L’Évangile À Bras-Le-Corps – 04 – par l’Abbé Laguérie (IBP)

Quatrième épisode de la série consacrée à l’étude de l’Évangile par Monsieur l’Abbé Philippe Laguérie de l’Institut du Bon Pasteur (IBP)

Sujets de cette vidéo : baptême du Christ et tentation au désert.

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La Vie Chrétienne dans le Monde, par Mgr Freppel (1)

Transmettre au monde la force de la Croix

Transmettre au monde la force de la Croix. Image Scoute par Fra Nodet.

Lorsqu’on envisage la vie du chrétien sur la terre, les tentations qui viennent l’assaillir de toutes parts, les périls auxquels l’exposent l’esprit d’orgueil et d’indépendance, l’attrait des jouissances matérielles et l’attachement aux biens sensibles ; quand surtout l’on suit cette lutte sur un théâtre plus élevé, dans ces grandes conditions de la vie où l’abus devient plus facile parce que l’on peut davantage, où les dangers se multiplient avec les causes qui les font naître, où les occasions du mal se présentent lors même qu’on ne les cherche pas : à la vue de ces difficultés que nous rencontrons sur notre chemin, on est tenté de se demander si Dieu n’a pas soumis la liberté humaine à une trop forte épreuve, si la vie chrétienne est réellement compatible avec toutes les situations de l’homme, et si l’éloignement du service de Dieu ne trouve pas une excuse légitime dans les obstacles qui surgissent de nous-mêmes et du monde.

L’apôtre saint Paul répond à cette question par les paroles que j’ai choisies pour mon texte. Appuyé sur la certitude des promesses divines, il cherche à combattre le prétexte dont l’homme voudrait s’autoriser pour justifier ses faiblesses. A l’exemple de saint Paul, je me propose de montrer que la pratique des vertus chrétiennes n’est pas incompatible avec les grandes conditions de la vie, parce que Dieu ne permet pas que nous soyons tentés au-delà de nos forces, et en second lieu, que la vie du monde, toute périlleuse qu’elle est, peut devenir une source d’avantages spirituels, parce que Dieu nous fait profiter de la tentation même, afin que nous puissions persévérer. C’est au développement de ces deux pensées de l’apôtre que je vais consacrer ce discours.

I

Dieu, qui gouverne les sociétés humaines, a établi comme loi de leur existence l’inégalité des conditions. De même qu’il distribue aux hommes dans la mesure qu’il lui plaît les avantages du corps et les dons de l’intelligence, il les admet à divers degrés au partage des biens de la terre. Cette répartition inégale de la richesse et du pouvoir, en faisant dépendre les uns des autres, relie entre eux tous les membres de la famille humaine par une vaste réciprocité de services et de fonctions. Il en résulte que les grandes conditions, comme les situations inférieures de la vie, sont également dans l’ordre décrété par la Providence. Or, à ces conditions privilégiées de l’existence sociale s’attache un éclat naturel qui rejaillit sur tout l’homme et se manifeste dans le train ordinaire de la vie. Tout participe à cette élévation du rang et de la fortune : la demeure que l’homme se choisit, sa manière d’être, ses goûts, ses habitudes et jusqu’à ces choses extérieures qui servent à le vêtir ou à l’orner. Contenus dans de justes limites et ramenés aux exigences légitimes des temps et des lieux, ces dehors brillants de la richesse et du pouvoir n’ont rien que l’Évangile réprouve, et la vie du monde, pour exprimer d’un mot toute ma pensée, la vie du monde n’est nullement inconciliable avec la pratique des vertus Chrétiennes.

Sans doute, mes frères, je me hâte de le dire, la vie du monde a ses dangers, et il suffit d’ouvrir l’Évangile pour voir que Jésus-Christ ne lui épargne ni les avertissements ni es reproches. Dans cette magnifique parabole de la semence, où il résume les destinées diverses de la parole de Dieu parmi les hommes, il désigne par les épines au milieu desquelles tombe le grain céleste, les sollicitudes de ce siècle et l’illusion des richesses qui étouffent la parole divine et la rendent infructueuse. Un peu plus loin, comparant le royaume des cieux à un festin auquel beaucoup de convives sont invités, il peint l’obstacle qu’opposent à l’Évangile les embarras de la vie du monde. Chacun s’excuse à son tour de ne pouvoir répondre à l’appel divin : celui-ci cherche un prétexte dans ses travaux, celui-là dans ses plaisirs ; tous ont autre chose à faire, nul n’a le temps de s’occuper de son âme. Triste, mais saisissant tableau de ces vies où toutes choses trouvent leur place, excepté Dieu ! Une autre fois, s’attaquant au mauvais exemple, qui est la source ordinaire du désordre des mœurs, il s’écrie : Malheur au monde à cause de ses scandales ! Et enfin, voulant signaler les périls qui naissent, non pas de la richesse Chrétienne, de la richesse charitable, mais de la richesse égoïste et sensuelle, il prononce ce grand mot : Il est difficile que de tels hommes entrent dans le royaume des cieux. Il ne m’appartient pas de rien ajouter à ces paroles du Divin Maître : elles montrent suffisamment de quels écueils la vie du monde est semée, et combien l’oubli de Dieu est facile dans les grandes places.

Image pieuse Jésus vient sauver le monde

« Il ne vient pas juger le monde. Mais pour que le monde soit Sauvé par Lui. » St Jean III, 17.

Et cependant j’entends saint Paul qui nous répète : Fidelis Deus, Dieu est fidèle en ses promesses. Si, pour le maintien des sociétés humaines, il a établi les grandes conditions de la vie, il ne saurait permettre que l’homme y trouve une épreuve morale qui dépasse ses forces. Car Dieu ne manque à personne : il veut que tous aient le pouvoir et les moyens de se sauver. Non, pour mener une vie chrétienne, il n’est pas nécessaire de quitter le monde, de se condamner à l’isolement, de s’ensevelir au fond d’une retraite, sans lien ni contact avec la société. Le lieu ne fait pas les saints disait saint Augustin ; mais nos bonnes œuvres sanctifieront le lieu en nous sanctifiant nous-mêmes. Ce n’est pas un sujet de louange de demeurer dans Jérusalem, mais c’en est un d’y bien vivre, écrivait saint Jérôme à saint Paulin, qui le félicitait de s’être retiré dans le monastère de Bethléem.

L’Évangile ne défend pas de se mêler aux affaires du monde, de prendre part à ses réunions, ni même à ses divertissements, quand ils n’ont rien de contraire à la décence et à l’honnêteté Chrétienne. Dieu ne demande ce sacrifice exceptionnel qu’à ceux dont il s’est réservé la vie d’une manière plus spéciale pour l’apostolat de la parole ou de la prière ; mais telle n’est pas la règle qu’il impose à la généralité des hommes. C’est au milieu du monde, dans les différentes positions auxquelles la Providence les destine, qu’ils peuvent et qu’ils doivent se sanctifier : chacune d’elles leur fournit l’occasion de pratiquer la vertu et le moyen d’amasser des mérites, les plus brillantes aussi bien que les plus obscures, les plus modestes non moins que les plus élevées.

Car la sainteté n’est pas le privilège de quelques-uns ; elle doit être la condition de tous. Elle est avec saint Louis sur le trône, comme elle est avec saint Bernard dans la solitude. Elle est avec sainte Monique dans l’intimité de la vie de famille, comme elle est avec sainte Clotilde dans l’éclat des grandeurs humaines. Elle est avec saint Maurice au milieu des armées et dans le tumulte des camps, comme elle est avec saint Antoine dans les déserts de la Thébaïde. Elle est avec saint Thomas d’Aquin dans le silence de l’étude, comme elle est avec saint Grégoire dans le gouvernement du monde. Elle est avec saint Vincent de Paul dans les œuvres du dévouement, comme elle est avec sainte Thérèse au milieu des exercices de la vie contemplative. Elle resplendit également dans la richesse comme dans la pauvreté, au foyer domestique et à la tête des cités, au fond des cloîtres et sur la scène du monde : la sainteté est partout, comme l’Église est partout, comme Dieu est partout.

La vie du monde n’est donc pas inconciliable avec la pratique des vertus chrétiennes. Si, pour éprouver la fidélité d’une classe d’hommes dans les grandes conditions où sa Providence les place, Dieu permet que le péril augmente avec le don de la richesse ou du pouvoir, il arrête la tentation dans la limite de nos forces. Certes, l’exemple de David et de Salomon nous montre assez que le vertige peut gagner les meilleures têtes, et l’attrait du vice triompher des volontés jusqu’alors les plus fermes. Mais, en nous avertissant de notre fragilité par le souvenir de ces chutes éclatantes, l’Écriture Sainte nous encourage également par le spectacle des grandes vertus que les serviteurs de Dieu ont pratiquées au milieu du monde.

A la cour d’un roi idolâtre, Esther sait conserver la simplicité et l’innocence de son âme, sans se laisser éblouir par les pompes qui l’environnent. Pendant que les désordres de Ninive entraînent au mal la plupart de ses compagnons d’exil, Tobie résiste au mauvais exemple et persévère dans la crainte du Seigneur, en partageant sa vie entre les saintes affections du foyer domestique et le soulagement de ses frères malheureux. Malgré les séductions qui l’assiègent à la cour du roi de Babylone, Daniel sait préserver son cœur des atteintes du vice, et garder intacte la foi de ses pères au sein des honneurs et des dignités. Si déjà l’ancienne loi nous propose de tels modèles, l’Église, cette mère des saints, peut nous montrer depuis dix-huit siècles l’élite de ses fils sanctifiant les grandes conditions de la vie par la pratique de l’Évangile, et profitant de ces conditions mêmes pour accomplir l’œuvre de leur perfectionnement moral. Car, non-seulement la vie chrétienne est possible au milieu du monde, mais encore elle peut trouver toute sorte d’avantages spirituels dans ce qui semblerait devoir n’être qu’une source de tentations.

Extrait de : La Vie Chrétienne, Sermons Prêchés à la Chapelle des Tuileries, par Mgr Charles-Émile Freppel. 1865.

La Vie Chrétienne par Mgr Freppel – 3 – Liberté et Détachement

Détachement mène au royaume de Dieu

« Bienheureux les pauvres par le détachement, parce que le Royaume des Cieux est à eux. »

Opposer à l’esprit d’orgueil le sentiment de la dépendance ou l’humilité de la foi, telle est la ligne de conduite que Jésus-Christ nous trace au milieu de cette deuxième épreuve offerte à la liberté humaine. Là cependant ne se borne point le rôle de la tentation dans la vie de l’homme. De même qu’elle s’interpose entre les sens et l’esprit, qu’elle vient se placer entre l’esprit et Dieu, elle s’attaque à la volonté en ouvrant devant nous une perspective de fausse grandeur, en nous détournant du service de Dieu par l’appât des richesses. « Vous serez comme des dieux » je te donnerai toutes ces choses, si, te prosternant, tu m’adores : telle est la proposition que Satan renouvelle à chaque homme sous une forme quelconque ; du jardin de l’Éden à la montagne du désert, et de là jusqu’à nous, tous les échos de la terre se sont renvoyé ce troisième mot de la tentation.

Il suffit, en effet, de prêter l’oreille aux bruits du monde pour se convaincre que cette voix n’a rien perdu de son charme séducteur. Elle sort, cette voix, elle sort de nous-mêmes, expression de ce désir illimité de la possession qui nous est inné comme l’esprit d’indépendance, comme l’amour du plaisir. Elle sort de ces écrits périodiques qui allument et nourrissent la fièvre du gain. Elle sort de ces programmes fastueux qui irritent la convoitise sans pouvoir la satisfaire, qui promettent la richesse non pas au travail persévérant et honnête, mais à d’heureux hasards. Elle sort de ces temples de la fortune où comme jadis dans les sanctuaires du paganisme l’idole finit souvent par dévorer ses adorateurs. « Je te donnerai toutes ces choses, si, te prosternant, tu m’adores » répète le tentateur en reproduisant sous nos yeux ce mirage fallacieux, je te donnerai toutes ces choses, si tu te voues à mon culte qui est le culte de la matière, si pour arriver à ton but tu ne te montres pas scrupuleux dans le choix des moyens, si tu sais sacrifier à propos la probité à l’intérêt et l’honneur au succès, si tu caches l’injustice sous le voile de l’habileté et que tu appelles science des affaires ce qui est la perversion du sens moral ; si enfin, au milieu de cette recherche ardente, passionnée, tu oublies Dieu, ton âme, ton salut, oh alors ! je te donnerai toutes ces choses.

A cela que répond Jésus-Christ ? « Vous adorerez le Seigneur votre Dieu et vous ne servirez que lui. » Remarquez-le, mes frères, Jésus-Christ ne dit pas que les biens de la terre soient un mal ; il ne défend nullement de les estimer ou de les acquérir dans les limites de la justice et de la modération. Non, ce qu’il défend, c’est d’y attacher son cœur, d’y aspirer comme au but unique de la vie, de s’en faire le serviteur ou l’esclave, selon la forte expression de saint Cyprien, tandis qu’à Dieu seul appartient l’hommage de tout notre être. Servez Dieu, nous dit le Sauveur, donnez-vous à lui de cœur et d’âme, et alors vous désirerez ces choses avec moins d’ardeur, vous les rechercherez par les seuls moyens que la conscience approuve, vous les posséderez avec plus de fruit, et vous les perdrez avec moins de regret. Servez Dieu fidèlement, et au lieu de devenir l’esclave des biens de la nature, vous les ferez servir à la sanctification de votre âme : vous rapporterez à Dieu l’éclat dont les hommes entourent votre nom, vous exercerez pour le bien l’autorité dont vous êtes revêtu, vous emploierez vos richesses au soulagement de vos frères. Servez Dieu dans la sincérité de votre foi, et les obstacles se changeront en moyens ; ce qui pouvait être une cause de perdition deviendra pour vous un instrument de salut, et ce qui devait vous détacher de Dieu vous élèvera vers lui ; car toutes choses tournent au bien pour ceux qui servent Dieu avec amour.

La vie de l’homme est une épreuve offerte à sa liberté, et cette épreuve est destinée à montrer ce que nous sommes et ce que nous valons. Dieu, dit Tertullien, n’a pas voulu que l’homme fût bon par nécessité, mais qu’il le devînt par choix. En agissant de la sorte, Dieu a traité l’homme avec respect, selon le beau mot de la Sainte Écriture ; il a laissé à notre libre arbitre un champ illimité ; il a placé devant nous la vie ou la mort : à nous de choisir. Telle est la part que Dieu nous a faite, et cette part, elle est grande et belle, digne de celui qui nous offre l’épreuve, digne de nous qui la subissons. C’est la gloire de l’humanité, que Dieu ait mis sa destinée au prix d’un combat, et qu’elle ne puisse plus trouver le bonheur que dans ce qui fera son mérite. Assurément il en coûte à notre nature déchue de lutter avec elle-même, ses vices et ses passions ; mais c’est la lutte qui nous fortifie, c’est la lutte qui nous élève : semblables à ces arbres généreux qui ne montent si haut que parce que les secousses de l’orage ont éprouvé leur force. Si rien n’est moins facile, rien n’est plus beau ni plus glorieux que cette lutte où Dieu nous assiste, où les anges nous contemplent, où les saints nous encouragent, où l’Église nous bénit, et où Jésus-Christ, après avoir combattu comme nous, nous donne l’espoir de triompher avec lui : c’est après avoir été éprouvé que l’homme recevra la couronne de la vie. Ainsi soit-il !

Extrait de : La Vie Chrétienne, Sermons Prêchés à la Chapelle des Tuileries, par Mgr Charles-Émile Freppel. 1865.

Détachement des créatures à l'exemple de la Vierge Marie

DÉTACHEMENT DES CRÉATURES

À l’exemple de Marie, détachez votre cœur des choses d’ici-bas et consacrez-le tout entier à Dieu seul.

Pratique : faites toutes vos actions dans les sentiments du Cœur de Marie.
Oraison jaculatoire : Cœur de Marie, image parfaite du Cœur de Jésus, priez pour nous.

La Vie Chrétienne par Mgr Freppel – 2 – Les Tentations

Tentation de Jésus au désert

Combattre l’attrait sensible par le goût et la recherche des biens de l’esprit, tel est le moyen que Jésus-Christ nous indique pour surmonter la tentation des sens. Ce n’est là toutefois qu’une première épreuve offerte à la liberté humaine. De même que la tentation s’interpose entre les sens et la raison, elle vient se placer entre la raison et Dieu. Après avoir disputé à l’esprit la domination des sens, elle s’efforce de ravir à Dieu le gouvernement de l’esprit. « Pourquoi Dieu ne vous a-t-il pas permis de toucher à tous les fruits de ce jardin ? » telle est la question insidieuse que l’esprit du mal pose à toute intelligence qui croit sentir sa force. « si tu es le Fils de Dieu, jette-toi du haut de ce temple » : tel est le cri de la présomption qui monte à l’esprit de l’homme au moment où ses facultés s’épanouissent dans la plénitude de leur développement. Vous le voyez, mes frères, de part et d’autre c’est toujours la même lutte ; et l’Écriture sainte, en décrivant cette nouvelle forme de la tentation du premier homme et de la tentation du deuxième homme, n’a fait encore que retracer divinement l’histoire du genre humain.

Il arrive un moment dans la vie de chaque homme, où l’intelligence, plus vive et plus développée, prend conscience d’elle-même. Jusque là nous nous reposons doucement et sans crainte dans la foi de notre mère, dans la foi de nos maîtres, foi simple et naïve qui n a pas connu le doute, qui ignore la discussion. Mais à mesure que l’esprit cherche à se rendre compte par lui-même de ses croyances, il se prépare d’ordinaire pour lui une lutte plus ou moins animée. Alors, dans ce moment critique, le tentateur trouve moyen de nous glisser à l’oreille cette parole si flatteuse pour l’orgueil humain : Pourquoi ces préceptes qui enchaînent votre liberté ? Pourquoi ce joug que la foi vous impose ? Pour quoi croire à des mystères que vous ne comprenez pas ? Pourquoi l’Église entre la vérité et votre esprit ? Pourquoi le prêtre entre Dieu et votre cœur ? Pourquoi la confession entre le péché et votre conscience ? N’êtes vous pas libre de croire ce que vous voulez et de faire ce que bon vous semble ? Si vous avez des lumières, de l’intelligence, du génie, abandonnez-vous à vous-même, laissez-vous aller au courant de vos opinions, livrez-vous sans scrupule à la pente de votre nature, secouez ce joug qui vous pèse, brisez ces entraves de l’autorité, rejetez cette règle de foi qui prétend vous gouverner ; votre pensée n’admet pas de frein et votre raison est souveraine.

Il n’entre pas dans mon sujet, mes frères, de discuter ce manifeste de l’orgueil en révolte contre Dieu. La présence d’un souverain qui tient à honneur d’incliner son intelligence devant les mystères de la foi, m’avertit de l’heureuse inutilité de pareils discours. Je ne demanderai donc pas à mon tour : Pourquoi le mystère là où l’on s’attendrait le moins à le trouver, dans la science, dans la nature, dans l’homme ? Pourquoi la mère entre l’enfant et le monde ? Pourquoi le maître entre la science et le disciple ? Pourquoi le magistrat entre la loi et le citoyen ? Pourquoi l’autorité toujours et partout ?… Je dois me borner à décrire la marche que suit la tentation dans l’âme humaine et à demander au divin Maître l’arme avec laquelle on sort victorieux des assauts de l’ennemi.

Cette arme était entre les mains du premier homme. Il lui eût suffi de répondre dans la simplicité de son âme : Dieu m’a donné un précepte : à lui de commander, à moi d’obéir. Mais ce mot sauveur eût été le mot de l’humilité, et le mot de l’humilité ne sera prononcé que quatre mille ans plus tard, par des lèvres divines. « Vous ne tenterez pas le Seigneur votre Dieu » : telle est la réponse du Christ à l’esprit d’orgueil qui le sollicite au mal. Vous ne tenterez pas Dieu, c’est-à-dire, vous ne présumerez pas de vos forces, vous ne mettrez pas votre confiance en vous-même, dans les seules lumières de votre esprit, vous ne vous flatterez pas de pouvoir pénétrer toutes les voies de Dieu et scruter tous ses conseils ; mais vous reconnaîtrez la nécessité d’un secours surnaturel pour connaître le vrai sans mélange d’erreurs, et pour pratiquer le bien avec persévérance. Vous ne tenterez pas Dieu, c’est-à-dire, vous ne regarderez pas votre raison comme la mesure de la croyance, ni votre volonté comme la règle du devoir ; mais vous confesserez qu’il est au-dessus de vous un législateur suprême qui a le droit d’exiger votre assentiment à ce qu’il enseigne, et votre soumission à ce qu’il prescrit. Si le motif de ces préceptes vous échappe, si le sens de ces doctrines conserve pour vous de l’obscurité, vous l’épreuve ne tenterez pas Dieu en vous révoltant contre lui ; mais vous vous rappellerez que la raison humaine est toujours bornée et courte par quelque endroit ; qu’elle heurte l’infini à chaque pas ; qu’elle est obligée d’admettre une foule de vérités sans en connaître le comment ni le pourquoi  ; qu’en définitive elle ne sait le tout de rien, et que l’homme n’est jamais plus grand ni plus fort que lorsqu’il possède assez d’empire sur soi-même pour proclamer devant Dieu sa faiblesse et son absolue dépendance.

Jeûne et tentation de Notre-Seigneur Jésus

Jeûne et tentation de Notre-Seigneur Jésus. Retire-toi Satan ; car il est écrit :
« Vous adorerez le Seigneur et vous ne servirez que lui seul. »

Extrait de : La Vie Chrétienne, Sermons Prêchés à la Chapelle des Tuileries, par Mgr Charles-Émile Freppel. 1865.

Imitation du Sacré-Cœur de Jésus-Christ (13)

Sacré-Cœur de Jésus saint François de Sales

Sacré-Cœur de Jésus, Il aime sans jamais se lasser. Il donne sans jamais s’épuiser. (Saint François de Sales)

EFFUSION DE CŒUR.

Cœur de Jésus brûlant d’amour pour moi, faites que mon cœur brûle d’amour pour vous.

Que ne puis-je être partout, et porter efficacement tous les chrétiens à se consacrer au Sacré-Cœur de Jésus-Christ, et à faire continuellement ce qu’ils sauront pouvoir l’honorer et lui plaire ! Le Cœur matériel de Jésus-Christ mérite bien d’être honoré, puisque c’est le cœur d’un Homme-Dieu. Ce qui est une partie du Fils de Dieu fait homme, et ce qui a été le principe de sa vie mortelle, n’est-il pas digne de tous nos respects et de tous nos hommages ? Mais ce n’est pas seulement le Cœur de chair de Jésus-Christ qui est l’objet de la dévotion au Sacré-Cœur, ce sont encore les sentiments, et surtout l’amour infini que Jésus-Christ a eu pour nous. Ce Dieu Sauveur, qui a souffert et est mort pour l’expiation de nos péchés, et qui ensuite est ressuscité pour notre justification, a voulu, avant de monter au Ciel, nous laisser un gage continuel, dans le Très Saint Sacrement, de son ardent amour pour nous ; et c’est surtout là que Jésus-Christ veut que nous lui témoignions notre reconnaissance, que nous adorions son Divin Cœur en répondant à son amour par l’amour. Toutes les fois que nous visiterons le Saint Sacrement, rendons nos hommages au Sacré-Cœur de Jésus.

O mon Jésus, mille actions de grâces vous soient rendues ! C’est l’amour infini de votre Divin Cœur qui vous a porté à vouloir être toujours avec nous. Nous avions besoin de vous pour être fortifiés contre les assauts que nous livre continuellement l’esprit de malice. Ne souffrez pas qu’il nous séduise, que les vanités du monde nous éblouissent, et que nos passions nous entraînent. Par les mérites de votre Cœur Adorable, faites que nous ne succombions jamais à la tentation.

Leçon d’un ecclésiastique dévoué au Sacré-Cœur de Jésus : Sur les tentations.

1. Il n’est presque point de moments où vous ne soyez tenté, parce que l’ennemi de votre salut, qui a conjuré votre perte, n’est point éloigné de vous et qu’il ne dort jamais. — On est souvent tenté sans croire l’être, et l’on succombe souvent à la tentation sans penser ensuite qu’on a fait un grand mal, qu’on a offensé Dieu.

2. Parmi tant de chrétiens, y en a t-il beaucoup qui se reprochent et qui se repentent d’avoir péché par indévotion, lâcheté dans le service de Dieu, orgueil, vanité, amour-propre, désir déréglé de plaire, d’être estimé, approuvé, honoré ? Se reproche-t-on et se repent-on du désir de s’enrichir et de se satisfaire en tout ? — Si ces chrétiens succombent à la tentation sans presque sans apercevoir, c’est qu’ils ne craignent pas le péché véniel qui est le plus grand des maux après le péché mortel. — Pour ne pas pécher lorsqu’on est ainsi tenté, il faut veiller continuellement sur soi-même, marcher en la présence de Dieu, et dans le cours de la journée élever souvent son cœur à Dieu.

3. Il y a beaucoup de chrétiens qui s’imaginent n’être tentés que quand l’esprit impur leur livre des assauts : qu’ils se détrompent. Il est bien vrai que le démon de l’impureté est le plus redoutable ; qu’on peut pécher mortellement contre la pureté non-seulement par action et par parole, mais encore par désir et par pensée, lorsque l’on consent pleinement à ce désir et à cette pensée. Car, si on résiste constamment aux mauvaises pensées et à la délectation sensuelle qu’on éprouve souvent alors, on n’a point péché, on a même remporté une victoire.

4. Les tentations, loin d’être nuisibles, sont très-utiles lorsqu’on y résiste dès le commencement et constamment. Elles purifient lorsque dans le temps de la tentation on proteste à Dieu qu’on ne veut point l’offenser, qu’on ne veut prendre aucun plaisir qui lui déplaisent. —Elles humilient en faisant qu’on dit à Dieu : Venez à mon secours, ou je vais vous trahir et me rendre digne de l’enfer. — Elles instruisent sur cette vérité : Sans la grâce je ne puis pas me préserver du péché ni faire aucun bien.

5. Fuyez les occasions prochaines d’être tenté. Celui qui s’expose au péril de pécher, pèche. — C’est dès le commencement de la tentation qu’il faut résister. — Ayez une grande dévotion à Marie, mère de toute pureté. — Si on a succombé à la tentation, il faut se hâter de gémir, de se punir, et d’aller faire avec douleur une confession bien sincère du péché grief qu’on a commis.

Cœur Sacré de Jésus-Christ, qui avez été blessé pour nos iniquités, ayez pitié de nous.

Extrait de : Imitation du Sacré-Cœur de Jésus Christ, auteur anonyme, 1865.