Le Christianisme, Fondation d’un Ordre Social Sain (1)

Image pieuse Abbé Perreyve volonté de Dieu notre vocation
La Volonté de Dieu est notre vocation et on ne se trompe jamais
en la suivant. (Abbé Perreyve)

De la Religion dans ses rapports avec l’Ordre social

La Seule Autorité Légitime Vient de Dieu

… Jusqu’à présent nous n’avons envisagé la société civile que comme une institution humaine ; et nous avons reconnu qu’il était de l’intérêt des peuples que l’autorité souveraine fut inviolable. Cette doctrine est une conséquence immédiate du premier et du plus évident des principes politiques : le salut commun est la loi suprême. L’inviolabilité du Souverain est moins une prérogative accordée au Prince, qu’un droit établi en faveur des sujets.

Voilà ce que nous apprend la raison éclairée par l’histoire de tous les âges, et surtout par l’épouvantable leçon que la France donne à l’univers [référence à la Révolution dite Française]. Mais la Religion, source de tous les droits, et principe de tous les devoirs, répand un nouveau jour sur cette précieuse vérité. Tous nos maux sont nés de l’oubli de ses maximes.

Point de politique sans morale, point de morale politique sans Religion. Si Dieu n’est pas reconnu pour protecteur de la société, et vengeur du Pacte social, le peuple et le Souverain n’ayant point de législateur et de juge communs, ne sont unis que par l’intérêt et les convenances du moment. Sans la garantie de l’Être Suprême, le Pacte social n’a rien d’obligatoire. Car toute obligation qui ne remonte pas jusqu’à Dieu, ne pénètre pas jusqu’à la conscience, et ne peut rien contre les passions.

Le monde moral ne peut pas plus se passer de Dieu, que le monde physique. La première loi sociale, la seule qui, dans tous les cas possibles, concilie l’intérêt personnel avec l’intérêt commun, c’est la volonté de Dieu, autant qu’elle nous est connue par la raison, et par la révélation qui est le supplément et le perfectionnement de la raison. Or l’une et l’autre, mais la révélation surtout, nous apprend que la puissance souveraine vient de Dieu, et que quiconque résiste à la puissance légitime, résiste à l’ordre établi par Dieu même.

Dans la société politique, comme dans la société naturelle et domestique, toute puissance vient de Dieu, la puissance souveraine, aussi bien que l’autorité des pères, des maris et des maîtres ; et dans l’une et dans l’autre société, l’autorité doit tendre au bonheur de ceux qui obéissent ; car le père et le maître du genre humain ne la confère qu’a la charge d’exécuter les vues, et de dispenser les bienfaits de sa providence.

Mais ce principe doit s’appliquer, surtout, au chef de la société politique, dont les membres originairement égaux, n’ont consenti a obéir que pour être protégés. Le Souverain n’est placé au-dessus de tous, que pour voir plus loin, et veiller à la sûreté commune. Le pouvoir suprême dont il est revêtu, l’éclat qui l’environne, l’espèce de culte qu’on lui rend, l’onction qui le consacre, tout ce qui semble l’élever au-dessus de la condition humaine, ne lui est donné que pour le bien de ses sujets. Ce n’est pas pour lui, c’est pour eux qu’il est Roi. Son peuple n’est pas sa propriété ; c’est une partie de la grande famille que le père commun lui a confiée. S’il ne connaît point de juge sur la terre, sa conscience le cite au tribunal redoutable de ce juge qui a reçu ses serments, qui entend les cris de l’opprimé, et qui punit les Rois, et pour le mal qu’ils ont fait, et pour celui qu’ils ont laissé faire.

« Souvenez-vous, mon fils, disait Louis-le-Gros mourant à son successeur, que l’autorité royale n’est qu’une charge publique, dont vous rendrez un compte rigoureux après votre mort. »

D’un autre coté, la soumission s’ennoblit, quand elle se rapporte au Monarque suprême qui n’a établi les relations passagères de roi, de magistrat, de sujet que pour nous préparer aux honneurs de cette Cité immortelle, où l’on ne connaîtra de distinction que celle de la vertu. Tous les sacrifices que l’État peut demander au Citoyen, Dieu s’engage à les payer. Il acquitte la société envers la vertu, que les hommes ne savent ni connaître ni récompenser ; et envers le crime que le secret, le crédit du coupable, ou la corruption des juges dérobent trop souvent à la vengeance des lois. Le dévouement à une mort certaine n’est plus une folie éclatante : c’est un devoir avoué par la raison, quand la Religion nous montre au-delà du tombeau le prix du sang versé pour la patrie.

Telle est l’idée que la Religion nous donne des prérogatives et des devoirs du Souverain. Dans ce système bienfaisant, tout se rapporte à l’intérêt des peuples ; le respect, l’obéissance, la fidélité, sont pour les sujets des devoirs religieux, parce que l’autorité souveraine est une émanation de la puissance divine, et que les Rois, selon la belle expression d’un père de l’Église, sont la seconde Majesté. Mais aussi par un juste retour, de l’observation de ces devoirs dépendent la prospérité de l’État, la paix des familles, le bonheur de tous les Citoyens.

Extrait de : Défense de l’Ordre Social Contre les Principes de la Révolution Française, par Mgr Jean-Baptiste Duvoisin. 1829.

Dieu, Garant de la Stabilité de la Société

Tout Pouvoir Vient de Dieu, diapositive ancienne

Tout Pouvoir Vient de Dieu. Diapositive ancienne en papier, fin XIXe siècle.

« L’ordre social s’est dissous, parce qu’on l’a séparé de la Religion. 
Ce ne sera qu’en l’y rattachant, qu’on parviendra à le recomposer. »

Dieu est l’auteur de la société, puisqu’il a formé l’homme avec ces facultés, ces penchants, ces besoins qui le déterminent invinciblement a rechercher le commerce de ses semblables ; il en est aussi le protecteur. Le monde qu’il a créé par sa puissance, il le gouverne par sa sagesse ; et sans doute, il n’a pas abandonné au hasard, et soustrait à l’empire de sa providence le seul des êtres terrestres qu’il a rendu capable de moralité, et élevé jusqu’à lui par la connaissance et par l’amour.

Dieu est l’auteur de la société, en ce sens que la vie sociale est une conséquence nécessaire de la nature de l’homme et de ses facultés. Il n’est pas l’auteur immédiate de telle ou telle société, de telle ou telle forme de Gouvernement. Il a laissé aux Nations le droit d’établir le Gouvernement qu’elles jugeraient le plus propre à les rendre heureuses : leur liberté, à cet égard, n’est restreinte que par les lois de la Nature et de la Religion. Tout Gouvernement qui n’a rien de contraire aux lois divines est légitime, et tout Gouvernement légitime est sous la protection de Dieu.

La Souveraineté est de droit humain, parce qu’elle résulte immédiatement des conventions qui ont donné l’existence et la forme aux sociétés politiques. Elle est aussi de droit divin, ajoute Puffendorf, parce que la droite raison qui n’est autre chose que la manifestation de la volonté divine, a fait sentir aux hommes la nécessité de de ces conventions. A mesure que le genre humain s’est multiplié, les progrès de l’industrie, l’accroissement, et l’inégale répartition des richesses, le conflit des intérêts, l’affaiblissement de l’autorité paternelle, l’oubli des traditions primitives, tout s’est réuni pour donner aux passions une activité plus dangereuse ; et bientôt on a compris que pour faire observer les devoirs naturels, il fallait les mettre sous la protection d’un Gouvernement civil. L’institution de ce Gouvernement, et le pouvoir souverain, sans lequel il ne peut exister, entrent nécessairement dans les vues bienfaisantes et conservatrices du Créateur. Il est juste, dit encore Puffendorf, de rapporter à Dieu, non-seulement les établissements faits immédiatement par son ordre, mais encore ceux que les hommes ont formés eux-mêmes d’après les lumières de la raison et la connaissance de leurs véritables intérêts.

Dans l’institution des Gouvernements, il faut distinguer, ce qui est des peuples, et ce qui est de Dieu. Les peuples conviennent de la forme du Gouvernement : ils choisissent la personne en qui doit résider l’autorité souveraine mais ce n’est point d’eux, à proprement parler, que vient l’autorité : c’est Dieu qui la confère sur la présentation des peuples, et qui donne l’investiture du pouvoir ; Tout pouvoir, toute autorité, toute juridiction émane de lui. A quel titre un mortel commanderait-il à ses égaux, s’il n’était délégué par le Roi de l’Univers ? Quelle serait la source de ce droit terrible de vie et de mort que l’État exerce sur ses membres, s’il n’était fondé sur la concession justement présumée du souverain arbitre de nos destinées ?

Auteur, protecteur, chef suprême de la société, Dieu établit le Prince son lieutenant, il lui met le glaive en main, pour la défense des bons, et l’effroi des méchants : il veut que sa personne soit sacrée : il se réserve à lui seul le droit de le juger. Témoin et garant du Pacte social, c’est en sa présence, et par son nom redoutable que le Souverain jure de gouverner, de protéger et de défendre le peuple, et que le peuple jure d’obéir au Souverain.

Par ce serment mutuel, le Prince et les sujets s’engagent envers Dieu, encore plus étroitement qu’ils ne se lient entre-eux. Leurs droits et leurs devoirs réciproques prennent un caractère plus auguste. L’intérêt de la chose publique se confond avec l’intérêt éternel du chef et de tous les membres de l’État. La rébellion et la tyrannie ne sont plus de simples crimes de lèse-majesté et de lése-nation qui n’offensent que les hommes : ce sont des sacrilèges proprement dits ; la rébellion, parce qu’elle s’attaque à Dieu même dans la personne de son représentant ; la tyrannie, parce qu’elle fait servir au mal un pouvoir qui vient de l’auteur de tout bien. (Bossuet)

Toute puissance vient de Dieu : non est potestas, nisi à Deo. Maxime sublime, sur laquelle repose tout le système social, dont les sages de l’antiquité ont senti le besoin et entrevu la vérité, mais qu’il était réservé à la Religion Chrétienne de mettre au-dessus des vains raisonnements et des incertitudes de la philosophie !

Une puissance qui n’aurait d’autre principe que la volonté des hommes, serait trop précaire et trop incertaine ; ceux qui l’auraient donnée se croiraient à chaque moment en droit de la retirer. En vain, pour l’affermir, on alléguerait le contrat primitif, et ce qu’exige la tranquillité publique. Il en coûterait peu pour rompre des conventions où l’on ne reconnaîtrait rien que d’humain, et qui n’auraient pour garants que ceux-mêmes qui les auraient faites. Les factieux ne manqueraient pas de prétextes empruntés de ce qu’ils appelleraient l’intérêt général.

Extrait de : Défense de l’Ordre Social Contre les Principes de la Révolution Française, par Mgr Jean-Baptiste Duvoisin, 1829.