« Bienheureux, Seigneur, sont ceux qui habitent dans votre maison ! »
Habiter dans la maison du bon Dieu, jouir de la présence du bon Dieu, être heureux du bonheur du bon Dieu, ah ! quel bonheur, mes enfants ! qui pourra comprendre toute la joie et la consolation dont les saints s’enivrent dans le paradis ?
Saint Paul qui a été ravi jusqu’au troisième Ciel, nous dit qu’il se passe là haut des choses qu’il ne peut nous révéler et que nous ne pouvons pas comprendre…
En effet, mes enfants, nous ne pourrons jamais avoir une juste idée du Ciel que lorsque nous y serons : c’est un trésor caché, c’est une abondance de douceurs secrètes, c’est une plénitude de joie qu’on peut sentir, mais que notre pauvre langue ne peut expliquer. Que peut-on imaginer de plus grand : le bon Dieu lui-même sera notre récompense : Mon Dieu, le bonheur que vous nous promettez, est tel que les yeux de l’homme ne peuvent le voir, ses oreilles l’entendre, et son cœur le concevoir.
Oui, mes enfants, le bonheur du Ciel est incompréhensible, c’est le dernier effort de la puissance du bon Dieu qui veut nous récompenser. Dieu étant admirable dans toutes ses œuvres, le sera aussi quand il s’agira de récompenser les bons chrétiens, qui auront fait consister leur bonheur dans la possession du Ciel. Cette possession renferme tous les biens, exclut tous les maux ; le péché étant éloigné du Ciel, toutes les peines et les misères qui en sont la suite, seront également bannies. Plus de morts ! le bon Dieu sera en nous le principe de la vie immortelle. Plus de maladies, plus de tristesse, plus de douleurs, plus de chagrins. Vous qui êtes affligés, réjouissez-vous, vos pleurs et vos craintes, ne s’étendront pas au-delà du tombeau…
Le bon Dieu essuiera lui-même vos larmes ! Réjouissez-vous, vous que le monde persécute. Vos peines seront bientôt passées, pour un moment de tribulations vous aurez au Ciel un poids immense de gloire. Réjouissez-vous, car vous possédez tous les biens ensemble, la source de tous les biens, le bon Dieu même.
Peut-on être malheureux, quand on est avec le bon Dieu, quand on est heureux du bonheur du bon Dieu, du bon Dieu même, quand on voit le bon Dieu comme il se voit lui-même ! Comme le dit saint Paul, mes enfants, nous verrons le bon Dieu face à face, parce qu’alors il n’y aura plus de voile entre lui et nous. Nous le posséderons sans inquiétude, car nous ne craindrons plus de le perdre. Nous l’aimerons sans interruption et sans partage, parce que lui seul occupera tout notre cœur.
Nous en jouirons sans dégoût, parce que nous découvrirons toujours en lui de nouvelles perfections, et à mesure que nous pénétrerons dans cet abîme immense de sagesse, de bonté, de miséricorde, de justice, de grandeur et de sainteté, nous nous y porterons avec une nouvelle ardeur.
Si une consolation intérieure, si une grâce du bon Dieu nous fait goûter tant de plaisirs en ce monde, qu’elle diminue nos peines, qu’elle nous aide à supporter nos croix, qu’elle donne à tant de martyrs la force de souffrir les plus cruels tourments !
Que sera le bonheur du Ciel, où les consolations, les délices, ne se donnent pas goutte à goutte, mais par torrents !
Représentons-nous, mes enfants, un jour éternel et toujours nouveau, un jour toujours serein, toujours calme, la société la plus délicieuse, la plus parfaite. Quelle joie, quel bonheur, si nous pouvions posséder sur la terre, pendant quelques minutes seulement, les anges, la sainte Vierge, Jésus-Christ ! Dans le Ciel ce ne sera pas seulement la sainte Vierge, Jésus-Christ, que l’on verra éternellement ; ce sera le bon Dieu lui-même ! nous ne le verrons plus à travers les ténèbres de la foi ; mais à la clarté du jour, dans toute sa majesté…
Quel bonheur de voir ainsi le bon Dieu ! les anges le contemplent, depuis le commencement du monde, et ils ne s’en rassasient pas ; ce serait pour eux le plus grand malheur que d’en être privés un seul instant. La possession du Ciel seul, mes enfants, ne peut jamais causer du dégoût ; on possède le bon Dieu, l’auteur de toutes les perfections. Voyez : plus on possède le bon Dieu, plus il plaît ; plus on de connaît, plus sa connaissance a de charmes et d’attraits. On le verra toujours, et on désirera toujours le voir ; on goûtera toujours le plaisir qu’il y a de jouir du bon Dieu, et on n’en sera jamais rassasié…
Les bienheureux seront enveloppés dans l’immensité divine, nageront dans les délices et en seront tout investis, comme enivrés…. Voilà le bonheur que le bon Dieu nous destine.
Nous pouvons tous, mes enfants, acquérir ce bonheur. Le bon Dieu veut le salut de tout le monde ; il nous a mérité le Ciel par sa mort et par l’effusion de tout son sang. Quel bonheur de pouvoir dire : Jésus-Christ est mort pour moi, Jésus-Christ m’a ouvert le Ciel, c’est mon héritage… Jésus m’a préparé une place, il ne tient qu’à moi d’aller l’occuper. Le bon Dieu nous a donné la foi et avec cette vertu nous pouvons arriver à la vie éternelle. Car, quoique le bon Dieu veuille le salut de tous les hommes, il veut cependant particulièrement celui des chrétiens qui croient en lui.
Remercions donc le bon Dieu, mes enfants ; réjouissons-vous, nos noms sont écrits dans le Ciel comme ceux des apôtres. Oui, ils sont écrits dans le livre de vie ; si nous voulons, ils y seront pour toujours, puisque nous avons les moyens d’arriver au Ciel.
Le bonheur du Ciel, mes enfants, est facile à acquérir, le bon Dieu nous a fourni tant de moyens. Voyez : il n’y a pas une créature qui ne nous fournisse le moyen d’arriver vers le bon Dieu ; s’il en est quelques-unes qui deviennent un obstacle, ce n’est que par l’abus que nous en faisons. Les biens, les misères de cette vie, les châtiments mêmes dont le bon Dieu se sert pour punir nos infidélités servent à notre salut. Le bon Dieu, comme le dit saint Paul, fait tout tourner au bien de ses élus ; il n’est pas jusqu’à nos fautes qui ne puissent nous être utiles : les mauvais exemples, les tentations. Job s’est sauvé au milieu d’un peuple idolâtre. Tous les saints ont été tentés. Si ces moyens, dans les mains du bon Dieu, sont des secours pour parvenir au Ciel, que sera-ce, si nous avons recours aux sacrements, à cette source intarissable de tous les biens, à cette fontaine de grâce alimentée par le bon Dieu lui-même. Il était facile aux disciples de Jésus de se sauver, ayant sans cesse ce divin Sauveur avec eux. Nous est-il plus difficile à nous d’acquérir le salut, l’ayant sans cesse avec nous ? ils étaient heureux d’obtenir ce qu’ils souhaitaient, ce qu’ils voulaient : le sommes-nous moins ? Nous possédons Jésus-Christ dans l’Eucharistie, il est continuellement au milieu de nous, il est disposé à nous accorder ce que nous lui demanderons, il nous attend : il ne s’agit que de demander.
Oh ! mes enfants, le pauvre sait exposer ses besoins aux riches : n’accusons donc que notre indifférence si nous manquons de secours et de grâces. Si un ambitieux, si un avare avait autant de moyens de s’enrichir, hésiterait-il un instant, laisserait-il échapper une occasion si favorable ? Hélas ! on fait tout pour ce monde et rien pour l’autre ! Que de travaux, que de peines, que de soucis, que de chagrins pour amasser un peu de fortune ! Voyez, mes enfants, à quoi nous servent nos biens périssables. Salomon, le plus grand, le plus riche, le plus heureux des rois, disait au milieu de la fortune la plus éclatante : « J’ai reconnu, j’ai senti qu’il n’y a que vanité et qu’affliction d’esprit dans ce monde. » Et ce sont là les biens pour l’acquisition desquels on travaille tant, tandis que l’on ne pense point aux biens du Ciel ! Quelle honte pour nous de ne pas travailler à l’acquérir et de négliger tant de moyens d’y parvenir ! Si le figuier est jeté au feu pour n’avoir pas profité des soins qu’on avait pris de le rendre fertile ; si le serviteur peu industrieux est réprouvé pour avoir enfoui le talent qu’il avait reçu, quel sort nous attend, nous qui avons si souvent abusé des secours qui auraient pu nous conduire au Ciel… Si nous avons abusé des grâces que le bon Dieu nous a faites, hâtons-nous de réparer le passé par une grande fidélité, et tâchons d’acquérir des mérites dignes de la vie éternelle.