SOUS LOUIS XV.
La France de Louis XV et de Voltaire était peu faite pour comprendre le culte du Divin Cœur ; et pourtant même alors les adorateurs fidèles ne manquèrent pas.
Dès l’année 1762, la ville de Marseille donna un grand exemple. Délivrée de la peste par la miraculeuse protection du Sacré-Cœur, elle fit en son honneur un vœu solennel, dont il sera bon de reproduire ici le texte :
« Aujourd’hui, 28 mai 1722, nous…, consuls de la ville de Marseille, nous étant assemblés au conseil de ville, en présence de M. le marquis de Pilles, notre gouverneur ; lecture faite de la lettre que Monseigneur l’évêque nous a adressée, nous avons résolu d’un consentement unanime, de faire à Dieu, entre les mains dudit seigneur Évêque, un vœu stable et irrévocable, par lequel nous nous obligerons, nous et nos successeurs, à perpétuité : d’aller chaque année, le jour de la fête du Sacré-Cœur de Jésus, assister à la Messe dans l’église du premier monastère de la Visitation ; d’y recevoir le Saint-Sacrement de l’Eucharistie ; et d’y offrir un cierge de quatre livres, pour l’expiation des péchés commis dans la ville, lequel cierge brûlera ce jour-là devant le Saint-Sacrement.De plus, nous prierons Monseigneur l’Évêque d’indiquer une procession solennelle de tous les Ordres, qu’on fera ce même jour à perpétuité, à l’heure des vêpres, et à laquelle nous serons obligés de nous trouver. Fait à Marseille, le jour et an ci-dessus. »
Jusqu’à l’époque de nos grands malheurs, tout s’accomplit fidèlement comme on l’avait voué. L’évêque mentionné dans cet acte mémorable n’est autre que l’illustre Belzunce, ce Charles Borromée de la France. Aix, Avignon et d’autres cités ne tardèrent pas à prendre les mêmes engagements que Marseille.
A la suite de ces belles manifestations publiques, beaucoup de Prélats établirent officiellement dans leurs diocèses la fête et l’office du Sacré-Cœur de Jésus. Parmi les plus zélés, on distingua Monseigneur Langue, Évêque de Soissons, auteur d’une remarquable Vie de la Mère Marguerite-Marie Laconique, dédiée à la pieuse reine Marie Leckzinska, et Monseigneur de Pressy, Évêque de Boulogne, qui nous a laissé sur la dévotion au Sacré-Cœur des ouvrages pleins de science et d’onction.
A cette époque, plusieurs souverains s’intéressèrent activement au triomphe du Divin Cœur.
Le 10 mars 1727, Philippe V, petit-fils de Louis XIV et roi d’Espagne, sollicitait du même Pontife l’établissement de la fête du Sacré-Cœur dans tous ses royaumes et domaines. Plus tard, Françoise-Elisabeth, reine de Portugal, obtint pour ses États une semblable faveur.
Enfin, au mois de juillet 1765, l’admirable reine Marie Leckzinska, qui, dans le palais même de Louis XV, pratiquait, avec son fils le dauphin et ses quatre filles, les plus pures vertus du christianisme, recourut à l’assemblée générale du Clergé de France pour hâter encore et développer la diffusion du culte de l’adorable Cœur de Jésus. L’Assemblée ne pouvait que faire droit à des vœux si légitimes, et voici le texte même de sa délibération : « Tous les Évêques qui composent l’Assemblée, également pénétrés du profond respect et de la vénération qui ne sont pas moins dus aux vertus éminentes de Sa Majesté qu’à son rang auguste, et voulant, autant qu’il est en eux, seconder un zèle aussi édifiant, ont unanimement délibéré d’établir dans leurs diocèses respectifs la dévotion et l’office du Sacré-cœur de Jésus, et d’inviter par une lettre-circulaire les autres Évêques du royaume d’en faire autant dans les diocèses où cette dévotion et cet office ne sont pas encore établis. »
La lettre-circulaire fut écrite, en effet, et rencontra partout l’adhésion la plus parfaite.
C’étaient là sans doute de touchants hommages ; mais la France n’y intervenait pas comme nation : Dieu voulait davantage.
Extrait de : La France et le Cœur de Jésus, 4e Ed. Augmentée de Divers Documents sur l’Œuvre du Vœu National et du Bref de Notre Saint-Père le Pape, par la Père Victor Alet (S.J.), 1873.