœur c’est le vin ; ce que le libertin aime de tout son cœur, c’est l’objet de sa passion. Vous, jeunes filles, vous aimez mieux offenser Dieu que de renoncer à vos ajustements, à vos vanités. Vous dites que vous aimez Dieu ; dites plutôt que vous vous aimez vous-mêmes. Non, non, mes enfants, ce n’est pas ainsi que l’on aime le Bon Dieu, car il faut non-seulement l’aimer d’un amour de préférence, mais encore d’un amour agissant. L’amour, dit Saint Augustin, ne saurait demeurer sans l’action constante de l’âme.

Oui, dit ce grand saint : « Cherchez un amour qui ne se manifeste point par les œuvres, vous n’en trouverez point. » Hé quoi ! N’y aurait-il, ô mon Dieu, que votre amour qui fut stérile, et ce feu divin qui devrait embraser l’univers, serait-il sans action, sans forces !

Lorsque vous aimez une personne, vous lui marquez plus ou moins d’affection selon que l’ardeur de votre amour pour elle est plus ou moins grand. Voyez, mes enfants, ce qu’ont fait les saints qui étaient tout remplis de l’amour du Bon Dieu : rien ne leur coûtait ; ils faisaient avec joie les plus grands sacrifices ; on les voyait distribuer leurs biens aux pauvres, rendre service à leurs ennemis, mener une vie dure et pénitente, s’arracher aux plaisirs du monde, aux commodités de la vie pour s’ensevelir tout vivants dans la solitude ; ils couraient aux tourments et à la mort comme on court à un festin. Voilà les effets que l’amour du Bon Dieu produisait dans les saints ; voilà ce qu’il devrait produire en nous. Mais, mes enfants, nous ne sommes pas pénétrés de l’amour du Bon Dieu ; nous n’aimons pas le Bon Dieu. Peut-on dire, en effet, que Celui-là aime le Bon Dieu, qui s’effraie si facilement, et que les moindres difficultés rebutent ? Hélas ! Que serions-nous devenus si Jésus-Christ ne nous eût aimés que comme nous l’aimons ? Mais non ; triompher des douleurs de la Croix, des rigueurs de la mort, de la honte des supplices les plus ignominieux : rien ne lui coûte lorsqu’il s’agit de nous prouver qu’il nous aime. Voilà notre seul modèle ! Si notre amour est agissant, il se manifestera par les œuvres qui en seront les effets, parce que l’amour du Bon Dieu n’est pas seulement un amour de préférence, mais une pieuse affection, un amour d’obéissance qui nous fasse pratiquer ses commandements, un amour agissant qui nous fasse remplir tous nos devoirs de bon chrétien.

Voilà, mes enfants, l’amour que Dieu demande de nous, et qu’il mérite à tant de titres, qu’il a acheté par tant de bienfaits, dont il nous a comblés en mourant pour nous sur une croix. Quel bonheur, mes enfants, d’aimer le Bon Dieu ! Il n’y a point de joie, point de félicité, point de paix dans le cœur de ceux qui n’aiment pas le Bon Dieu sur la terre ; nous désirons le ciel, nous y aspirons ; mais, pour y parvenir sûrement. commençons à aimer le Bon Dieu ici-bas, afin de pouvoir l’aimer, le posséder éternellement dans son Saint Paradis !…..

Extrait de : Ars ou le Jeune Philosophe Redevenu Chrétien Renfermant Seize Exhortations ou Catéchismes du Curé d’Ars, auteur anonyme, 1851.

Quatorzième Exhortation de Saint Jean-Marie Vianney, Curé d’Ars : Sur la Prière

Image pieuse vianney joannes maria

Saint Jean-Marie Vianney Priez Pour Nous.

Notre catéchisme nous apprend, mes enfants, que la prière est une élévation, une application de notre esprit et de notre cœur à Dieu pour lui exposer nos besoins et lui demander son secours.

Nous ne voyons pas le bon Dieu, mes enfants ; mais il nous voit ; il nous entend, il veut que nous élevions vers lui ce qu’il y a de plus noble en nous, notre esprit et notre cœur. Lorsque nous prions avec attention, avec humilité d’esprit et de cœur, nous quittons la terre, nous montons au ciel, nous pénétrons dans le sein de Dieu, nous allons nous entretenir avec les anges et les saints.

C’est par la prière que les saints sont arrivés au ciel ; c’est aussi par la prière que nous y arriverons. Oui, mes enfants, la prière est la source de toutes les grâces, la mère de toutes les vertus, le moyen efficace et universel par lequel Dieu veut que nous arrivions à lui.

Il nous dit : « Demandez et vous recevrez, » il n’y a que Dieu qui puisse faire de semblables promesses et les tenir. Voyez : le bon Dieu ne nous dit pas : Demandez telle ou telle chose, je vous l’accorderai ; mais il nous dit d’une manière générale : Tout ce que vous demanderez en mon nom, mon Père vous l’accordera.

Oh ! Mes enfants, cette promesse ne devrait-elle pas nous remplir de confiance et nous faire prier avec ardeur, tous les jours de notre pauvre vie ? Ne devrions-nous pas rougir de notre paresse, de notre indifférence pour la prière, quand notre divin Sauveur, le dispensateur de toutes les grâces, nous en a donné de si touchants exemples ; car vous savez que l’évangile nous dit qu’il priait souvent, qu’il passait même les nuits en prière ? Sommes-nous aussi justes, aussi saints que ce divin Sauveur ? N’avons-nous point de grâces à demander ? Rentrons en nous mêmes ;  voyons : les besoins continuels de notre âme et de notre corps ne nous avertissent-ils pas de recourir à celui qui peut y remédier ? Que d’ennemis à vaincre ! Le démon, le monde, et nous-mêmes. Que de mauvaises habitudes à détruire ! Que de passions à réprimer ! Que de péchés à expier ! Dans une situation si affreuse et si pénible, que nous reste-t-il, mes enfants ? L’armure des saints : la prière, cette vertu nécessaire et indispensable aux bons comme aux mauvais chrétiens ; … à la portée des ignorants comme des savants, ordonnée aux simples comme aux éclairés ; c’est la vertu de tous les hommes ; c’est la science de tous les fidèles. Tout ce qui a un cœur, tout ce qui a une raison sur la terre, doit aimer et prier Dieu ; recourir à lui lorsqu’il est irrité ; le remercier lorsqu’il nous favorise ; s’humilier lorsqu’il nous frappe.

Voyez, mes enfants : nous sommes des pauvres à qui on a appris la mendicité spirituelle, et nous ne savons pas mendier. Nous sommes des malades à qui on a promis la guérison, et nous ne savons pas la demander. Ce n’est pas de belles prières que le bon Dieu demande de nous ; mais des prières qui partent du fond du cœur.

Une fois, saint Ignace voyageait avec plusieurs de ses compagnons tous portaient sur leurs épaules un petit sac, renfermant ce qui leur était le plus nécessaire pour le voyage. Un bon chrétien voyant qu’ils étaient fatigués, fut excité intérieurement à les soulager ; il leur demanda donc comme une grâce de leur aider à porter leurs fardeaux. Ils se rendirent à ses instances. Quand ils furent arrivés dans l’hôtellerie, cet homme qui les avait suivis, voyant que les Pères se mettaient à quelque distance les uns des autres pour prier, se mit aussi à genoux. Quand les Pères se relevèrent, ils furent étonnés de voir que cet homme avait demeuré prosterné tout le temps de leur oraison ; ils lui témoignèrent leur surprise et lui demandèrent ce qu’il avait fait ; sa réponse les édifia beaucoup, car il leur répondit : Je n’ai fait autre chose que de dire : Ceux qui prient si dévotement sont des saints ; je suis leur bête de charge ; Seigneur,  j’ai l’intention de faire ce qu’ils font ; je vous dis tout ce qu’ils vous disent. Ce fut dans la suite sa prière ordinaire, et il parvint par celte Voie à un sublime degré d’oraison.

Ainsi, mes enfants, il n’est personne, comme vous le voyez, qui ne puisse prier ; prier en tout temps, en tout lieu ; la nuit comme le jour ; dans les travaux les plus pénibles comme dans le repos ; à la campagne, dans vos maisons, dans les voyages, partout le bon Dieu est disposé à écouler vos prières, pourvu que vous les lui adressiez avec foi et humilité.

Extrait de : Ars ou le Jeune Philosophe Redevenu Chrétien Renfermant Seize Exhortations ou Catéchismes du Curé d’Ars, auteur anonyme, 1851.

Treizième Exhortation de Saint Jean-Marie Vianney, Curé d’Ars : la Grâce Habituelle

Saint Jean-Marie Vianney curé d'Ars

Saint Jean-Baptiste-Marie Vianney (Curé d’Ars).

La grâce habituelle est une qualité surnaturelle, infuse divinement dans l’âme, qui la rend en un instant amie de Dieu.

Cette grâce, mes enfants, se donne et s’augmente par les sacrements, se conserve et s’accroît aussi par les bonnes œuvres ; elle rend le pécheur vivant, de mort qu’il était ; elle le lave de toutes les taches du péché ; elle donne à l’âme une beauté qui surpasse tout ce que l’on peut voir dans le monde ; de pauvre, de misérable, elle la rend en un instant plus riche que tous les rois de la terre ; car, voyez, mes enfants : le moindre degré de grâce vaut plus que toutes les richesses de l’Univers ; attendu que c’est une participation de la divinité même. D’esclaves de Satan, la grâce nous rend enfants de Dieu, héritiers du ciel, et cohéritiers de Jésus-Christ. De même que là où est le roi, là est sa cour et son royaume, de même là où se trouve la grâce, là est la cour et le royaume de Dieu.

Oui, mes enfants, le royaume de Dieu est en nous, lorsque nous sommes en état de grâce, et que nous l’aimons. Notre cœur est le trône où le bon Dieu se repose ; sa couronne, ce sont nos pensées, nos paroles, nos actions, rapportées à sa gloire. Nous mettons le sceptre aux mains du bon Dieu quand nous lui consacrons notre volonté ; sa pourpre, son manteau royal, c’est l’amour que nous avons pour lui ; … toutes les jouissances de notre âme, les membres de notre corps, sont autant de serviteurs.

Si quelqu’un entend ma voix et m’ouvre sa porte, j’entrerai en lui, et lui avec moi… L’âme, mes enfants, n’est pas à ce festin comme une servante, mais comme une reine, épouse du grand Roi, toute brillante de beauté… Une vie passée comme cela, est un avant-goût de l’éternité.

Une fois sainte Marie d’Agnès assistant au baptême d’un petit enfant, aperçut visiblement le Saint-Esprit qui descendit dans l’âme de ce petit enfant, et un nombre infini d’anges qui l’environnaient. Ce qui se passa alors visiblement, mes enfants, se fait invisiblement toutes les fois que nous recevons quelque sacrement. Voyez : les anges sont là, prosternés autour de nous, ils sont dans l’admiration, ils nous font un rempart de leur corps. On dit que sainte Catherine de Sienne sortait de sa maison lorsqu’elle voyait passer un prédicateur dans la rue, et qu’elle allait baiser avec dévotion la place où il avait mis les pieds ! quelle humilité ! quelle dévotion, mes enfants ! ce que c’est que d’aimer le bon Dieu. Voyez, on lui demanda un jour, à cette sainte, pourquoi elle faisait cela : elle répondit que notre Seigneur lui avait fait connaître la beauté d’une âme qui est en état de grâce, et que depuis elle avait tant de respect pour les personnes qui se consacraient au salut des âmes, qu’elle s’estimait heureuse de mettre la bouche là où elles mettaient les pieds.

Elle avait aussi coutume de dire que si l’on pouvait voir la beauté, les ornements d’une âme en état de grâce, il n’y aurait personne qui ne fût prêt à mourir mille fois plutôt que de perdre l’amitié du bon Dieu par le péché.

L’âme enrichie de la grâce devient si belle, si agréable au bon Dieu, qu’il semble n’avoir des yeux que pour la contempler, des oreilles que pour écouler ses prières, de bouche que pour louer sa beauté, des mains que pour la défendre et la soutenir, des bras que pour la caresser…

Quel bonheur, mes enfants, si nous étions là bons chrétiens, le bon Dieu serait toujours arec nous, et nous serions toujours avec lui…

Nous ne pourrions pas le quitter, nous serions toujours à le prier dans ses églises. Nous lui demanderions sans cesse ses grâces.

Voyez, mes enfants : la grâce du bon Dieu convertit tout en or ; nos actions, même les plus indifférentes, animées de son esprit, deviennent des œuvres méritoires pour la vie éternelle.

Un jour, un solitaire se trouvant plus fatigué que de coutume, de la distance qu’il y avait de sa cabane à la fontaine où il allait chercher de l’eau, forma la résolution de rapprocher sa cellule, afin d’-avoir moins de peine ; comme il méditait ce projet tout en marchant, il entendit derrière lui une voix qui prononçait ces paroles : « Un, deux, trois, quatre. » C’était l’ange gardien qui comptait ses pas ; ce solitaire, confus, bien loin d’approcher sa cellule, la recula au contraire, pour avoir plus de mérite.

Extrait de : Ars ou le Jeune Philosophe Redevenu Chrétien Renfermant Seize Exhortations ou Catéchismes du Curé d’Ars, auteur anonyme, 1851.

Douzième Exhortation de Saint Jean-Marie Vianney, Curé d’Ars : la Grâce

Image pieuse Saint Jean-Marie Vianney curé d'Ars

Saint Jean-Marie Vianney, curé d’Ars, Priez Pour Nous.

Pouvons-nous, par nos propres forces, éviter le péché, pratiquer la vertu ?

Non, mes enfants, nous ne pouvons rien sans la grâce du bon Dieu : c’est un article de foi ; c’est Jésus-Christ lui-même qui nous l’a enseigné. Voyez : l’Église pense et tous les saints ont pensé avec elle, que la grâce nous est absolument nécessaire, et que sans elle nous ne pouvons ni croire, ni espérer, ni aimer, ni faire pénitence de nos péchés. Saint Paul, qui n’était pas un faux dévot, nous assure de son côté que de nous-mêmes nous ne pouvons pas même prononcer le nom de Jésus d’une manière méritoire pour le ciel.

De même que la terre ne peut rien produire si le soleil ne la féconde ; de même nous ne pouvons rien faire de bien sans la grâce du bon Dieu.

La grâce, mes enfants, est un secours surnaturel qui nous porte au bien ; par exemple, voilà un pécheur qui entre dans une église et entend une instruction ; le prédicateur parle, de l’enfer, des rigueurs du jugement de Dieu ; il se sent poussé intérieurement à se convertir ; ce mouvement intérieur est ce que l’on appelle la grâce. Voyez, mes enfants ; c’est le bon Dieu qui prend ce pécheur par la main et qui veut lui apprendre à marcher. Nous sommes comme de petits enfants, nous ne savons pas marcher dans le chemin du ciel, nous chancelons, nous tombons, si la main du bon Dieu n’est pas toujours là pour nous soutenir. O mes enfants, que le bon Dieu est bon ! Si nous pensions à tout ce qu’il a fait, à tout ce qu’il fait encore chaque jour pour nous, nous ne pourrions pas l’offenser, nous l’aimerions de tout notre cœur ; mais nous n’y pensons pas ; voilà ce qu’il en est….. Les anges pèchent et ils sont précipités en enfer. L’homme pèche et Dieu lui promet un libérateur. Qu’avions-nous fait pour mériter cette faveur ? Qu’avons-nous fait pour mériter de naître dans la religion catholique, tandis qu’il y a tant d’âmes qui se perdent tous les jours dans les autres religions ?

Qu’avons-nous fait pour mériter d’être baptisés, tandis qu’il y a tant de petits enfants, en France, comme en Chine, en Amérique, qui meurent sans le baptême ? Qu’avons-nous fait pour mériter le pardon de tous les péchés que nous commettons depuis l’âge de raison, tandis qu’il y en a tant qui sont privés du sacrement de pénitence ?

O mes enfants, saint Augustin dit, et c’est bien vrai, qu’il cherche en nous ce qui mérite que Dieu nous abandonne, qu’il le trouve, et que s’il cherche ce qui nous rend digne de ses dons, il ne trouve rien ; c’est qu’en effet, il n’y a rien, nous ne sommes que cendre et péché.

Tout notre mérite, mes enfants, est de coopérer à la grâce. Voyez : une belle fleur, sans le soleil, n’a ni beauté, ni éclat, car pendant la nuit elle est toute flétrie, toute languissante ; le soleil se lève le matin, la voilà qui se redresse tout-à-coup, et s’épanouit ; il en est de même de notre âme, par rapport à Jésus-Christ, le vrai soleil de justice : elle n’a de beauté intérieure, que par la grâce sanctifiante. Pour recevoir cette grâce, mes enfants, notre âme doit se tourner vers le bon Dieu par une vraie conversion ; nous devons lui ouvrir notre cœur, par un acte de foi et d’amour. De même que le soleil ne peut à lui seul faire épanouir une fleur si elle est déjà morte ; de même la grâce du bon Dieu ne pourra pas nous ramener à la vie, si nous ne voulons pas quitter le péché…

Image pieuse Saint Jean-Marie Vianney Ars aimer Dieu
Mon Dieu faites-moi la Grâce de vous aimer autant qu’il est possible que je vous aime. Saint Jean-Marie Vianney, Curé d’Ars.

Dieu nous parle sans cesse par ses bonnes inspirations ; il nous envoie de bonnes pensées, de bons désirs. Dans la jeunesse, dans la vieillesse, dans tous les malheurs de la vie, il nous exhorte à recevoir sa grâce, quel usage faisons-nous de ses avertissements ? En ce moment même, coopérons-nous bien à la grâce ? ne lui fermons-nous pas les portes de notre cœur ? Songez que le bon Dieu vous demandera compte, un jour, de ce que vous avez entendu aujourd’hui ; malheur à vous, si vous étouffez le cri qui s’élève dans le fond de votre conscience ! Nous sommes dans la prospérité, nous vivons au milieu des plaisirs, tout bouffis d’orgueil, notre cœur est de glace pour le bon Dieu. C’est une boule de cuivre que les eaux de la grâce ne peuvent plus pénétrer ; c’est un arbre qui reçoit la douce rosée et qui ne porte plus de fruits…

Prenons garde, mes enfants ; faisons attention de ne pas manquer à la grâce. Le bon Dieu nous laisse libres de choisir la Vie ou la mort : si nous choisissons la mort, nous serons jetés au feu, et il faudra brûler éternellement avec les démons. Demandons pardon à Dieu d’avoir abusé jusqu’à présent des grâces qu’il nous a faites, et prions-le humblement de nous en accorder de nouvelles.

Extrait de : Ars ou le Jeune Philosophe Redevenu Chrétien Renfermant Seize Exhortations ou Catéchismes du Curé d’Ars, auteur anonyme, 1851.